Le Forum France-Algérie a procédé à un comparatif analytique des programmes des quatre principaux candidats, F. Fillon, B. Hamon, E. Macron, J.-L. Mélenchon, sur les thèmes de la mémoire coloniale, de la coopération avec l'Algérie, de l'immigration, de la lutte contre les discriminations, de la politique de la ville et de la politique moyen-orientale. Le FFA précise que le Front national n'a pas répondu à son invitation à participer à la rencontre du 21 avril et le programme de M. Le Pen n'a donc pas été analysé. En matière de coopération avec le Maghreb, le Forum France-Algérie souligne qu'Emmanuel Macron s'inscrit dans le prolongement du président Hollande. «L'un des acquis du quinquennat de François Hollande a été de pacifier les relations franco-algériennes. Je veux aller plus loin. Je veux renforcer le partenariat franco-algérien», a soutenu Emmanuel Macron, avant de préciser : «Le rôle de la France ici en Algérie est d'aider à sa diversification économique.» M. Macron veut renforcer les liens dans l'éducation. «Je proposerai au gouvernement algérien la création d'un office franco-algérien de la jeunesse, à l'instar de ce qui existe entre l'Allemagne et la France, pour favoriser la mobilité entre les deux rives de la Méditerranée», écrit-il. «Ma proposition concrète sera de créer une communauté économique franco-algérienne dans le secteur des renouvelables», dit-il, estimant possibles 4 milliards d'euros d'investissements. Quant à François Fillon, il a indiqué : «Je conditionnerai l'aide au développement à la coopération des pays d'origine de l'immigration afin qu'ils s'impliquent dans le retour de leurs ressortissants.» Mémoire coloniale Lors de son voyage en Algérie en février dernier, le candidat de En Marche ! a décrit la colonisation comme un «crime contre l'humanité». «Il faut avoir le courage de dire les choses et ne céder à aucune simplification. » Il a ajouté que la colonisation a provoqué «la négation du peuple algérien» et «une guerre qui n'était pas digne de la France». «Des actes inhumains, de la barbarie, de la torture ont été commis.» Il s'adresse néanmoins aux anciens combattants, les appelant «les enfants de la France, d'un Etat qui doit assumer ses responsabilités». Niant les avoir accusés de quoi que ce soit, il insiste sur la «responsabilité de l'Etat français». Emmanuel Macron estime que la colonisation a permis d'introduire, «par effraction», la modernité en Algérie, citant à ce propos l'arrivée de «milliers d'instituteurs, de médecins, de fermiers...» Il considère également que les pieds-noirs «ont été les victimes de la politique algérienne de la France». A la question : «Souhaitez-vous aller plus loin dans la reconnaissance des crimes commis par la France pendant la Guerre d'Algérie et, plus généralement, durant la période coloniale ?» «Envisager les relations de la France avec l'Afrique et le Maghreb à travers les seules pages sombres du passé est une erreur. Cela ne peut qu'alimenter ressentiments et instrumentalisations politiques. Ne prenons pas la place des historiens. Parler de ‘‘crime contre l'humanité'' pour qualifier la colonisation en Algérie est une faute morale et un contresens historique. Oui, il y a eu des drames, des injustices, mais on peut regarder notre passé avec lucidité et équilibre. Inutile d'insulter des générations qui ont vécu dans leur chair l'histoire passionnée et douloureuse qui lia la France et l'Algérie. Nous sommes suffisamment liés avec les pays du Maghreb et d'Afrique pour gérer le passé avec amitié. Nous l'avons fait avec l'Allemagne. La jeunesse d'Alger, comme la jeunesse française, n'a plus de compte à régler avec les années de guerre. Il faut construire l'avenir», répond le candidat de la droite. «Je constate un déclin de nos relations avec le Maghreb. En cinq ans, nous avons perdu notre place de premier partenaire économique. Or, nous avons avec la rive sud de la Méditerranée des intérêts communs. Nous partageons la même détermination pour lutter contre le totalitarisme islamique qui gagne partout. Soutenir la stabilité et le développement, renforcer nos relations politiques et économiques sont les objectifs qui guideront mon action.» «Nous faisons partie du camp politique qui était contre le colonialisme et pour l'autodétermination des peuples. Nous savons les malheurs endurés, mais nous considérons que c'est aux historiens d'écrire l'histoire et pas aux politiques de l'instrumentaliser. Il nous semble plus urgent de combattre le fléau de la prédation ultralibérale qui s'abat sur l'Afrique», affirme le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Pour Benoît Hamon : «Il faut voir l'histoire comme elle a été. Celle de la France est grande, riche, mais elle a aussi commis des crimes pendant la période coloniale, pas uniquement en Algérie d'ailleurs. Le quinquennat de François Hollande a fait un certain nombre de pas dans cette direction. Je m'engage à faciliter la tâche des historiens et des juges, en autorisant l'ouverture des archives françaises sur toute information utile qui serait en notre possession. Je pense