Le tribunal criminel d'Alger a prononcé, tard dans la soirée de lundi, la peine capitale contre Chouaïb Oultache, l'assassin présumé de l'ancien patron de la police, Ali Tounsi. Il l'a reconnu coupable d'«homicide volontaire avec préméditation» et «guet-apens contre le défunt», de «tentative d'assassinat avec préméditation» et «guet-apens» contre l'ancien chef de sûreté de wilaya d'Alger, Abdelmoumen Abdrabi, et de «port d'arme à feu sans autorisation» et lui a refusé toute circonstance atténuante. De la prison d'El Harrach, Oultache a introduit, dès la matinée, un pourvoi en cassation contre cette décision. Après une délibération qui a duré plus de trois heures tard dans la soirée de lundi, le tribunal criminel près la cour d'Alger, que présidait le juge Omar Belkherchi, a prononcé la peine de mort contre Chouaïb Oultache, l'assassin présumé de l'ancien patron de la police, Ali Tounsi. Aux neuf questions retenues par le tribunal et relatives aux six chefs d'accusation : «homicide volontaire avec préméditation» et «guet-apens (contre Ali Tounsi)», «tentative d'homicide volontaire avec préméditation» et «guet-apens (contre l'ex-chef de la sûreté de wilaya d'Alger, Abdelmoumen Abderabi)», et «port d'arme à feu sans autorisation», le tribunal y a répondu unanimement «oui» et aux deux liées au bénéfice des circonstances atténuantes, il a répondu «non», avant de retenir la peine capitale, réclamée quelques heures auparavant par le procureur général. Du fond du box, Chouaïb Oultache n'a eu aucune réaction, comme s'il s'attendait à une telle condamnation. Dans la salle, la veuve Tounsi, son frère, son fils et sa fille semblaient satisfaits. «Lors de notre plaidoirie en tant que partie civile, nous avions réclamé justice. Nous pensons que le tribunal a rendu justice. Il a déclaré Oultache pénalement responsable de l'assassinat deAli Tounsi», a déclaré Me Fatma-Zohra Chenaif, avocate de la famille Ali Tounsi. Réuni sans le jury pour l'action civile, le tribunal a réclamé au condamné une réparation morale et matérielle, pour la veuve du défunt Ali Tounsi, et une autre morale, pour les enfants, qu'il a estimée à 7 millions de dinars. «Une somme que la famille versera au compte des œuvres sociales de la Sûreté nationale pour les familles des policiers victimes du terrorisme», nous informe Me Chenaif. Pour ce qui est de la réparation matérielle et morale réclamée par Me Othmani, avocat de Abdelmoumen Abdrabi, le tribunal l'a arrêtée à 1 million de dinars que Me Tayeb Belarif, avocat d'Oultache, avait contestée. L'avocat se dit «pas du tout surpris par la peine de mort.» Pour lui, «dès le début, le procès a pris la voie de la partialité. Le tribunal a refusé de débattre. La décision était prévisible même pour l'accusé qui était convaincu de l'iniquité du procès. Le juge n'a même pas caché sa partialité, qui était très visible tout au long du procès». Lors de sa longue plaidoirie, il a dénoncé «les nombreuses violations de la procédure, que ce soit lors de l'enquête préliminaire ou lors de l'instruction». Il s'offusque contre le fait que «trois commissaires divisionnaires et un commissaire principal, qui ont la qualité d'officier de la police judiciaire, ont foulé au pied leurs obligations légales en prenant la fuite, dès qu'ils ont vu une arme entre les mains d'Oultache. Ils ont donné un bel exemple aux jeunes policiers. Un général ne fuit pas l'ennemi. Dans le cas contraire, il passe au peloton d'exécution». Poursuivant ses acerbes critiques, l'avocat déclare : «Dès le départ, ils ont faussé l'enquête. Oultache avait été gravement blessé dans le couloir. Il a été ceinturé par cinq officiers alors qu'il avait une arme hors d'usage. Il n'a été évacué à l'hôpital que vers 12h45, soit plus d'une heure 45 minutes après sa neutralisation. La scène de crime a été piétinée et totalement polluée par les va-et-vient injustifiés et illégaux des policiers. Une trentaine de