La commande publique, principal moteur des activités du bâtiment et des travaux publics, a reculé, les carnets de commandes des entreprises en pâtissent et n'offrent plus une bonne visibilité, l'investissement a baissé et toute l'activité plonge. Le BTP tangue sous l'effet de la crise. Plusieurs entreprises du secteur menacent de baisser pavillon faute de financements et de recouvrement des créances détenues essentiellement par des maîtres d'ouvrage publics. S'il est vrai que pour beaucoup de patrons, le choix de couper dans le budget d'équipement aura des conséquences désastreuses sur le secteur du BTP, il ne serait pas l'unique voyant à l'origine de la détresse. En attendant de jauger des effets à moyen et long termes des choix économiques du gouvernement, les coupes budgétaires dans certains postes de dépenses et d'investissement commencent, semble-t-il, à faire les premières victimes collatérales. Farouchement obstiné à redresser les finances publiques pour réduire les déficits, l'Exécutif a opté depuis 2016 pour des coupes budgétaires dans l'équipement (16% en 2016 et 28% en 2017). Résultat, la commande publique, principal moteur des activités du bâtiment et des travaux publics, a reculé, les carnets de commandes des entreprises en pâtissent et n'offrent plus une bonne visibilité, l'investissement a baissé et toute l'activité plonge. La baisse des financements publics a fait grimper la valeur des créances et étouffé par là même la trésorerie de bien des entreprises. «La situation est intenable. Il y a des entreprises du secteur qui n'ont pas été payées depuis plusieurs mois. La violence est telle qu'on doit discourir aujourd'hui de l'impératif de reprise pour ne pas gripper le moteur de l'investissement», nous confie Boualem M'rakach, président de la Confédération algérienne du patronat (CAP). «Comment voulez-vous que les entreprises privées puissent investir et évoluer si leurs créances ne sont pas recouvrées ?» s'interroge le président de la CAP, contacté par El Watan. Pendant plusieurs années, la hausse des prix du pétrole avait permis à l'Etat de lancer de grosses commandes dans le secteur du BTP, ce qui a aidé à stimuler la croissance de plusieurs groupes et PME spécialisés. Après plusieurs années de forte croissance, le secteur se heurte à des choix d'austérité imposés par une conjoncture pour le moins complexe. Une activité au ralenti «Il est vrai que le BTP pâtit d'une conjoncture pesante, mais il n'y a pas que cela ! Les entreprises du secteur font face à d'énormes difficultés de recouvrement de leurs créances. L'investissement accuse le coup ; l'activité des entreprises du BTP a été réduite de 60 à 70% dans certaines régions du pays», regrette Boualem M'rakach qui dit craindre le manque de visibilité pour les prochaines années. Lui emboîtant le pas, Mohand Saïd N'Aït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), pointe un doigt accusateur vers l'administration algérienne, qualifiant son caractère bureaucratique d'écueil de taille qui se dresse contre une évolution normale des processus de recouvrement des créances. Miroir de l'état du BTP, le Salon Batimatec se fait l'écho, selon lui, des situations difficiles que vivent plusieurs entreprises du secteur. «Lors de notre visite au Salon, nous avons été interpellés sur la situation pesante dans laquelle se trouvent bien des entreprises. Il y a un problème de bureaucratie qui est à l'origine de l'accumulation des créances qui handicapent ces entreprises qui sont essentiellement des PME», explique notre interlocuteur. Cette situation a été aggravée, selon lui, par les difficultés d'accès aux crédits. Résultats des courses, dans le secteur du BTP, il y a des entreprises en état de cessation de paiements à cause d'une trésorerie insuffisante, lourdement affectée par les difficultés de recouvrement des créances, mais aussi par les problèmes d'accès aux financements, ajoute le président de la CNPA. «L'administration économique est pour beaucoup dans cette situation intenable que connaissent les entreprises du BTP», souligne-t-il. Il y aurait un cumul de 1,2 milliard de dollars de créances impayées auprès d'entreprises étrangères engagées dans des projets de bâtiment et travaux publics, selon le média TSA. Le bilan des créances impayées serait encore catastrophique auprès des PME et des entreprises de sous-traitance. Une administration molasse Selon le même média, plusieurs projets de bâtiment seraient à l'arrêt faute de financements. Pour Habib Yousfi, entrepreneur et ex-président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), les difficultés que rencontrent les entreprises du BTP sont dues essentiellement aux comportements de l'administration économique, bien que le poids de la conjoncture financière explique certains de ces comportements. Contacté par El Watan, Habib Yousfi rappelle que la trésorerie des PME investies dans le BTP est fragile, nécessitant souvent le recours à des financements. La difficulté de recouvrer leurs créances ne fait qu'aggraver cette fragilité, «d'où la nécessité de créer des synergies entre l'administration et les entreprises afin de résoudre ce genre de problèmes», estime notre interlocuteur. «Il y a certes, le poids de la conjoncture économique et financière du pays qui affecte plusieurs secteurs d'activité, dont le BTP, mais ce qui nous pénalise le plus, nous, entrepreneurs, est le fait qu'un contrat et/ou un marché n'est pas exécuté par le maître d'ouvrage», regrette Habib Yousfi qui dit relever, depuis peu, chez l'administration économique moins d'intérêt aux préoccupations soulevées par les entreprises. Cependant, la réalité serait toute autre, selon les explications fournies par les responsables du ministère de l'Habitat. Contacté par nos soins, le directeur de communication dudit ministère assure que la dynamique des différents chantiers de bâtiment ne souffre aucune entrave. Il y aurait un léger retard dans le paiement des créances du premier trimestre de l'année, dû essentiellement à des procédures techniques. Il n'y aurait, selon le même responsable, aucune difficulté d'ordre financière qui pourrait perturber la dynamique du secteur.