Reprise par la wilaya d'Alger, La Casbah connaît une nouvelle vie sous l'impulsion de M. Zoukh. Un nouvel espoir pour certains et un énième plan de secours pour d'autres. Décrété Journée nationale de La Casbah, le 23 février prochain sera l'occasion pour faire le bilan et réitérer les engagements pris pour la restauration de cette cité. «Aujourd'hui, La Casbah a un nouvel espoir de sortir des gestions budgétivores et se défaire des retards accumulés. La wilaya d'Alger a les moyens de redorer ce vestige majeur d'Alger. La mission principale de la wilaya d'Alger est de rassembler toutes les compétences de tous les offices et établissements nationaux afin de travailler dans une cohérence absolue. C'est ce qui a longtemps manqué à la gestion du projet de réhabilitation de La Casbah depuis le classement de l'Unesco», constate Mourad Amirouche, architecte, ancien professeur et historien. Ce dernier a, depuis plusieurs années, suivi avec attention les projets menés au cœur de La Casbah. «L'ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi, avait connaissance des importants dégâts que subissait La Casbah. Pour elle, c'était un réel objectif d'arriver à un sauvetage in extremis. Cependant, sa tutelle manquait de cohésion, les intérêts personnels prenaient le dessus. Finalement, ce sont les volontés de certains cadres et des associations de sauvegarde, qui pourtant n'ont pas assez de moyens, qui jouent un rôle important dans le nettoyage et la consolidation de l'héritage de la cité», assure M. Amirouche précisant que le fait que la tutelle passe du ministère de la Culture à la wilaya «est une prise de conscience, voire un aveu du ministre Azeddine Mihoubi sur l'incapacité de son ministère de mener à bien le projet de réhabilitation. C'est un projet titanesque qui concerne tout le monde», dit-il. Millions Une enveloppe financière de 1 milliard de dinars a été consacrée par les services de la wilaya d'Alger à la restauration des sites de La Casbah d'Alger qui menacent de s'effondrer, comme la maison de la moudjahida Djamila Bouhired, Hassan Pacha, de l'artiste Mahieddine Bachtarzi, ainsi que Djamaâ El Berrani, situé au cœur de la citadelle d'Alger. Cette tâche a été confiée à Mohamed Berkoune, directeur des équipements publics de la wilaya d'Alger. L'opération d'évaluation concernera également plusieurs maisonnettes afin de définir la qualité des travaux à entreprendre. Classée au patrimoine mondial par l'Unesco en 1992, La Casbah d'Alger a été érigée secteur sauvegardé avant l'adoption du plan permanant de sauvegarde et de mise en valeur avec une enveloppe financière de 90 milliards de dinars, dont 24 millions de dinars alloués en 2013. Ce tissu urbain, occupé par plus de 70 000 habitants sur une superficie de 105 hectares, était géré depuis 2008 par l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés (OGEBC) avant la mise en place, en 2013, de l'Agence nationale des secteurs sauvegardés (ANSS). «La wilaya d'Alger est beaucoup plus proche de La Casbah que l'était le ministère de la Culture, c'est tout à fait normal que la wilaya gère son plan de sauvegarde. Que La Casbah passe de la tutelle du ministère de la Culture ou à celui de la wilaya démontre que l'Etat prend en charge sa restauration. Il n'y a pas d'interruption, on est dans la continuité», constate Abdelwahab Zekagh, directeur de l' Ogebc. Accompagnement Pour Abdelwahab Zekagh, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si «la wilaya d'Alger a le staff technique pour faire le suivi et la restauration», s'interroge-t-il en soulignant que «dans les opérations de restauration, il ne s'agit pas de construire un immeuble ou une nouvelle cité, il s'agit de sauvegarde. L'opération a été transférée au DTP (Département des travaux publics) qui va gérer. Cependant, il faut une assistance pour l'accompagnement. D'ailleurs, c'était cela notre préoccupation majeure que l'administratif ne suive pas le technique. Maintenant, il faudrait une assistance ; c'est-à-dire une structure habilitée avec des spécialistes de la restauration, qui ont l'habitude de faire ce travail et connaissent tout de La Casbah, de ses piliers à sons