à Thomas Sankara, à Mehdi Ben Barka. J'autoriserai aussi la déclassification des documents sur la question du génocide rwandais.» M. Hamon n'écarte pas l'hypothèse d'«exprimer des regrets». «Je verrai si c'est sous cette forme-là (les excuses, ndlr) que nous devrons adresser nos regrets aux peuples qui sont ceux d'Algérie, de Tunisie, du Maroc et tous les pays qui ont subi la colonisation, mais il me semble que nous devons regarder notre histoire en face», a-t-il affirmé sur RTL. Titres de séjour M. Macron : «Nous développerons les visas de circulation pour les professionnels (entreprises, scientifiques...) : ceux-ci devraient être inscrits sur une liste de bona fide établie sous la responsabilité de la Chambre de commerce locale ou du service économique régional de l'ambassade, afin de permettre un traitement rapide des dossiers. Nous proposerons que chaque étranger en situation régulière arrivant en France ait droit à une formation linguistique suffisante pour atteindre le niveau B1 (niveau qui permet la naturalisation). Cette certification pourra conditionner l'accès à la carte de résident, valable 10 ans ; insistera sur les valeurs de la République, la connaissance des services publics et du monde du travail. Un accent sera notamment porté sur l'apprentissage des droits et des devoirs, et en particulier du droit des femmes et de la laïcité. Nous allégerons les procédures et réduirons les délais d'obtention des visas ‘‘talents'', pour améliorer l'attractivité de la France dans la compétition internationale, pour attirer les talents étrangers (créateurs d'entreprises, d'investisseurs, de chercheurs ou d'artistes). Nous simplifierons les modalités d'accès au travail pour tous les étudiants titulaires d'un master en France. Il est de notre intérêt qu'ils participent à notre développement scientifique et économique et tissent des liens professionnels avec des acteurs économiques nationaux». S'agissant des personnes en situation irrégulière – les sans-papiers –, M. Mélenchon promet de «régulariser les travailleurs sans papiers pour assurer l'égalité sociale entre travailleurs». Sur le droit de vote des étrangers, Jean-Luc Mélenchon répond positivement, Benoît Hamon le soumet à référendum. François Fillon et Emmanuel Macron répondent négativement. Droit du sol – acquisition de la nationalité Fillon veut «renforcer les conditions d'acquisition de la nationalité française à la majorité. Porter à 5 ans la durée minimale de vie commune avant l'acquisition de la nationalité par les conjoints de Français». Soit subordonner l'acquisition de la nationalité française à la majorité aux conditions suivantes : respect de l'obligation scolaire au cours des périodes de résidence en France ; absence de condamnation pour un crime, un délit grave (passible d'au moins 3 ans de prison) ou pour outrage à l'hymne national ou au drapeau tricolore ; condition de résidence continue ou discontinue en France de 8 ans, depuis l'âge de 6 ans (au lieu de 5 ans, depuis l'âge de 8 ou 11 ans) ; manifestation de volonté expresse et solennelle de l'intéressé, par le dépôt d'une déclaration. L'administration pourrait décider de s'opposer à l'octroi de la nationalité et soumettre l'étranger à un test d'assimilation en cas de doute (notamment lorsque les parents sont en situation irrégulière). Mélenchon défend «le droit du sol intégral pour les enfants nés en France, y compris dans les territoires d'outre-mer» ; facilitera «l'accès à la nationalité française pour les personnes étrangères présentes légalement sur le territoire». Sécurité : contrôle au faciès / police de proximité Macron propose un «contrat de confiance dans les quartiers populaires ; moins de contrôle d'identité et utilisation systématique des caméras piétons ; lutter contre les pratiques abusives en matière de contrôle d'identité ; créer une police de sécurité quotidienne». Hamon : «Pour lutter contre les contrôles au faciès et améliorer la relation entre la police et les citoyens, j'expérimenterai le récépissé de contrôle d'identité, en préservant l'anonymat des agents et sans alourdir leur charge de travail. Je rétablirai la police de proximité. La police sera redéployée et la présence sur le terrain en uniforme sera privilégiée.»
Lutte contre les discriminations Macron : «Nous ferons de la lutte contre la discrimination une priorité nationale. Nous développerons des opérations de contrôle aléatoires et imprévues à grande échelle, en matière d'accès à l'emploi ou au logement. Les partenaires sociaux seront également mobilisés.» Mélenchon propose d'«abolir les ségrégations et lutter contre toutes les formes de racisme ; assurer l'égalité réelle et combattre les discriminations fondées sur le genre, le handicap, l'apparence, la couleur de peau, l'âge, l'orientation sexuelle, la religion ou la croyance, l'origine sociale ou la fortune». Hamon veut «créer un corps de contrôle antidiscrimination. Pour lutter contre les plafonds de verre, des objectifs de recrutement de diplômés issus des quartiers seront assignés au service public de l'emploi». Nadjia Bouzeghrane