balles ont été tirées dans le bureau du directeur général et une dizaine dans le couloir.» Sans se fatiguer, Me Belarif, exhibant certains procès-verbaux d'audition, déclare : «Abdrabi dit qu'il a demandé par radio l'aide des éléments de la Brigade de recherche et d'investigation (BRI) qui relèvent de sa compétence en tant que chef de sûreté de wilaya d'Alger. C'est lui qui a dirigé toutes les opérations de l'enquête préliminaire. Il y a une forte suspicion d'une orientation, surtout qu'il s'est constitué partie civile en déclarant qu'il y a eu une tentative d'assassinat sur lui. La BRI s'est comportée en ignorant totalement le procureur de la République que nous ne voyons nulle part. Dès le départ, la BRI a manipulé la procédure en transportant le corps de la victime vers la clinique Les Glycines, puis vers le laboratoire scientifique de la police à Châteauneuf, avant de l'acheminer vers la morgue du CHU Mustapha pour l'autopsie. La police judiciaire s'est autosaisie, alors que la réquisition devait être faite par le procureur. Nous ne retrouvons aucune ordonnance du parquet pour effectuer les manipulations sur la scène de crime. La crédibilité des indices est fortement suspecte.» Me Belarif précise en outre que le rapport de la BRI fait état de la récupération de deux balles sur la scène de crime, après des recherches minutieuses, et une troisième balle a été extraite du corps de la victime. «Comment est-ce possible ? L'arme d'Oultache a été retrouvée avec 4 balles et ne pouvait contenir que 6 balles. S'il en a tiré deux, comment peut-on en récupérer trois ? Deux sur les lieux du crime et une dans le corps du défunt. Il y a forcément une balle de plus qui a été ramenée pour dissimuler des preuves. Nous avons demandé des tests balistiques pour voir quels effets peuvent provoquer les balles semi-blindées sur un cadavre ou un animal, dans les différentes positions de tir, afin de préciser comment les balles ont été tirées, mais notre demande a été rejetée.» L'avocat s'en prend au médecin légiste, Mohamed Belhadj, qui avait été interrogé comme témoin quelques heures auparavant par le tribunal. «Il a dit qu'Oultache était en position debout lorsqu'il a tiré sur le défunt, alors qu'il était assis sur son fauteuil la tête un peu penchée. Selon lui, Tounsi s'est levé et a tenté de fuir, mais il s'est écroulé sur le côté droit de son bureau. Un coup de revolver à la joue l'aurait forcément poussé vers l'arrière. Il est impensable qu'il tombe plus loin que son bureau. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas de sang ni sur le bureau ni sur son fauteuil, alors que la balle a traversé la langue et la mâchoire. Il dit aussi qu'Oultache est revenu pour tirer une balle qui a atteint le maxillaire droit avant de sortir du crâne et fait état, dans le certificat de décès, d'une plaie pénétrante sur le sommet du crâne. Or, les photos ne montrent aucun indice d'éclatement crânien. On nous a ramené une chemise du défunt que nous suspectons. Elle est blanche à rayures noires, avec un morceau qu'on a arraché au niveau du côté droit. Elle était couverte d'une teinte à peine rougeâtre. Comment pouvons-nous croire que Ali Tounsi puisse porter la chemise directement sur le corps. Il devait avoir un maillot de corps que nous n'avons pas eu.» Toutes ces «violations» laissent croire à l'avocat d'Oultache que ce dernier «n'est pas l'auteur du crime», et de ce fait il a demandé au tribunal de répondre «non» aux questions liées à l'homicide volontaire. Pour ce qui est du port d'arme sans autorisation, il l'a laissé à son appréciation. Le tribunal a donné la parole à l'accusé qui déclare : «Je n'ai pas tué. Je regrette juste d'être entré dans la discussion et de l'avoir suivi.» Le tribunal s'est retiré vers 17h30 et le verdict est tombé vers 21h. Après sept années d'attente, Oultache a été condamné à la peine capitale à l'issue d'un procès qui aura duré deux jours.