L'ahmadisme est un courant non violent, qui a fait son apparition en Algérie dans les années 1930. Adda Fellahi, ancien conseiller au ministère des Affaires religieuses et des wakfs, met en garde contre la politique du deux poids deux mesures prônée par l'Etat concernant le dossier des ahmadites, d'une part, et celui des salafistes extrémistes et autres takfiristes, d'autre part. L'ancien cadre du département de Mohammed Aïssa et ex-parlementaire a exprimé des craintes quant à une possible montée du salafisme extrémiste, au moment où l'Etat «s'est engagé avec rigueur» dans le dossier des ahmadites, avec des arrestations, des interdictions et une surveillance de près des activistes identifiés. Dans une conférence organisée hier par le quotidien arabophone El Mihouar, Adda Fellahi, tout en justifiant la rigueur des autorités judiciaires et sécuritaires avec les ahmadites par le souci de «protéger l'Algérie de toute pression ou ingérence étrangères», prévient contre les ramifications des courants salafistes extrémistes «qui sont dans les hautes sphères de l'Etat». «On y compte des membres au ministère des Affaires religieuses, dans des mosquées et des centres de formation des imams et autres institutions que ce courant domine avec ruse ou avec corruption», révèle M. Fellahi, qui se présente en tant qu'«ancien cadre au fait de tous les détails concernant la gestion du secteur des Affaires religieuses». Ce dernier estime que «la manipulation médiatique de ce dossier a eu pour effet un espace public totalement acquis aux salafistes, dont le danger est toujours d'actualité». Pour cet ancien cadre du ministère des Affaires religieuses, «l'ahmadisme est un courant musulman pacifiste qui prétend introduire du renouveau dans les idées ; cependant, il doit faire l'objet d'une étude de près par les spécialistes pour connaître son ancrage réel et sa véritable étendue et que nous pouvons qualifier d'égaré». L'émergence de nouveaux courants a démontré les limites des dispositions de la Constitution et des lois qui régissent la vie publique qui, d'un côté, consacrent la liberté de culte, et d'un autre, définissent l'islam sunnite malékite comme seule religion d'Etat et seule référence religieuse, d'où, selon Adda Fellahi, la nécessité et l'urgence de création d'un comité scientifique d'experts pour suivre l'émergence des courants et se prononcer par fatwa en cas de besoin. Le conférencier, qui a minimisé l'ampleur de la présence des ahmadites en Algérie, rappelle que leur tentative d'émerger remonte aux années 1930, mais «ce courant qui ne prône pas d'opposition au colonisateur s'est effacé». Le danger des ahmadites réside dans le fait que leurs adeptes doivent prêter allégeance aux instances dirigeantes basées à l'étranger et dont les motivations pourraient menacer la stabilité du pays. «L'étendue du courant et la vitesse de sa propagation dans la société algérienne ne représentent pas une menace de taille comparée au salafisme, qui, lui, en représente toujours une», insiste le conférencier. Le spécialiste en minorités religieuses, Youcef Mechria, abonde dans le même sens. Les ahmadites se présentent en Algérie comme un courant «non violent». Mais si l'on s'approfondit dans l'étude des détails des principes de ces courants mis en place à la fin du XIXe siècle, on trouvera des articles «takfiristes». «A partir du moment où un partisan estime que son courant est la seule voie du salut, il y a forcément exclusion de l'autre», explique M. Mechria. Il pense que «l'Algérie, qui sort d'une décennie noire, n'a pas besoin d'un autre épisode de violence». Le spécialiste estime, par ailleurs, que les arrestations d'ahmadites sont justifiées par «la non-conformité à la loi concernant la collecte des fonds et l'organisation de rencontres, et non pour les idées véhiculées». M. Mechria prévient contre «le risque de la création d'une minorité pouvant constituer un point de pression par les instances internationales».