sous-sol», affirme-t-il. Malgré des travaux d'urgence entamés depuis 2006-2007, la médina où se côtoient le bâti colonial et les douirette connaît régulièrement des détériorations de bâtisses dont les derniers remontent au séisme du mois d'août 2015. Abdelwahab Zekagh se montre rassurant : «Avec l'arrivée de Abdelkader Zoukh à la wilaya d'Alger, il y a eu beaucoup de changements ; le wali est pressé de prendre en charge la restauration de La Casbah. C'est pour cette raison que nous proposons notre accompagnement et notre disponibilité.» L' Ogebc est l'organisme chargé de la gestion des monuments et sites archéologiques et historiques classés, y compris ceux situés à l'intérieur d'un secteur sauvegardé. «Nous avons placé 45 gardiens pour éviter les squats, en attendant que la restauration commence. Sur place, nous connaissons les habitants, l'état de chaque maison, les travaux à entreprendre et tous les problèmes», conclut Abdelwahab Zekagh. Dimension «Pour avoir vécu au cœur de La Casbah, je connais son rythme et son souffle. Pour moi, La Casbah c'est l'âme d'Alger ! Ceci dit, elle a eu des accidents de l'histoire, elle en est à ce stade, mais il n'y a pas lieu de désespérer. La Casbah peut réellement être sauvée et restaurée, malgré le fait qu'elle ait été amputée de ses douirette», avoue Lounis Aït Aouadia, président de l'Association les Amis de la Rampe Louni Arezki. «Il n'y a pas un jour sans que des délégations de touristes sillonnent les rues étroites de la cité. Il y a des lieux parlants dans La Casbah, c'est une cité chargée d'histoire et de mémoire. Je dirais même que c'est une cité civilisationnelle au sens propre du terme, parce qu'elle a constitué un creusé de cohabitation de l'Algérie profonde. Un autre paramètre s'ajoute au prestige de La Casbah, c'est le fait qu'elle soit un vivier culturel qui a connu des célèbres poètes, des chanteurs à dimension historique. Ajoutons à cela tous les grands métiers pratiqués dans le respect d'une tradition millénaire», rappelle-t-il. Pour la mémoire de La Casbah, Lounis Aït Aouadia insiste sur le fait que «cet héritage ne nous appartient pas, il nous a été légué par nos aïeux et nous devons le transmettre aux générations montantes.» Par ailleurs, Lounis Aït Aouadia annonce qu'il y a un autre patrimoine non classé et qui fera l'objet de recherches et de valorisation. «Il y a aussi un patrimoine voisin de La Casbah, qui est le cimetière d'El Kettar, directement lié à l'histoire de la vieille cité. Parce que toutes les sépultures sont originaires de la Casbah, de Rachid Ksentini, Hadj M'hamed El Anka, H'ssicen et tant de noms illustres qui sont enterrés là-bas. C'est un pan de l'histoire qu'on ne peut ignorer. Nous avons cette ambition de l'intégrer dans le patrimoine de La Casbah afin qu'il soit restauré et conservé», précise-t-il. Formations Par ailleurs, malgré la difficulté de circuler dans les rues de La Casbah à cause de l'état de certaines bâtisses, des associations œuvrent pour transmettre cet héritage à travers la sensibilisation et des formations. Des dizaines de jeunes chômeurs bénéficieront de contrats de travail pour entamer les opérations de restauration et de nettoyage de La Casbah d'Alger. Cette initiative entre dans le cadre de la célébration de la Journée nationale de La Casbah qui coïncide avec le 23 février de chaque année. Une enveloppe financière de 24 millions de dinars a été dégagée grâce au soutien de la wilaya d'Alger et du ministère de la Solidarité nationale pour enfin permettre aux jeunes d'accéder à des postes de travail et à une formation qualitative. Les jeunes en question seront répartis dans dix quartiers de La Casbah (parties) pour les nettoyer. Il faut savoir que cette opération s'inscrit dans le cadre de la consécration du plan stratégique en cours d'élaboration par l'Association «Les Amis de La Casbah» en coordination avec la commission de la wilaya d'Alger. La formation concerne 23 spécialités, notamment dans les domaines de la pose de carrelage, de coffrage, du dessin de bâtiment et d'autres métiers d'artisanat. Des architectes, des archéologues et des enseignants de la formation professionnelle encadreront ces jeunes.