Le quartier Boutane ou « Hay El Abtal » où vivent quelque 2000 âmes, selon nos interlocuteurs, a été le théâtre dans la nuit de samedi à dimanche de violents affrontements entre les forces de l'ordre et la population. Pour rappel, la situation était extrêmement tendue jeudi dernier après une opération de recasement contestée par plusieurs familles. Selon nos sources, les autorités avaient prévu de tenir une réunion avec les protestataires pour les prochaines heures, mais les événements se sont précipités, prenant une tournure grave, quand, dans la nuit de samedi, des citoyens ont formé des boucliers humains pour empêcher le travail des bulldozers. Contre toute attente, diront nos interlocuteurs, les forces de l'ordre ont commencé à lancer des bombes lacrymogènes et user de tirs de sommation pour disperser la foule en colère. S'ensuivit alors une course- poursuite à travers le site au cours de laquelle des policiers essuyaient des jets de pierres de la part des citoyens déchaînés. Dans la foulée, un agent de l'ordre perdra son pistolet automatique, encore introuvable selon des sources autorisées, tandis que dans les maisons et les cours des femmes et des enfants perdaient connaissance, souffrant des gaz lacrymogènes, selon des témoignages, des suites des bombes lancées en direction des maisons. Plusieurs personnes ont été évacuées vers l'hôpital et prises en charge par un personnel médical débordé mais dévoué. Par ailleurs, les résidents des environs affluaient sans cesse au pavillon des urgences pour s'enquérir de la situation jusqu'aux premières heures du matin. Une vieille dame sous perfusion nous confie : « Ma tête est sur le point d'exploser. Pourquoi tant de violence inutile ?! Pourquoi viser les maisons avec ces bombes dangereuses ?! » Quant à cette jeune femme, exhibant des parties de son corps et visiblement sous le choc, elle criera à qui voulait l'entendre qu'un représentant de l'ordre public lui a asséné des coups de pied au niveau des bras et des jambes. Ces émeutes se déroulaient en présence des autorités locales dont des élus de Khemis Miliana, passifs selon des témoignages devant les événements. Hier matin, le quartier était toujours quadrillé et la situation tendue, puisque tous les habitants du quartier, même ceux qui ne sont pas concernés par le recasement de jeudi dernier, remettent sur le tapis leur revendication, rappelant que les citoyens ne veulent pas de ces « cages à poules », selon l'expression de l'un d'eux, allusion aux F2, ajoutant que les jeunes de 28 ans, même célibataires, ont le droit d'accéder à un logement décent. « Nous habitons, dira l'un d'eux, des maisons bâties pierre par pierre depuis l'indépendance et ce n'est pas à coups de bulldozer qu'on installe l'Etat de droit. » Sur place, ces citoyens ne décolèrent pas, nous montrant des sachets contenant de tas de bombes lacrymogènes vides portant l'avertissement suivant « N'utilisez pas ce produit dans des espaces intérieurs ». Cependant, les traces sont encore visibles, notamment sur les vitres, feront remarquer les habitants du quartier. Des femmes et des hommes exhiberont également des douilles précieusement gardées, criant sur notre passage : « Sommes-nous à Ghaza ? Veulent-ils notre mort ? » Quant aux enfants, ils étaient nombreux, car ayant déserté l'école proche du quartier. Présent sur les lieux, le chef de daïra s'abstiendra de tout commentaire, lançant tout de même : « Le dialogue reste ouvert. » Il ajoutera cette phrase pleine de sens : « Attendez la suite des événements. »La suite des événements, les habitants diront la connaître, puisque selon eux les autorités veulent gagner du temps. Au bout de 30 heures de négociations, dira l'un d'eux, la situation est toujours bloquée, les autorités voulant nous mettre devant le fait accompli. Signalons pour conclure que les forces de l'ordre ont enregistré des blessés légers, selon des sources autorisées, et que ces émeutes surviennent après celles de Bir Ould Khelifa (sud-est de Aïn Defla), mardi dernier, où plusieurs édifices ont été saccagés ou incendiés par des manifestants dont une trentaine attend d'être jugée. Affaire à suivre.