34 migrants de Guinée, du Cameroun, du Mali, du Sénégal et de Côte d'Ivoire, dont 12 mineurs, en attente de régularisation à Oujda, dans le Maroc oriental, ont été arrêtés à la mi-mars, puis refoulés sur le tracé frontalier entre les deux pays. Ils sont pris en étau entre les deux territoires pendant une semaine sans vivres… avant que les autorités algériennes, dans un geste humanitaire, ne les autorisent à pénétrer sur le territoire national et rejoindre Maghnia. Le refoulement vers l'Algérie, par les policiers de sa majesté de nuit de ces «infrahumains», est une procédure contraire à la politique du roi Mohammed VI, qui avait annoncé, le 12 décembre dernier, une nouvelle opération massive de régularisation des migrants sans papiers. La première, décidée en 2014, avait permis la régularisation de 25 000 d'entre eux, de toutes les nationalités subsahariennes. Camille Denis, activiste au Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants (Gadem), a estimé que «cette situation est totalement inexplicable». Dans une déclaration à des médias, il reconnaitra que «certes, les autorités marocaines procèdent régulièrement à des arrestations de migrants dans le nord du pays, mais ils sont conduits dans des villes du sud, comme Agadir, le but étant de les éloigner des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. C'est la première fois, depuis plus de trois ans, que j'entends parler de migrants reconduits à la frontière algérienne. C'était une pratique assez courante avant 2013. Toutefois, les migrants pouvaient rebrousser chemin et retourner vers les villes du nord du Maroc. Mais là, ils sont totalement coincés. C'est étonnant !» Selon la même ONG, «ces arrestations et ces refoulements interviennent dans un contexte de renforcement de la répression contre les personnes en migration dans les régions de Tanger-Tétouan et Nador depuis début 2017». «Nos blessés ont reçu des soins au poste-frontière algérien» Accueillis à Maghnia, quelques-uns des Subsahariens refoulés, très épuisés et dépités, livrent leurs premiers témoignages, après l'enfer qu'ils ont vécu pendant une semaine dans le no man's land. «On a été arrêtés par la gendarmerie royale à Oujda, conduits pour un contrôle d'identité, une prise d'empreinte et faire des photos. Ensuite, on a été transportés dans un camp près de la frontière dans lequel on est restés 3 jours avant d'être refoulés vers le no man's land…» Selon les mêmes témoignages, avant de les refouler, «les forces de l'ordre marocaines leur ont pris leurs passeports et leurs effets personnels (argent, téléphone…). «Subitement, nous étions livrés à nous-mêmes. Au début, nous avions quelques biscuits que nous nous partagions. Puis, il ne nous resta plus rien. Pour nous alimenter et ne pas mourir, nous nous nourrissions de plantes. Nous nous abreuvions dans une sorte de mare suspecte au péril de notre vie. Tout ça, parce que les militaires des deux pays refusaient de nous donner des vivres.» Narrant désespérément leur calvaire, les migrants confient avoir été frappés : «On a été passés à tabac par des militaires marocains. Parmi nous, il y a 14 blessés dont 3 grièvement, avec des hématomes sur toutes les parties du corps. Un de nos camarades à une fracture au bras.» Et de reconnaître : «Nos blessés ont reçu des soins au poste-frontière algérien, il faut le préciser.» Curieusement, selon leurs témoignages, «certains d'entre nous ont leurs parents ou leur tuteur à Oujda, d'autres sont venus seuls au Maroc. Nous cohabitions avec les habitants, il n'y a jamais eu de heurts entre nous, on attendait notre régularisation définitive. Nous ne comprenons pas ce refoulement et cette hostilité subits» ?! Aujourd'hui, ces 34 migrants ont trouvé refuge sur les berges de l'oued Jorgi. Une rivière à sec devenue un continent représentant des communautés subsahariennes, dont le nombre fluctue au gré des arrestations, des refoulements, des décès… et du flux et reflux des migrants entre les deux pays. Un véritable drame dont sont victimes, paradoxalement, des humains dans leur propre espace géographique…