Malgré les appréhensions qui ont marqué les débuts de la présence chinoise dans notre pays, les migrants de l'Empire du Milieu font désormais partie de la société algérienne et sont même appréciés pour leur enthousiasme, leur amour du travail, la rigueur et la discrétion. Avec plus de 40 000 ressortissants installés en Algérie, les Chinois forment aujourd'hui la plus grande communauté étrangère. Le quartier Boushaki à Bab Ezzouar, communément appelé «Chinatown», est depuis le début des années 2000 le lieu de concentration des Chinois à Alger. Ce quartier où l'insécurité est agissante, les heurts avec les Chinois sont fréquents. «Ce sont les petits voyous qui s'en prennent à eux. Sachant qu'ils sont étrangers, ils veulent leur faire peur pour avoir, essentiellement, de l'argent. Pourtant ils sont gentils et tentent d'être le plus discret possible», analyse Ali, un quinquagénaire résidant non loin du quartier. A l'extrême ouest d'Alger, dans le quartier Palm Beach dépendant de la commune de Staouéli, les Chinois occupent plusieurs villas. Ils y vivent et travaillent au sein de la société de construction Zhejiang Construction Investment Group Corporation (ZCIGC), présente en Algérie depuis 2003. Loubia, M'hadjeb et couscous Chen Ming est interprète. Son français est presque impeccable. Agée d'une vingtaine d'années, elle est à Alger depuis octobre 2013. Elle dit être tombée amoureuse de la gastronomie algérienne traditionnelle. Couscous, m'hadjeb, hrira, chorba ou encore loubia sont ses plats préférés. Elle dit ne pas retenir les noms des plats mais sait les reconnaître. «Lorsque je suis venue en Algérie, je croyais que votre gastronomie c'était juste des grillades et des frites. J'ai eu beaucoup de mal à l'apprécier. Ce n'est que lorsque j'ai goûté à vos plats traditionnels que j'ai adoré la cuisine algérienne», confie-t-elle en souriant. Elle se désole de ne pas trouver souvent des restaurants qui font de la cuisine traditionnelle algérienne. Pour ne pas se sentir dépaysée, l'entreprise ZCIGC a ramené un chef chinois qui prépare les trois repas du jour à la chinoise. Même si le riz cantonais, les dim sum ou les nouilles sautées les transportent le temps d'un repas dans leurs villes natales, les Chinois s'alignent sur l'opinion de Chen Ming quant à la gastronomie algérienne. Le couscous est leur plat préféré. Liu, chef d'entreprise, le préfère en sauce rouge avec beaucoup de légumes. Il en est de même pour son ami Wang Yu, assistant du directeur général de ZCIGC Algérie. Ils aiment également la rechta, une spécialité blidéenne, qu'ils nomment spaghettis arabes. Toutefois, ils ont du mal à se faire aux horaires des repas en Algérie, notamment celui du dîner. Ils dînent à 18h et sortent faire un peu de marche avant de se mettre au lit. Tourisme et destinations de loisirs absents Les Chinois aiment bien l'Algérie, mais ne trouvent pas où passer leurs week-ends, encore moins leurs vacances. Chen Ming rêve de marcher dans les rues d'Alger la nuit. Mais elle sait que son rêve est impossible à réaliser. «Sans voiture avec chauffeur, il m'est impossible de me déplacer à Alger», déplore-t-elle. Elle se désole encore plus de ne pas trouver de lieux de loisirs ou de divertissement. «Je pose souvent des questions aux autres Chinois pour connaître leurs destinations les week-ends. Ils me répondent tous Bab Ezzouar. C'est toujours Bab Ezzouar. Sinon, c'est Didouche (faisant allusion à la rue Didouche Mourad, avenue la plus commerciale d'Alger) ou Tipasa», ajoute-t-elle d'un air ennuyé. Et oui, les Chinois s'ennuient en Algérie. Pour que ses employés trouvent une occupation durant leur temps libre, l'entreprise ZCIGC a loué une superficie qu'elle a aménagée en terrain de basket et y a ajouté quelques aires de jeux. Faisant preuve de générosité, ils ont même invité leurs voisins algériens à les rejoindre sur leur terrain de sport. Un geste de sympathie qui leur a valu le titre de «nass mlah» (gens bien). Travailleurs algériens VS Chinois Quelle est la différence entre un travailleur algérien et un Chinois ? Pour Wang Yu, assistant du directeur général de ZCIGC, financièrement parlant, un employé algérien coûte nettement moins cher qu'un employé chinois. Toutefois, le manque de savoir-faire chez l'employé local oblige ses chefs d'entreprise à recourir à l'importation de la main-d'œuvre chinoise. «A notre arrivée, nous avons eu beaucoup de mal à trouver une main-d'œuvre qualifiée en Algérie. Parce que nous avons des délais à respecter, le recours aux employés chinois est l'unique solution. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas des Algériens dignes de confiance et ayant un véritable savoir-faire. Mais c'est une minorité. Une élite qui commence à prendre une dimension assez conséquente», déclare-t-il. En effet, depuis le début des années 2000, la présence des employés chinois n'a cessé de prendre de l'ampleur. C'est en 2013 qu'elle a connu un véritable pic, atteignant les 50 000 immigrés entre simple ouvriers, cadres techniques et administratifs et hommes d'affaires. Après cette date et suite à la chute des cours du pétrole et le gel par l'Etat de certains projets, ce nombre s'est réduit pour revenir à son ancien chiffre de 40 000 ressortissants chinois.