Les niveaux de déficit budgétaire des deux dernières années n'ont jamais été constatés depuis l'indépendance. Le plus important a été enregistré en 1993, il s'était établi à 13,74% du PIB. Le déficit budgétaire abyssal des deux derniers exercices inquiète vivement le gouvernement, rattrapé plus que jamais par sa fièvre dépensière des années du pétrole cher. Sous l'effet de la baisse des recettes pétrolières, une tendance amorcée depuis juin 2014, le déficit budgétaire a doublé en 2015 en s'établissant à 16% du produit intérieur brut (PIB), correspondant à plus de 27 milliards de dollars. Les chiffres de 2016 montrent un niveau de déficit culminant à plus de 15% d'un PIB prévisionnel de 166 milliards de dollars. Un rapport arithmétique des deux données fait ressortir un niveau de déficit de 25 milliards de dollars en 2016. Le calcul définitif de l'évolution du déficit en 2016 n'a pas été encore rendu public, mais tout porte à croire que les prévisions des institutions de Brettons Woods se sont avérées exactes. Le dernier exercice devait se solder par un déficit de 30 milliards de dollars si on se tient aux calculs des prévisionnistes du Conseil national économique et social (CNES). Quoi qu'il en soit, de tels niveaux de déficit budgétaire n'ont jamais été constatés depuis l'indépendance. Le plus important a été enregistré en 1993 ; il s'était établi à 13,74% du PIB. Aux yeux des économistes, il y a lieu d'inscrire la réduction du déficit dans le chapitre des «priorités nationales», tant il est vrai que ces niveaux de déficit ne font qu'aggraver la situation des finances publiques plombées par un baril de pétrole moins rentable, de surcroît incapable de soutenir le rythme des dépenses. D'autant que l'amenuisement de l'épargne interne, la fin de vie annoncée du FRR et l'échec du premier emprunt national rend la tâche du gouvernement encore plus compliquée. L'urgence de faire face aux déficits a contraint le gouvernement de mettre fin à sa longue période d'hibernation, faute de quoi c'est la dette publique qui repartira au galop et le chemin des créanciers et du FMI ne pourrait plus être évitable. C'est ce qui explique d'ailleurs la tournure austère des deux précédentes lois de finances (2016-2017) et les sacrifices imposés aux populations durant les deux dernières années : pression fiscale, renoncement graduel aux subventions, gel des recrutements et des promotions, coupes drastiques dans le budget d'équipement et de fonctionnement… condition sine qua non d'une réduction des déficits. S'il est vrai que le pays était pris depuis des années dans le cercle vicieux des déficits, la tension était moins menaçante tant le pays disposait encore d'une épargne interne qui jouait le rôle de pare-choc face à l'accumulation maladive des déficits. Toutefois, dans ce contexte de soldes négatifs, marqué surtout par la fin de mission annoncée du Fonds de régulation des recettes, l'Exécutif n'a de choix que de prendre le taureau par les cornes et entamer sans délai un vrai processus de lutte contre les déficits. On connaît les raisons du problème : la hausse effrénée des dépenses publiques. C'est pourquoi, le gouvernement a entamé son processus de rationalisation budgétaire par des actions de rabotage qui touchent à la fois les importations, l'action sociale et les dotations budgétaires dédiées tant au fonctionnement qu'à l'investissement public. L'Exécutif propose également une trajectoire budgétaire étalée sur les trois prochaines années avec, au tableau, des ambitions claires et chiffrées en matière de réduction du déficit. C'est une première dans les annales de la politique budgétaire du pays. En effet, par le moyen de cette nouvelle codification budgétaire de la période 2017-2019, le gouvernement veut terminer l'exercice en cours avec un solde global du Trésor en déficit de 8% du produit intérieur brut, contre un déficit prévisionnel de 11,4% en 2016. Le déficit budgétaire devrait être ramené à 5,0% du PIB en 2018 et 1,9% en 2019. L'objectif de cette trajectoire budgétaire de moyen terme est de répartir l'effort d'ajustement sur plusieurs années, de crainte que les cures prescrites ne fassent des victimes collatérales parmi les populations. Il n'est pas exclu que de nouveaux sacrifices soient proposés : la réduction de la masse salariale et la taille de la fonction publique, l'élimination des subventions implicites et explicites, l'abandon des aides fiscales directes et indirectes, la réorientation des dépenses d'investissement, etc. Bémol, il n'est pas sûr que les cures antidéficit ne produisent d'effets pervers, dont l'aggravation du coût social de la crise à travers la hausse du chômage, la baisse de l'investissement, l'érosion du pouvoir d'achat des ménages, etc.