Cruel dilemme face auquel le pouvoir s'est trouvé à l'occasion de ce premier test politique sur la reconnaissance de la dimension amazighe de l'Etat algérien. Consigné dans les dernières réformes de la Constitution dans une forme inachevée et perverse, selon les défenseurs de la cause amazighe, l'officialisation de la langue amazighe imposait une nouvelle approche du pouvoir dans son rapport à cette question identitaire victime de répression aveugle et constante et de déni qui ont enfanté le printemps d'Avril 1980. A l'occasion de la célébration du 37e anniversaire de cette date historique qui a acté dans un même élan pour la reconquête des libertés et de la personnalité algérienne l'amorce du combat démocratique, le pouvoir, à son corps défendant, a mis un bémol à ses instincts primaires négationnistes de la cause amazighe. Le temps de cette date commémorative, à l'appel du Rcd (Rassemblement pour la culture et la démocratie), du Mak (Mouvement pour l'autodétermination de la kabylie) non reconnu, les rues de Tizi Ouzou, de Béjaïa, de Bouira, de Boumerdès… ont résonné, loin du climat habituel de la répression policière, aux rythmes des slogans, où se mêlaient les revendications identitaires partagées dans un même élan de communion et les luttes idéologiques et partisanes. Coïncidant avec le contexte électoral des législatives, la commémoration du 20 Avril de cette année revêt une importance particulière pour les états-majors des partis ayant un ancrage politique dans les régions berbérophones pour mobiliser l'électorat. Cette thématique de campagne s'est naturellement imposée dans les discours et les promesses électorales des partis et candidats indépendants qui ont des ambitions pour décrocher des sièges dans ces régions. Une fois n'est pas coutume, en autorisant officieusement la marche du MAK à Tizi Ouzou, le pouvoir a voulu éviter tout dérapage et bras de fer politiquement malvenu et infructueux en cette date anniversaire hautement symbolique, chère aux militants et sympathisants de la cause berbère. Cette fois-ci, le pouvoir a fait preuve de retenue en laissant les manifestants de tous bords politiques célébrer le Printemps berbère dans le calme et la sérénité, sans les bastonnades et les interpellations musclées habituelles. Et pourtant les slogans coutumiers étaient bien présents et en force dans cette marche ! Il serait réducteur de mettre la réussite des marches et des manifestations, qui ont eu lieu un peu partout à travers le pays, au seul crédit des pouvoirs publics pour avoir pris la décision cette année de célébrer officiellement le 20 Avril afin de se mettre en phase formellement avec les dernières réformes constitutionnelles sur la langue amazighe. Le mérite de cette belle leçon de démocratie et d'attachement au combat identitaire, au-delà des clivages politiques et idéologiques, revient avant tout aux forces politiques influentes dans ces régions et aux citoyens structurés ou non qui ont su transcender leur ego de pouvoir et leurs différences. Le partage des territoires et le choix des itinéraires pour l'organisation des marches afin d'éviter l'affrontement en est la meilleure preuve. Mais le grand vainqueur reste le combat pour la revendication amazighe qui a fait la démonstration éclatante de sa vitalité en termes de maturité, de mobilisation et de détermination pour arracher les acquis qui restent. Les pièges de la division et de la confrontation ont lamentablement échoué cette année.