La République arabe sahraouie démocratique a célébré, hier, le 41e anniversaire de sa création. La République sahraouie a été proclamée le 27 février 1976 par le leader El Ouali Mustapha Sayed. C'est dans un contexte géopolitique particulier que la République sahraouie démocratique a célébré, hier, le 41e anniversaire de sa proclamation — le 27 février 1976 par le leader historique El Ouali Mustapha Sayed — marqué par le retour du royaume du Maroc au sein de l'organisation de l'Union africaine qualifié comme une «reconnaissance de fait de la République sahraouie» aux côtés de laquelle il siège désormais à Addis-Abeba. Mais, paradoxalement, par «l'entêtement de Rabat à poursuivre sa politique expansionniste et à imposer le fait accompli colonial et de provocation militaire». Dans son discours prononcé devant des représentants de pays étrangers qui reconnaissent la RASD, le président sahraoui, Ibrahim Ghali, a fustigé l'occupant marocain qui «continue dans son entêtement à bloquer les efforts de la communauté internationale pour la résolution du conflit sahraoui par son insoumission à la légalité internationale». Il en veut pour arguments le refus du royaume chérifien au représentant personnel de l'ONU, Christopher Ross, de visiter la région et l'exclusion des agents de la Minurso, provoquant une crise sans précédent avec l'instance onusienne. «L'Etat colonial marocain a non seulement méprisé les résolutions du Conseil de sécurité, mais il a aussi violé ses prérogatives en tentant de changer la situation sur le terrain. Il a envahi les territoires libérés du Sahara occidental en violation grave de l'accord de cessez-le-feu dans la zone de Guerguerat, frontalière avec la Mauritanie.» Le successeur du chef historique du Front Polisario Mohamed Abdelaziz a considéré le comportement marocain de «provoquant et menaçant à travers des opérations militaires et la mobilisation de ses forces armées». L'épisode de Guerguerat a failli déclencher un affrontement direct entre les deux armées. Après des semaines de tension frôlant la rupture de l'accord du cessez-le-feu, le Maroc — sommé par le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres — a retiré ses unités militaires de la zone tampon de Guerguerat avant-hier. Dernière colonie en Afrique Un retrait tactique, jugent les sahraouis. «Les manœuvres marocaines ne sont pas seulement de la provocation et une escalade sciemment orchestrée visant à nous détourner de la réalité coloniale, mais aussi et surtout une violation de la légalité internationale, du droit du peuple sahraoui et la spoliation de ses richesses naturelles. Agissant de la sorte, la monarchie marocaine attente à la crédibilité de l'instance onusienne. C'est inacceptable», dénonce le président sahraoui. Des contre-feux dans lesquels excelle le palais royal à chaque fois qu'il est acculé diplomatiquement. Les dirigeants sahraouis ne se laissent pas détourner du fond du conflit, même si l'affaire Guerguerat a capté toutes les attentions. Le chef du Front Polisario a alors ouvertement accusé le palais royal de vouloir déstabiliser toute la région. «La politique expansionniste et agressive de la monarchie marocaine est une menace pour la paix et la stabilité dans la région. Tous les peuples voisins en souffrent», prévient-il. Il n'a pas manqué de montrer du doigt l'autre arme de destruction massive dont fait usage la monarchie alaouite : la drogue. «Elle inonde la région de drogue, source importante dans le financement des bandes du crime organisé et des groupes terroristes», tance le chef sahraoui. Ibrahim Ghali, qui a enfilé sa tenue de combat à l'occasion, a exhorté le Conseil de sécurité à prendre des mesures effectives et directes pour mettre un terme à la violation de la légalité internationale par le Maroc. Il a par ailleurs appelé le nouveau secrétaire général des Nations unies, le Portugais Antonio Guterres, à «prendre les mesures urgentes et nécessaires pour l'application des résolutions de l'ONU permettant l'indépendance du peuple sahraoui». M. Ghali a rappelé à l'occasion que l'accord de cessez-le-feu et le plan de paix signés par les deux parties en conflit devaient aboutir à l'organisation d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui, seule solution juste, démocratique et durable. Et c'est l'objectif même de la nomination de la Mission des Nations unies pour l'organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso). Le