Plus des 2/3 des enfants scolarisés dans la wilaya de Ouargla échouent au baccalauréat. Moins du quart transitent par la formation professionnelle, qui offre huit mille places pédagogiques par an, quant au reste, il échappe aux mailles de la formation pour grossir les rangs des chômeurs sans qualification, s'élevant à 16 018 personnes au 31/12/2016. La cause : des insuffisances dans les matières principales et notamment les langues étrangères. L'amélioration du taux de réussite aux examens de fin d'année dans la wilaya de Ouargla passe inexorablement par un apprentissage plus performant des langues étrangères. C'est même un défi majeur, autant pour les autorités locales que pour la société civile, dont certaines franges ont décidé d'en découdre avec le positionnement déshonorant de cette grande wilaya du sud de l'Algérie, qui campe depuis quatre ans parmi les dix dernières places au classement national. La périphérie en pâtit Nahla est une collégienne de 14 ans qui veut réussir son brevet d'enseignement moyen. Cette habitante de la localité de N'gouça, à 30 km de Ouargla, déplore l'inexistence d'écoles privées d'apprentissage des langues étrangères, ni même de classe spéciale au niveau des structures de jeunes dont l'activité ne s'adapte souvent pas aux besoins des jeunes de sa commune. «J'ai la hantise de réussir au BEM avec une moyenne qui ne me permettra pas de choisir une bonne filière. A N'gouça, impossible de profiter des fins de journées pour améliorer mes aptitudes linguistiques dans une école de perfectionnement en langues étrangères, car il n'y en pas». Pour ce faire, Nahla devra se déplacer chaque jour à Ouargla, mais les moyens de transport publics sont défaillants au-delà de 17h, dit-elle. Khaled, son camarade de classe, adore l'anglais. Pour lui, «parvenir à parler couramment la langue de Shakespeare est un rêve». Pour pallier cet écueil, Nahla et Khaled se sont inscrits au LFL Tour, un cycle de formation itinérant prônant la devise de « languages are fun to learn». Un concept d'écoles du désert qui sillonne les zones reculées de Ouargla pour apprendre le français et l'anglais, de manière ludique et pédagogique à la fois. Une aubaine pour plusieurs adolescents de ces localités, qui aspirent à des moyennes supérieures à l'examen du brevet prévu en juin prochain. Initiative Chaque année, lors des vacances scolaires, depuis trois ans, l'association de développement des capacités des jeunes de Ouargla, un collectif de jeunes bénévoles constitué il y a cinq ans et qui prêche «le changement d'attitude pour renverser le cours des choses», organise des cours dispensés par des étudiants en langues étrangères, affiliés à son bureau ou simplement désireux de se rendre utiles pour la communauté. Contrairement aux écoles classiques, qui semblent récalcitrantes au discours progressiste de la ministre de l'Education nationale, qui indiquait lors d'une de ses visites à Ouargla, qu'«il s'avère nécessaire d'adopter de nouvelles méthodes didactiques dans l'enseignement des langues étrangères, dans le sud du pays notamment, en fonction des référents et acquis culturels des enfants». Les bénévoles de l'Association de développement des capacités des jeunes de Ouargla ont pris au mot les directives de la ministre et essayent par tous les moyens du bord d'inculquer ces langues étrangères si difficiles à assimiler pour les enfants de la région. Tout y passe, activités artistiques et sportives, animation culturelle, pièces théâtrales et jeux de rôles et organisation d'ateliers de lecture et d'écriture en langues étrangères. Débureaucratisez ! Dans une palmeraie, un patio ou bien encore la cour de la Maison de jeunes de la localité ciblée, «une vingtaine d'élèves sont regroupés pour chaque session d'une semaine en vue d'améliorer leur locution et les orienter vers des lectures», explique Mohamed Adnane Djellouli , membre fondateur de l'association, également à l'origine de l'organisation du premier TEDx du Sahara algérien, à Ouargla, en 2016, qui a regroupé un panel de personnalités inspirantes pour la jeunesse issue du Sahara algérien et qui ont réussi à s'imposer au niveau national et international dans différentes disciplines, comme la musique classique, l'intelligence artificielle ou bien encore les nouvelles technologies. A Ouargla, où l'effort visant l'éradication de la surcharge des classes a permis à la wilaya de passer de 54 à 34 élèves par classe en cinq ans, le cap est mis cette année sur la consolidation des résultats obtenus par les élèves, notamment dans les matières principales (mathématiques et langues arabe et française), qui posent problème dès le primaire, selon une étude menée par l'Observatoire national de l'éducation et de la formation (ONAF) qui note que les taux de décrochage scolaire dépassant les 5% au niveau national étaient plus marquants dans les wilayas du Sud. La honte Pour le cas de Ouargla, la moitié des élèves du primaire calent à l'examen de fin du cycle primaire, ils seront 53% à rater le Brevet d'enseignement moyen, alors que les 2/3 n'auront pas le baccalauréat, selon les chiffres de l'année dernière. Or, à N'gouça, où Nahla et ses petits camarades ont enfin pu trouver de l'aide chez l'Association de développement des capacités de jeunes, les taux de réussite aux examens nationaux sont encore plus faibles. Ils affichent 34% au BEM et chutent de 18 à 14% au baccalauréat, entre 2015 et 2016. Avec un seul collège, cette daïra peine à remonter la pente, malgré les efforts de la famille de l'éducation et de la société civile. Au lycée Hobbi Abdelmalek, les parents d'élèves ont été sensibilisés pour mieux s'impliquer dans la scolarité de leurs enfants après les notes catastrophiques du 1er trimestre, note Walid Mazouni, enseignant de français, qui déplore le fait que 4 ou 5 élèves par classe aient la moyenne dans sa classe. Pour ce pédagogue, «il y a de vrais problèmes de compétence dans les langues et nous pensons changer de stratégie avec un passage au tamis des la première année pour garder les plus faible en 1e AS et instaurer un système de tutorat pour chaque classe». Dans la banlieue rurale de Ouargla, les consciences commencent à se réveiller. En 2016, la ministre de l'Education s'est dite agréablement surprise par sa visite d'inspection dans deux écoles pilotes à Aïn Beïda et Hassi Benabdallah. Or, «ces deux petites écoles se distinguent par une prise en charge participative du directeur, des enseignants, mais aussi et surtout des parents d'élèves et des maires de ces localités». Une autre preuve corroborant le constat de Mme Nouria Benghabrit, qui appelle sans cesse les enseignants à être novateurs et inventifs. A l'Institut de technologie de l'université de Ouargla, des étudiants, qui brillent par leurs prouesses linguistiques, organisent chaque année un Salon de l'employabilité, qui drague les entreprises. «Notre effort a payé et nos lauréats sont d'ores et déjà recrutés par une entreprise pétrolière», conclut le Dr Amina Mekhelfi, sa directrice.