En 2007, Ould Kaddour n'introduit pas de pourvoi en cassation contre l'arrêt du tribunal, qui le reconnaît coupable de «divulgation d'informations classées secret-défense sans intention d'espionnage ou de trahison». Inattendu le retour de Abdelmoumen Ould Kaddour, par la grande porte, pour être nommé PDG de Sonatrach, après un parcours tumultueux à la tête de Brown and Root Condor (BRC), un passage de 26 mois par la prison militaire pour «divulgation de secrets de défense», suivi d'un exil de presque 10 ans à Abu Dhabi, suscite de nombreuses interrogations. Ancien PDG de BRC, une société algéro-américaine, Abdelmoumen Ould Kaddour revient au-devant de la scène politico-économique pour prendre les rênes de Sonatrach. Ce Tlemcenien de 66 ans, sorti de la prestigieuse école américaine du Massachusetts Institute Technology, avait dirigé, de fin 1994 à 2006, une des plus importantes sociétés de réalisation en EPC (Engineering Procurement Construction), en Algérie, BRC, un joint-venture entre Sonatrach et le groupe américain Halliburton, dont le président n'était autre que Dick Cheney, alors vice-président des Etats-Unis. Ould Kaddour travaillait dans un centre de recherche de prévisions en engineering de développement, de la Présidence, avant d'être nommé à la tête de cette société mixte, dont les plans de charge ne désemplissent jamais. En quelques années, elle s'est imposée comme la plus importante sur le marché de l'engineering et de la construction et s'est assurée ainsi une place de privilégiée, lui permettant d'obtenir de nombreux marchés de gré à gré auprès de plusieurs ministères, notamment celui de la Défense, pour lequel elle commence par construire le centre pour brûlés à Aïn Naâdja, avant d'arracher la réalisation de cinq hôpitaux militaires, de bases pour les forces aériennes et du centre de criminologie de la Gendarmerie nationale à Bouchaoui. BRC, c'est aussi plusieurs marchés de gré à gré avec l'Energie, notamment celui des deux tours situées à la résidence Chaabani, à Hydra. Une réalisation qui a fait couler beaucoup d'encre au point où le président de la République en personne, lors de sa visite d'inauguration, en février 2006, ne s'est pas empêché de faire remarquer au ministre de l'Energie les surcoûts des deux bâtiments. Quelque temps plus tard, l'Inspection générale des finances (IGF) passe au peigne fin les marchés obtenus par BRC, en ciblant particulièrement celui lié à la réalisation du siège du ministère de l'Energie. Son rapport final est explosif. Il fait état de pratiques de surfacturation, de favoritisme et de violation de la réglementation des marchés publics. Dans de nombreux cas, BRC joue le rôle d'intermédiaire en faisant appel à des sous-traitants, avec des marges bénéficiaires qui atteignent 65% du montant global. Dans le cas de la construction des deux tours acquises par le ministère de l'Energie, les prix pratiqués par BRC sont multipliés par 20, alors que de nombreux contrats ne sont pas adossés à des cahiers des charges. Le tribunal de Bir Mourad Raïs, près la cour d'Alger, est saisi et une enquête judiciaire est ouverte. De nombreux cadres dirigeants de Sonatrach et de BRC sont convoqués pour être entendus, mais l'instruction patine et Chakib Khelil décide de dissoudre BRC, comme pour effacer les traces de cette affaire. Une année plus tard, un autre scandale éclabousse le premier responsable de BRC. Cette fois-ci, ce sont les officiers du défunt Département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui l'arrêtent et le défèrent devant le tribunal militaire de Blida, avec deux autres personnes, Adel Miloud et Mehdi Chetouh, un lieutenant du service d'écoute, pour «divulgation d'informations classées secret défense». L'affaire tourne autour d'un enregistrement d'une conversation téléphonique entre Ould Kaddour et un officier des services libyens, que le lieutenant aurait téléchargée sur un flash disk, remis au nommé Adel Miloud, lequel, à son tour, l'a donnée à Ould Kadour. Jugés le 26 novembre 2007, les trois accusés plaident l'innocence, mais le parquet a requis 7 ans de réclusion criminelle contre le militaire, 6 ans contre Adel Miloud et 5 ans contre Abdelmoumen Ould Kaddour, avant que le tribunal militaire ne prononce trois peines de réclusion criminelle de 30 mois contre Ould Kaddour, de 5 ans contre le militaire et de 3 ans contre Adel Miloud. Ould Kaddour n'introduit pas de pourvoi en cassation contre l'arrêt du tribunal, qui le reconnaît coupable de «divulgation d'informations classées secret-défense sans intention d'espionnage ou de trahison». Il reste en prison durant 26 mois, avant qu'une personnalité de la Guerre de Libération n'intervienne auprès du président de la République pour le faire sortir en mai 2010. C'était au moment où Sonatrach était éclaboussée par un immense scandale de corruption et où Chakib Khelil se trouvait très proche de la porte de sortie. Privé de ses protecteurs et soutiens avérés, Ould Kaddour s'envole vers les pays du Golfe, précisément à Abu Dhabi, où il s'installe avec son épouse, enseignante de langue française, le temps de se faire oublier. Il y a quelques mois seulement, son retour en avait surpris plus d'un, sans pour autant susciter le moindre doute quant à son éventuelle nomination et de surcroît à la tête de Sonatrach. Pour tous ceux qui l'ont connu et approché, Ould Kaddour «est un cadre extrêmement intelligent et compétent» mais, précisent-ils, ce ne sont pas ces deux «vertus qui lui ont permis de revenir pour occuper une tel poste». Ils restent «convaincus que son rappel est lié à des considérations politiques, même si tout le monde sait que le courant ne passait plus entre le ministre de l'Energie et le désormais ex-PDG de Sonatrach». En tout état de cause, la nomination d'Ould Kaddour à la tête de Sonatrach, en dépit de sa condamnation par un tribunal militaire, laisse perplexe et suscite de lourdes interrogations quant aux objectifs recherchés par ses auteurs.