président de la RASD a rappelé aussi la responsabilité historique et juridique de l'Espagne dans le conflit sahraoui. Il a surtout interpellé l'Etat français à «jouer un rôle historique en cohérence avec son histoire et sa place en tant que pays des droits de l'homme et sa responsabilité en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, à soutenir le choix démocratique pour le règlement du conflit du Sahara occidental au lieu de s'aligner sur l'approche colonialiste du Maroc». Evoquant la préoccupante situation dans les territoires occupés, le président sahraoui a vivement salué le «courage et la résistance des acteurs de la révolte pour l'indépendance, dont certains croupissent dans les prisons marocaines». Ibrahim Ghali a exigé leur libération immédiate et a invité la communauté internationale à faire de même. «La famille internationale doit bouger pour faire libérer dans l'immédiat les prisonniers de Gdeim Izik et de tous les prisonniers politiques sahraouis.» Il est temps «d'imposer des mécanismes onusiens pour la protection des droits des citoyens sahraouis sous occupation, les droits politiques, sociaux et économiques et enfin faire tomber le mur de l'occupant marocain», s'insurge le président Ghali. Ni guerre ni paix Pour rappel, depuis des années le Front Polisario demande au Conseil de sécurité d'élargir les prérogatives de la Minurso pour couvrir les droits de l'homme dans les territoires occupés. Ce sera un test pour le nouveau secrétaire général de l'ONU, Antonio Gutteres, et sa capacité à mener le processus de décolonisation à son terme. Réussir là où tous ses prédécesseurs, depuis Boutros Boutros Ghali, ont échoué. Pour ce faire, il doit nécessairement convaincre deux poids lourds du Conseil de sécurité, la France et dont le soutien aux thèses marocaines bloque le processus de paix. Mais il doit surtout persuader l'Administration américaine de la nécessité de placer le conflit sahraoui parmi ses priorités. Depuis toujours Washington s'est gardé de s'impliquer effectivement dans le dossier sahraoui, considérant qu'il s'agit d'un conflit de «basse intensité», mais surtout en raison de ses relations conflictuelles avec l'Etat marocain. Il est vrai que le travail de lobbying marocain auprès des cercles influents aux Etats-Unis fait de l'ombre aux organisations qui soutiennent la cause sahraouie, telles que la Fondation Kerry-Kennedy pour les droits de l'homme, dont était proche l'ex-secrétaire d'Etat, John Kerry. Cependant la bonne nouvelle pour les Sahraouis, c'est la mobilisation de certains sénateurs et membres du Congrès qui s'activent pour donner la place qu'il faut à la question sahraouie dans la nouvelle administration américaine. C'est l'un des objectifs de la visite, avant-hier, de deux sénateurs et quatre congressmen républicains dans les camps des réfugiés sahraouis. Connus pour leur soutien au droit à l'autodétermination, les élus américains se sont engagés à informer les deux Chambres à Washington et l'Administration Trump de la situation préoccupante du conflit sahraoui. «Les Etats-Unis vont poursuivre leur fort appui au processus de négociation sous l'égide des Nations unies pour parvenir à une solution politique, juste et durable acceptée par les deux parties concernées par la question du Sahara occidental», ont assuré les élus américains avant de quitter les camps des réfugiés, où ils ont discuté avec les autorités sahraouies. Pour les réfugiés sahraouis dans les camps et ceux qui souffrent dans les territoires occupés, la situation de ni guerre ni paix est devenue insoutenable. L'occupation militaire et la spoliation des terres et des richesses qui durent depuis 42 ans avec son lot de souffrances de la population inimaginables demeurent l'une des pires tragédies du XXIe siècle. Elle crée une situation de désespoir dangereuse. Alors que la légalité internationale et toutes les résolutions onusiennes plaident pour le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui, le fait accompli colonial impose sa logique. Est-ce une fatalité ? Non. Les sahraouis, forgés dans la résistance, ne jurent que par leur indépendance. Fatigués par l'enlisement diplomatique sans issue, la lutte armée risque d'être l'option inévitable. «Ce ne sera pas un choix ; contraints, nous prendrons les armes pour nous libérer. L'indépendance est au bout de la baïonnette», menace un jeune Sahraoui, droit dans sa tenue militaire.