La réglementation sur la domiciliation d'entreprises, en Algérie, est réduite aux primo-investisseurs, alors qu'elle pourrait connaître une application bien plus élargie. Par Samir Hadj Ali * De la notion de domicile Le sujet du domicile des personnes physiques est régi par les articles 36 et 37 du code civil, celui des personnes morales par l'article 50 du même code. Pour les personnes physiques, le domicile de tout Algérien est au lieu où se trouve son habitation principale. Dans le cas d'une personne qui exerce sa profession commerciale ou non commerciale, le lieu d'exercice tient lieu de domicile spécial pour les affaires qui se rapportent au commerce ou à la profession. Pour les personnes morales, le domicile est au lieu où se trouve le siège de l'administration de la société. Mieux encore, les sociétés, qui ont un siège à l'étranger et qui exercent en Algérie, sont réputées, au regard de la loi interne, avoir leur siège en Algérie. Ainsi, qu'elle soit sous la forme individuelle ou sous la forme de société, l'entreprise algérienne aura respectivement, comme domicile, selon le cas, le lieu d'exercice ou celui de son siège social. Dans la quasi-totalité des cas, l'entreprise doit justifier son adresse par un titre qui met en évidence qu'elle a la libre disposition des lieux d'exercice ou faisant foi de siège. Le titre, sera selon le cas, un acte de propriété ou un bail pour les lieux loués. L'exception est faite pour les commerçants non sédentaires, qui sont tenus d'élire domicile légal en leur résidence. Cette mesure est prévue par l'article 20 de la loi n° 04-08 du 14 août 2004, relative aux conditions d'exercice des activités commerciales, qui a prévu une exception pour les activités commerciales exercées en étal ou de manière ambulante. Compte tenu des tensions sur les marchés locatif et immobilier, il est facile de comprendre combien la justification d'un domicile professionnel ou commercial, par un titre de propriété ou un contrat de location, paraît contraignante pour les entreprises, qu'elles soient individuelles ou en sociétés. Pourtant, la domiciliation peut s'avérer être une alternative qui peut régler un grand nombre de contraintes. De la domiciliation La domiciliation commerciale est un contrat entre une entité dite «domiciliataire» et une personne physique ou morale dite «domiciliée». Elle présente pour principal avantage d'offrir au domicilié une adresse différente de la sienne, souvent plus adaptée à l'exercice de la profession du domicilié, moins onéreuse qu'un bail commercial et moins embarrassante qu'une domiciliation chez soi. Elle permet d'épargner les coûts d'installation et de réduire les coûts fixes du loyer. La domiciliation peut être avant tout physique et dans ce cas, elle ne se différencie pas trop du bail commercial, puisqu'il est possible de disposer de locaux pour y recevoir ses relations commerciales. Lorsque la domiciliation est seulement commerciale, elle s'apparente plus à une adresse postale à laquelle les courriers destinés à l'entreprise sont envoyés, le domiciliataire offrant une prestation de relais du courrier. Le domiciliataire peut également offrir un certain nombre de prestations annexes, comme les services de secrétariat, de messagerie et de reprographie, qui, au final, peuvent contribuer à assurer au domicilié de substantielles économies par la mutualisation des charges. Dans le prolongement, la domiciliation peut également être fiscale et servir lors de l'enregistrement d'une entreprise, lorsque le domicilié prend pour option de se référer à l'adresse du domiciliataire dans tous ses rapports avec les tiers et avec l'administration fiscale. Malheureusement, la domiciliation tant commerciale que fiscale n'est pas applicable en Algérie, telle que décrite précédemment, car en pratique, les sociétés qui hébergent des entreprises sur des sites partagés le font sous la forme de bail commercial, pour des espaces dûment identifiés et alloués au pseudo-domicilié qui n'est qu'un locataire. Ce que prévoit la réglementation algérienne A l'origine, en Algérie, la domiciliation n'était prévue que pour les primo-investisseurs, personnes physiques, qui pouvaient en bénéficier pour une durée limitée ; les personnes morales en étaient alors exclues. A l'origine, l'article 21 de la loi n° 04-08 du 14 août 2004 relative aux conditions d'exercice des activités commerciales prévoyait que lorsque la personne physique était un primo-investisseur, celle-ci pouvait élire domicile en sa résidence habituelle jusqu'à l'achèvement du projet, lequel basculait la domiciliation au site de l'activité. L'article 21 de la loi n° 04-08 du 14 août 2004, tel que modifié et complété par la loi n° 13-06 du 23 juillet 2013, prévoit toujours cette possibilité pour les personnes physiques mais permet également aux sociétés commerciales primo-investisseurs, qui ne disposent pas de siège social, d'élire domicile auprès d'un commissaire aux comptes, ou d'un expert-comptable, d'un avocat ou d'un notaire, ou de la résidence du représentant légal de la société pour une durée maximale de deux années renouvelables une fois, en tant que de besoin. Cette disposition instituée pour faciliter la création de sociétés parmi les jeunes entrepreneurs apporte certes une grande flexibilité, mais il n'est pas certain que son application soit étendue, soit par méconnaissance, soit par crainte de recourir à une procédure non rodée. De plus, il manque des précisions sur les formalités que les domiciliataires doivent remplir, d'autant qu'ils sont des professionnels assujettis à la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le mythe de l'entreprise fictive et des risques associés à la mobilité des entreprises impacte certainement le faible recours à la domiciliation des primo-investisseurs tout comme l'option de son élargissement à l'environnement des affaires sur le territoire algérien. Possibles voies d'aménagement C'est d'emblée sur les domiciliataires que l'effort doit être fait pour envisager, au-delà des professions réglementées déjà autorisées sous l'article 21 de la loi n° 04-08 du 14 août 2004, qu'une telle activité soit régie par une réglementation spécifique. Une telle réglementation pourrait prévoir l'obligation de moyens pour les domiciliataires, tels que la disponibilité d'espaces et de commodités adaptés. Le profil des domiciliataires et celui des entités domiciliées devrait être défini avec des obligations déclaratives permettant le recensement et le suivi des parties prenantes, pour éviter la prolifération de sociétés écrans. S'agissant des contrats de domiciliation, obligation pourrait être faite aux domiciliataires d'y préciser les informations relatives au représentant légal de la société, dûment justifiées et détenues par le domiciliataire, lequel pourrait avoir une obligation de saisie du Centre national du registre du commerce en cas de changement de position du domicilié. Ces informations pourraient, entre autres, permettre d'avoir l'assurance que le domicilié est bien immatriculé au registre du commerce ou auprès de l'institution de supervision de la profession réglementée. Le contrat pourrait prévoir que le domiciliataire ait une obligation de recevoir au nom du domicilié toute notification avec des contacts testés et réguliers de manière à prévenir la volatilité des entités hébergées. La limitation aux primo-investisseurs ne réduira pas pour autant les pratiques d'atteinte à la traçabilité des entreprises. C'est l'amélioration de cette traçabilité qu'il faut envisager, en offrant plus d'options d'élection de domicile aux entreprises, tout en tenant compte de la dématérialisation qui prendra le pas, car il n'est pas exclu que le futur réserve à titre d'adresse un «Cloud» (1) . Imaginez, un siège sur un nuage ! S. HA (*) Expert-comptable (1) Nuage en anglais ; mais aussi une technologie qui permet de mettre sur des serveurs localisés à distance des données de stockage ou des logiciels