Penser le développement local a de tout temps été l'affaire de l'administration centrale. Les élus locaux se retrouvent souvent à servir de relais à des projets ne répondant pas nécessairement aux besoins réels de leurs localités. Résultat de la manœuvre, aucune des parties, citoyens, élus locaux et administration n'est satisfaite. Les plans de développement imposés et non concertés ont montré leurs limites, et faire émerger des projets créateurs d'emplois et de revenus pour les collectivités locales du bas vers le haut s'avère être la clé pour un développement durable et efficace. C'est pour rendre possible cette équation que dix communes de différentes régions du pays ont été choisies pour bénéficier du programme Capdel (Démocratie participative et développement local). Ce dernier découlant de la convention signée entre le ministère de l'Intérieur et des collectivités locales, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l'Union européenne promet, pour une durée de quatre années, de donner aux élus, aux agents de l'administration et aux citoyens des outils pour une gestion concertée, transparente, pertinente et rentable des affaires de la collectivité. Djemila (Sétif), Mesaâd (Djelfa), Timimoun (Adrar), Ghazaouet (Tlemcen), Beni Maouche (Béjaïa), Tigzirt (Tizi Ouzou), Ouled Abdelkader (Chlef), El Khroub (Constantine), Babar (Khenchela) et Djanet (Illizi) sont les dix communes sélectionnées pour la richesse et la diversité qu'elles présentent sous différents aspects (géographique, culturel, touristique, économique) afin de rendre possible l'exercice de dialogue entre élus, administration et société civile. Un dialogue devant déboucher sur l'identification des atouts de la région à partir desquels seront constitués les Plans communaux de développement, les fameux PCD qui, jusqu'alors, ne représentaient qu'une enveloppe venant de l'administration centrale vers les communes. Pour la première fois les citoyens, en contribuables responsables, sont appelés à participer au choix des projets à développer dans leurs régions, et tout en s'acquittant des charges fiscales à leurs communes ils auront un droit de regard sur la marche des projets et leur rentabilité. «Nous avons sélectionné dix communes représentatives de la diversité de notre territoire tant sur le plan culturel que sur les potentialités économiques ou autres caractéristiques. Un échantillon de communes qui nous permettra de trouver des réponses à l'ensemble des préoccupations de toutes les communes du pays. Ce projet consiste à exploiter les atouts locaux pour un développement socioéconomique concerté que nous généraliserons à l'ensemble du territoire national», explique Mohamed Dahmani, chargé d'études et de synthèse au niveau du cabinet du ministre de l'Intérieur et des collectivités locales, directeur national du projet Capdel. Les communes pilotes serviront d'exemple L'application du programme CapDel, qui est à la phase de diagnostic des potentialités à développer au niveau des communes sélectionnées, passera par l'implication des acteurs locaux, la modernisation et la simplification des services administratifs au niveau communal, le renforcement de la planification stratégique, notamment en vue de créer des emplois et des revenus durables et par l'amélioration de la gestion multisectorielle et multi-niveaux des risques majeurs au niveau local. «Toutes les expériences qui auront réussi, nous les étudierons au niveau central en vue de les appliquer à d'autres communes sur la base des spécificités de chacune», indique Mohamed Dahmani. «Le code communal souligne que tout ce qui a trait à la proximité et au développement local est l'affaire de la commune, il faut que cela devienne réalité à travers l'implication des élus locaux et des citoyens dans le choix des activités économiques à développer et l'administration encadrera l'opération d'un côté réglementaire… Le financement des projets était jusqu'à présent le fait des subventions de l'Etat à travers le PCD et la caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales, la marge de recouvrement des taxes et impôts au niveau des communes est très minime, ce qui n'est pas normal. La commune se prive ainsi d'une ressource importante pour son développement. Le programme Capdel va œuvrer à non seulement sensibiliser les élus et les citoyens sur l'importance de l'impôt pour le développement local, mais aussi sur la participation de tous à la création des richesses au niveau local. Les citoyens qui jusqu'alors ne s'acquittaient pas des redevances le feront dès lors qu'ils seront impliqués dans le développement de leur cadre de vie ; il suffit juste de leur expliquer et de les associer à la gestion des affaires de leurs communes», indique pour sa part Amar Merzougui, directeur au niveau du ministère de l'Intérieur chargé du budget des communes. Présents à Ghazaouet (wilaya de Tlemcen) afin d'y lancer le programme Capdel, les représentants du ministère de l'Intérieur, des Affaires étrangères et du PNUD ont réuni élus locaux, agents administratifs, société civile et citoyens afin de faire un premier constat des besoins et des potentialités de cette localité de l'ouest du pays. Après Djemila, Messaâd et Timimoun, la commune de Ghazaouet fait l'objet d'une étude du Centre national d'études et d'analyses pour la population (Ceneap) autour des attentes des élus, citoyens et administration pour le développement de leur localité. 12 millions de dollars C'est sur la base du résultat de cet examen approfondi que sera établi un programme d'appui à la commune en termes de formation des acteurs et du choix des projets de développement. Une fois que le choix des projets à développer est fait au niveau local, l'équipe chargée du projet Capdel servira d'intermédiaire auprès du gouvernement afin d'avoir le financement nécessaire. «Ce programme s'inscrit dans le cadre de la coopération Nations unies-Algérie 2016-2030 pour les Objectifs de développement durable… La coopération du Pnud avec le gouvernement algérien a de tout temps été faite au niveau central, et le programme Capdel est une première en son genre puisqu'il s'appliquera au niveau local…C'est un programme qui ambitionne d'instaurer des outils de concertation et de dialogue au niveau local pour un développement décidé par tous et pour tous», explique Farida Kebri, chargée du programme Capdel au Pnud. A noter qu'une enveloppe de 11 702 000 de dollars est allouée à ce programme, dont 8 532 000 dollars accordés par l'Union européenne, 2 970 000 dollars octroyés par l'Algérie et 200 000 dollars versés par le PNUD. Un budget qui ira en grande partie à la formation des acteurs, élus, administratifs et société civile, afin de développer les capacités de chacun, notamment en matière de planification stratégique locale pour la conception des PCD et sa déclinaison en programme annuel. Le problème récurrent de la gestion de la fiscalité locale sera abordé dans le cadre de l'élaboration du PCD avec l'importance de chercher le financement là où il se trouve, chez le privé, chez l'Etat, et en rentabilisant le patrimoine des communes.