Le recours au crédit documentaire imposé par l'article 69 de la loi de finances complémentaire 2009 comme unique mode de paiement des importations de biens et services excédant 100 000 DA exige la présence permanente d'importantes recettes financières dans les comptes courants des entreprises qui souhaitent importer. C'est un privilège que n'ont, malheureusement, pas les entreprises de bâtiment et de travaux publics, contraintes de préfinancer durant plusieurs mois les travaux de construction que l'Etat leur a confiés avant d'être enfin payées. Exception faite des entreprises publiques que la législation dispense de l'obligation de détenir les fonds nécessaires à l'ouverture d'un dossier de domiciliation que la banque est autorisée à mobiliser pour leur compte, aucune des entreprises privées de BTP – et elles sont de loin les plus nombreuses – ne peuvent aujourd'hui se permettre d'importer les matières premières et équipements nécessaires à leurs activités en raison de l'état précaire de leur trésorerie qui ne leur permet de mobiliser ni l'argent nécessaire à l'importation par voie de crédit documentaire ni celui requis pour le paiement des lourdes taxes y afférentes. C'est pourtant à l'accumulation des créances qu'elles détiennent sur les administrations de l'Etat et des collectivités locales, que ces entreprises doivent, en grande partie, la fragilité de leur trésorerie qui contraint bon nombre d'entre elles à recourir à de ruineux découverts bancaires pour faire face aux frais d'exploitation courants (paiement des salaires, impôts et taxes, matières premières, etc.). Le paradoxe est que ces entreprises en rupture de trésorerie sont potentiellement bien portantes puisque le montant de leurs créances dépasse celui de leurs dettes et que leurs carnets de commandes, dopés par les programmes de soutien à la croissance, sont bien remplis. L'offre publique de travaux a, à l'évidence, été très bénéfique aux entreprises de BTP mais ce qui l'a été beaucoup moins c'est la manière avec laquelle ont été gérés – et continuent à l'être – les capitaux de la relance que les institutions financières de l'Etat et des collectivités locales (Trésor public, receveurs des contributions diverses, etc.) continuent à gérer comme au temps de l'économie administrée où le financement des programmes de développement était beaucoup moins ambitieux, sans aucune commune mesure avec les programmes de cette dernière décennie avoisinant, comme on le sait, les 10 000 milliards de dinars. L'anachronisme du mode de paiement des factures de travaux a, à l'évidence, causé un goulot d'étranglement sans précédent qui porte un lourd préjudice aux entreprises de BTP, notamment privées, contraintes d'attendre pour certaines plus de trois mois pour se faire payer leurs prestations par des comptables publics trop encombrés et mal organisés. C'est précisément ce qui explique le niveau record des créances détenues par les entreprises sur l'Etat et ses démembrements que certaines sources estimaient déjà en 2007 à plus de 40 milliards de dinars. Selon ces mêmes estimations, les maîtres d'ouvrages publics n'auraient mis à disposition des entreprises concernées qu'environ 30% du montant des travaux et autres prestations qu'elles leur avaient facturés en arguant que le plus gros des impayés se trouve bloqué au niveau des comptables payeurs (Trésor et receveurs communaux essentiellement) qui n'arrivent pas à suivre en raison de l'archaïsme de leurs procédures et du faible recours à l'outil informatique. Des chiffres inquiétants par leur consistance mais aussi et surtout par leurs répercussions désastreuses sur les milliers de fragiles entreprises, pratiquement toutes contraintes à solliciter de coûteux découverts bancaires pour financer leur exploitation. A des taux situés entre 8 et 10%, ces crédits à court terme se sont avérés ruineux pour les entreprises, notamment celles qui sont, pour diverses raisons, exposées aux plus mauvais payeurs que sont les Assemblées populaires communales. Les entreprises privées du bâtiment sont celles qui semblent pâtir le plus durement du problème de recouvrement de créances. Les retards dans le paiement des salaires, les abandons de chantier et les faillites souvent rapportés par la presse témoignent des difficultés qu'éprouvent ces petites entreprises malmenées par les maîtres d'ouvrage qui ne les payent pas à temps et les banquiers qui ne leur font pas de cadeau. L'obligation qui leur est désormais faite de recourir au crédit documentaire pour importer des matières premières, des prestations de service et des équipements de production sonne comme une volonté à peine voilée de l'Etat d'interdire aux entreprises privées de BTP, pratiquement toutes à découvert, d'importer. L'obligation qui leur est par ailleurs faite de n'importer que des engins de travaux publics neufs est un autre coup mortel porté à toutes ces PME qui auraient pu s'équiper à très bon prix en engins d'occasion en excellent état qui prolifèrent dans les pays gravement éprouvés par la crise économique internationale. Notre conviction est qu'avant de prendre pareilles mesures de restriction dont pâtiront surtout les entreprises privées de BTP, l'Etat aurait dû commencer par trouver le moyen de payer beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui les travaux qu'elles ont réalisés pour son compte. Leur situation financière s'en trouverait ainsi sensiblement améliorée et leur aptitude à recourir au crédit documentaire serait certainement plus grande.