Souhaitant contrer les idéologies extrémistes et terroristes, les autorités algériennes envisagent de favoriser la mise en place d'une autorité religieuse régionale unique. Les leaders et érudits religieux du Maghreb se rencontreront en Algérie en fin de mois pour discuter de la nécessité d'une autorité religieuse unifiée pour contrer l'extrémisme. Le ministère algérien des Affaires religieuses et des Wakfs organisera cette rencontre sous le thème "Sécurité intellectuelle et rôle des institutions du Maghreb arabe dans sa mise en place". Les participants devraient y discuter de l'émergence d'une marji'ya religieuse unifiée dérivée de l'école malikite, et parler de ce que les autorités qualifient de fatwas "importées" qui font la promotion du takfirisme et d'autres idéologies extrémistes et terroristes. Le but de cette rencontre est d'examiner "les dimensions de la sécurité intellectuelle, ses conséquences et les raisons qui conduisent à l'émergence d'idées négatives qui ont des conséquences dramatiques dans de nombreux pays, dont l'Algérie, qui endure les agressions intellectuelles et religieuses lancées par des groupes qui se sont emparés de ces idées pour répandre la violence et l'extrémisme", a expliqué le ministre algérien des Affaires religieuses Bouabdellah Ghlamallah à Magharebia le 4 avril. Ces débats devraient également aborder le rôle des imams et du khatib face à l'extrémisme, et des programmes de formation qui favorisent un leadership religieux modéré. Parmi les autres sujets proposés pour cette rencontre, citons la réalité religieuse du Maghreb, les caractéristiques de la marji'ya dans la région, la protection de la société contre la propagation du takfir, des influences religieuses étrangères et des actes terroristes. Le gouvernement algérien a déjà pris des mesures pour endiguer l'influence des extrémistes religieux sur son propre sol, notamment par le biais de mesures interdisant aux imams de faire de la politique. Les autorités surveillent également de près et s'en prennent à certaines pratiques religieuses jugées subversives ou contraires à la doctrine prédominante de l'Islam et à la loi. L'Algérie s'efforce de rassembler les experts religieux au plan régional. Des Tunisiens, des Marocains et des Libyens ont déjà participé à une rencontre en Algérie visant à discuter de la législation sur les pratiques religieuses envisagée par le gouvernement. "Le monde arabe et musulman a traversé des moments difficiles après l'apparition des germes de l'extrémisme et du terrorisme, et la montée de l'idéologie khawarij qui souhaite renverser les régimes politiques dans les pays arabes sur la base d'une marji'ya importée de l'extérieur de l'Algérie et de la région du Maghreb, connue pour sa marji'ya pacifique qui dépend du fiqh de l'imam Malik et de la marji'ya soufie", a expliqué à Magharebia le conseiller pour les médias du ministre des Affaires religieuses, Adda Fellahi. "Ces parties ont tenté d'exclure la marji'ya religieuse en place et de la remplacer par une marji'ya importée causant de nombreux problèmes aux pays de la région, avec l'apparition de groupes terroristes qui tirent leurs idées de l'approche takfiriste", a-t-il expliqué. "Les pays du Maghreb arabe doivent coordonner leurs efforts pour favoriser la mise en place d'une marji'ya religieuse du Maghreb destinée à contrer les fatwas importées, dans la mesure où la région du Maghreb a ses propres caractéristiques religieuses, culturelles et historiques", a ajouté Fellahi. Ali Bernaoui, spécialiste de l'histoire islamique, a expliqué à Magharebia que "l'absence ou l'ignorance des leaders religieux du Maghreb ces dix dernières années ont permis à certaines voix de s'élever, tirant parti de l'éveil islamiste en lançant des fatwas incitant à la haine et à la violence". Certaines de ces voix "avaient pour objectif politique de renverser les régimes en place, et ont utilisé la religion pour attirer certains jeunes", explique Bernaoui, ajoutant que l'éradication des racines de la violence dans le Grand Maghreb "se fera en ouvrant la porte à un dialogue sérieux et constructif entre les prêcheurs, les imams et les jeunes qui ont adhéré à l'idéologie takfiriste, de manière à pouvoir les convaincre par des arguments et des preuves de l'invalidité des fatwas et des idées sur lesquelles ils se fondent". Bernaoui a cité l'interaction de la Libye avec le Groupe islamiste combattant libyen comme la meilleure preuve de l'importance qu'il y a à ouvrir des voies de dialogue impliquant la communauté religieuse.