L'ancienne présidente sud-coréenne Park Geun-Hye a comparu hier devant un tribunal de Séoul, appelé à statuer sur son éventuelle arrestation dans le scandale de corruption qui a précipité sa destitution. Pâle, la mine sombre, Mme Park n'a pas prêté attention à la foule de journalistes et de photographes qui l'attendaient à l'extérieur du tribunal, dans lequel elle s'est engouffrée pour une audience qui devrait durer plusieurs heures. Son arrestation et son placement en détention provisoire seraient une étape de plus dans la disgrâce de celle qui avait pourtant réalisé un score record lors de la présidentielle de 2012. Ce scrutin avait fait d'elle la première femme à accéder à la fonction suprême en Corée du Sud. Cette descente aux enfers a débuté en milieu d'année dernière avec les révélations sur les agissements de son amie de 40 ans et sulfureuse confidente de l'ombre, Choi Soon-Sil, qui n'occupait aucune fonction officielle. Cette dernière est actuellement en procès, notamment pour avoir profité de sa proximité avec la présidente afin de soutirer des millions de dollars à des conglomérats sud-coréens. Pots-de-vin Les révélations s'accumulant, l'Assemblée nationale a décidé début décembre de destituer la présidente afin de lever son immunité qui empêchait la justice d'enquêter sur elle. Cette destitution a été validée le 10 mars par la Cour constitutionnelle, ce qui a permis son audition marathon, la semaine dernière pendant 21 heures, par des magistrats du parquet qui ont finalement requis son arrestation. Complice présumée de Mme Choi, Mme Park est accusée d'avoir «abusé de ses énormes pouvoirs et de son statut de présidente pour recevoir des pots-de-vin des entreprises, ou pour violer les principes de la liberté de gestion des entreprises», a affirmé lundi le parquet qui l'accuse en outre d'avoir «fait fuiter des informations confidentielles importantes sur des affaires d'Etat». L'ex-présidente de 65 ans rejette ces accusations et accuse son amie d'avoir abusé de sa confiance. Les magistrats du parquet, qui ont remis un dossier d'accusation de 120 000 pages au tribunal du district central de Séoul, estiment qu'il serait «contraire aux principes d'équité» que l'ex-présidente ne soit pas placée en détention alors que Mme Choi est derrière les barreaux. Si le tribunal fait droit à la requête du parquet, Mme Park sera formellement placée en détention provisoire, devenant le troisième ancien chef de l'Etat à être arrêté dans une affaire de corruption en Corée du Sud. Les anciens hommes forts Chun Doo-Hwan et Roh Tae-Woo ont purgé des peines de prison pour ce motif dans les années 1990. Le président Roh Moo-Hyun, élu démocratiquement, s'était suicidé en 2009 durant une enquête pour corruption le visant lui et sa famille. Lors de son trajet jusqu'au tribunal, retransmis en direct par les télévisions sud-coréennes, le véhicule de l'ex-présidente a été salué par des centaines de ses partisans agitant des drapeaux. Certains d'entre eux ont franchi les cordons de police pour tenter d'empêcher le cortège de quatre voitures de rejoindre le tribunal. Influence L'audience devrait durer plusieurs heures, Mme Park, flanquée de ses avocats et des représentants du ministère public, faisant face au président du tribunal, Kang Bu-young, âgé de 43 ans. «On n'en est même pas à la moitié», a déclaré l'avocat de Mme Park à l'agence Yonhap, à la reprise de l'audience après le déjeuner. Après celle-ci, les juges se retireront pour délibérer. Mme Park attendra leur décision dans un centre de détention et le jugement pourrait tomber tard dans la nuit. Les juges ont 24 heures pour se prononcer. Mme Choi est accusée de s'être servie de son influence sur la présidente pour contraindre divers conglomérats, dont le mastodonte Samsung, à verser près de 70 millions de dollars à deux fondations sous son contrôle. Il est aussi reproché à l'ancienne présidente d'avoir accordé des faveurs politiques aux capitaines d'industrie qui s'étaient montrés généreux avec Mme Choi, parmi lesquels Lee Jae-Yong, l'héritier de Samsung. M. Lee a été placé en détention provisoire et inculpé. L'ex-présidente est en outre accusée d'avoir laissé sa confidente, qui n'a pas été plus loin que le lycée et n'avait aucune habilitation en matière de sécurité, mettre son nez dans certaines affaires d'Etat, y compris les nominations au sommet. Une présidentielle anticipée aura lieu le 9 mai. Agences