Mises aux oubliettes depuis des lustres, sauf pour les initiés (marabouts et tolbas) et pour certaines gens dans le cas de « pèlerinage » en vue de conjurer les démons et autres maladies « surnaturelles », voilà qu'elles reviennent au-devant de la scène par la grâce de nos gouvernants actuels. Elles, ce sont les zaouïas. En effet, depuis quelques années, l'Algérie semble avoir renoué, voire redécouvert les zaouïas. Il n'y a pratiquement pas de visites officielles à l'intérieur du pays où une zaouïa n'est pas au programme. On visite même hors programme à l'occasion, par exemple, de la mort d'un dignitaire religieux. ça fait bien quand ça fait surprise, car ça flatte certains esprits (islamistes, bien entendu). En plus, c'est du marketing politique. Mais on peut se demander sérieusement pourquoi ce regain d'importance des pouvoirs publics à l'égard de ces associations religieuses. Peut-être est-ce dans le cadre de la Concorde nationale, doivent penser certains. Pour d'autres (la grande majorité), cette réhabilitation ne peut être qu'une compromission avec les islamistes, une fuite en avant, une attitude de brouiller les pistes ou une politique volontariste de réislamisation comme si on avait subtilement un doute sur le degré de croyance du peuple ou d'une partie de ce peuple. Ou serait-ce plutôt une sorte de rempart contre le prosélytisme ambiant apparu, ces derniers temps, au sein de notre société, non par conviction ou par amour pour une autre foi, mais bien plus par esprit de refuge et de rupture avec le système par une certaine jeunesse en mal de bien vivre. On compterait en Algérie plus d'un millier de zaouïas (quelque 1600 selon la presse), soit en moyenne, une par commune. Mais d'abord, qu'est-ce qu'une zaouïa ? C'est une association religieuse qui dispense gratuitement en internat de fortune, l'enseignement du Saint Coran, les sciences islamiques et l'interprétation du coran. Avons-nous besoin de tant d'écoles coraniques d'autant que les sciences islamiques sont enseignées à l'université et qu'une université spécifique existe à cet effet à Constantine. Ce qui est encore plus discutable, c'est l'ouverture de ces écoles aux jeunes filles, comme c'est le cas récemment au niveau d'une médersa de Bouira. Que peut-on faire avec des femmes « formées » par ces zaouïas, sinon qu'elles deviennent (même diplômées par ailleurs) bonnes à procréer et à être de fidèles épouses, entièrement soumises à leurs futurs barbus de maris. Nous avons besoin d'écoles et d'universités modernes pour former des hommes modernes qui puissent maîtriser la science et la technologie et relever les défis du sous-développement patent dans lequel nous sommes plongés. Certes, afin de ne pas nous couper des racines de l'Islam, on doit conserver l'enseignement religieux, mais de façon rationnelle, organisée, contrôlée et planifiée. Et la manière d'enseigner doit aussi changer dans le sens d'une modernisation des études, des moyens d'accueil et de l'intendance. En un mot, sortir ces écoles de l'archaïsme dans lequel elles végètent depuis des siècles. Au rythme actuel, compte tenu du nombre de zaouïas et de celui croissant des tolbas (étudiants coraniques), nous nous retrouverons sous peu avec des promotions entières d'imams à ne rien faire, c'est-à-dire au chômage. Et quand on n'exerce pas la profession pour laquelle on a été formé, on se retourne forcément vers autre chose, notamment la politique. Or l'Islam politique, on le connaît assez depuis plus de deux décennies (1). Et c'est précisément à cause de ce fléau que l'Algérie s'est empêtrée de nouveau depuis 1990 dans une crise multidimensionnelle qui ne semble pas près de finir malgré la bonne volonté du pouvoir à apaiser les esprits avec notamment une série de lois sur la rahma, la concorde et l'amnistie. Mais rien n'y fit. On a laissé grossir la couleuvre, et on doit en subir les conséquences, car on n'est pas encore arrivé au bout du tunnel. C'est pour cela qu'il faut vite adopter un projet de société qui rompe définitivement avec l'islamisme politique. Plus d'incursion du religieux dans la politique et dans la conduite des affaires de l'Etat. On n'a pas besoin d'une zaouïa par commune. Nos enfants doivent être instruits et éduqués dans une école moderne, reformée, avec comme base l'instruction civique, le discernement entre le bien et le mal, le licite et l'illicite, les bonnes manières, le savoir-vivre, l'esprit de camaraderie et d'équipe, l'amour de la famille et de la patrie, le sens du devoir et du travail bien fait, la discipline, le respect d'autrui, la tolérance dans tous les domaines sauf les atteintes aux bonnes moeurs. Tout un mode de vie en soi. Voilà ce dont ils ont le plus besoin. Ces exigences de la vie moderne veulent que la commune, cellule de base de la société, soit pourvue d'un dispensaire ou d'une polyclinique, d'une école, d'un CEM/lycée, d'une agence postale, d'un service social, d'une salle de sports, d'un stade, d'une (ou plusieurs) aires de jeux, de salles de jeux décents pour le loisir des jeunes, d'une (ou plusieurs ) salle(s) de spectacles, de réseaux d'AEP et d'assainissement et d'autre services publics dignes d'une vie moderne (voirie- hygiène, ordures ménagères et autres), d'unités de production de biens et de services, etc. C'est-à-dire l'essentiel, le prioritaire pour une vie moderne, à l'aube du XXIe siècle. Pour illustration de ce qui précède, les situations actuelles en Afghanistan, en Somalie, et même au Pakistan où, malgré un régime musclé, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat, des zones tribales soumises aux « talibans » sont tolérées dans le cadre d'une hypothétique unité nationale. Nous disons oui pour un Islam tolérant, un Islam moderne, ouvert au monde civilisé. Non, pour un Islam intolérant, rétrograde, archaïque, tourné vers le passé. Enfin, l'Islam est une religion universelle que nul n'a le droit de monopoliser et surtout pas les apprentis-sorciers donneurs de leçons. Notre Islam est profond. Il est ancré dans nos mœurs, traditions et coutumes depuis près de 15 siècles. Dieu est Grand que Sa volonté soit faite. (1)- L'année 1984 a vu naître le premier maquis islamiste en Algérie sous la conduite d'un certain Bouaîli. Arrêté, jugé et condamné avec ceux qui restaient de son groupe, il se serait repenti depuis et vivrait une vie normale actuellement. Retraité - Bouira