Les comédiens, le personnel de l'administration et beaucoup d'amis du théâtre de Constantine, se sont retrouvés hier au sit-in annoncé depuis quelques jours pour dire non à la «baptisation» de l'institution au nom du chanteur Mohamed-Tahar Fergani. Il y avait aussi des personnalités de la ville, comme l'universitaire Abdelmadjid Merdaci, l'homme des médias, Ali Djerri, ou encore Nouredine Khelfi, en plus des noms qui ont fait le prestige de ce théâtre, comme Djamel Dekkar, Allaoua Djaroua, Karim Boudechiche et Aïssa Reddaf. Mohamed Zetili, le directeur du théâtre, a pris aussi part à la manifestation «contre ce choix inapproprié», dira-t-il. Comme nous l'avions rapporté dans une édition précédente, le ministre de la Culture avait pris la décision de baptiser ce théâtre au nom du regretté cheikh du malouf. Les services de la wilaya avaient entamé la démarche en vue d'officialiser la décision à l'occasion d'une cérémonie prévue demain dans le cadre des festivités du 16 avril. Cependant, la direction du théâtre n'a reçu aucune correspondance officielle à ce sujet. «Nous avons été informés verbalement, mais nous n'avons rien reçu d'officiel», confirme Zetili à El Watan. Ce dernier rappelle que quatre parmi les derniers directeurs du théâtre ont déposé des dossiers au niveau de la tutelle pour donner le nom de Rédha Houhou à cet édifice. Selon lui, c'est bien la commission de wilaya en charge du choix des noms à donner aux établissements et aux rues, qui a fait traîner le dossier. Le théâtre de Constantine, classé patrimoine national et candidat officiel au classement auprès de l'Unesco comme patrimoine universel, mérite mieux que d'être l'objet d'une guerre picrocholine, derrière laquelle se terrent des individus aux intentions obscures, qui utilisent le nom du défunt chanteur comme fonds de commerce. C'est du moins la conviction qui se dégage unanimement chez les participants interrogés hier lors du sit-in. Coup de théâtre A cette question de baptisation du théâtre, de nombreuses propositions se dégagent, choisies exclusivement parmi des hommes de théâtre. Mais une idée revient souvent dans les déclarations, celle de garder le nom de la ville. «Je préfère garder le nom de Constantine, c'est un honneur et pour la ville et pour le théâtre. D'ailleurs, j'ai pris la décision d'enlever le terme ‘régional' de l'appellation officielle de notre établissement», a déclaré encore Mohamed Zetili à El Watan. Toutefois, ce qui a été entrepris dans l'informel semble se terminer en queue de poisson du côté du ministère de la Culture. En effet, alors que les rangs des manifestants grossissaient, un émissaire du wali était venu informer les initiateurs que le wali voulait leur parler. Ce dernier se trouvait à moins de cent mètres, où il assistait à un tournoi démonstratif de boxe organisé sur la place du 1e Novembre. Djamel Dekkar, Djamel Mezouari et Nourredine Bechkri sont allés à sa rencontre, et de la propre bouche de Kamel Abbès, ils ont appris que le projet n'existait pas ! Il a affirmé : «Ce n'est pas vrai cette histoire», a rapporté Dekkar aux participants. Incident clos ? C'est en tout cas un coup de théâtre sans jeu de mots. Les participants se sont réjouis de l'apprendre, mais la suspicion s'est installée chez quelques-uns. S'agit-il d'une manœuvre pour battre en retraite de la part des partisans du choix controversé, ou bien le projet est bien enterré ? Les initiateurs de la manifestation étaient contents en tout cas d'avoir réussi la mobilisation.