La présidente de l'association Iqraa, Mme Barki, a exprimé hier un grand soulagement. Une satisfaction due essentiellement à la mise en œuvre par les pouvoirs publics d'une stratégie nationale de lutte contre l'analphabétisme. Un projet qui, normalement, devait être appliqué, il y a de cela des années. Plusieurs représentants du gouvernement (formation professionnelle, éducation nationale, développement rural, condition féminine) ainsi que des responsables d'organisations internationales et des présidents d'association ont pris part hier à la journée d'étude organisée sur cette nouvelle stratégie et ce, à l'Institut de formation et de perfectionnement des maîtres de Ben Aknoun (ex-ITE). A l'unanimité, les participants à cette rencontre ont indiqué que l'analphabétisme n'est pas une conséquence de l'éducation, mais plutôt un phénomène social nécessitant, pour son éradication, l'implication de tous les secteurs. Il est, toutefois, important de souligner que les deux tiers des analphabètes, soit plus de quatre millions et demi de personnes, sont âgés entre 20 et 59 ans et la wilaya la plus touchée par ce fléau est Djelfa, qui dépasse le cap des 50%. « L'analphabétisme est un fléau qu'il faut impérativement éradiquer. A cet effet, une enveloppe financière de 300 milliards de centimes a été débloquée pour la mise en place de cette stratégie. Chaque secteur doit prendre en charge sérieusement ce problème, il est prévu des cours de recyclage aux fonctionnaires dans pratiquement toutes les entreprises publiques », a expliqué M. Benbouzid, ministre de l'Education nationale. M. El-Hadi Khaldi, ministre de la Formation et de l'Enseignement professionnels, a indiqué qu'une commission composée de représentants de trois départements sera installée prochainement et aura pour mission d'élaborer des propositions portant sur une éventuelle réintégration des élèves de plus de 16 ans pour la poursuite de leur scolarité. Les suggestions en question seront discutées au sein du gouvernement. Si l'on se réfère aux résultats de l'enquête menée par le CENEAP, l'écart entre les sexes persiste, mais il se réduit puisque le taux d'analphabétisme des femmes a régressé de 12 points en passant de 40,33% à 28,41% alors que celui des hommes n'a diminué que de 9 points en passant de 23,11% à 14,38%. Les données font ressortir que les personnes âgées de plus de 60 ans sont touchées par l'analphabétisme dans une proportion très importante (86,38%) alors que la tranche d'âge des 10-19 ans n'enregistre qu'un taux de 10%. Rappelons que le taux d'analphabétisme a, certes, été réduit de 50% en 25 ans (entre 1962 et 1987), en passant de 85 à 43%, et de 25% en 10 ans (entre 1987 et 1998) en passant de 43% à 31%, mais le nombre d'analphabètes a augmenté d'un million entre 1966 et 1998 en passant de 6 à 7 millions, les analphabètes représentaient donc en 1998 le tiers de la population de référence, c'est-à-dire 7 millions sur les 22,3 millions d'Algériens âgés de 10 ans et plus. Des chiffres effarants « Nous pouvons dire que le taux d'analphabètisme se réduit sensiblement mais il continue à toucher de façon plus accentuée les femmes, les personnes âgées et de manière générale les ruraux », a déclaré M. Benbouzid. Concernant les zones les plus touchées par ce fléau, il y a lieu de signaler que la répartition par wilayas illustre les écarts qui s'échelonnent entre 18,67% d'analphabètes dans la région d'Alger et trois fois plus dans la wilaya de Djelfa avec 54,04%, un fait très inquiétant. 20 wilayas sur les 48 affichent des taux d'analphabétisme inférieurs à la moyenne nationale et certaines zones sont plus touchées que d'autres. Ainsi, Médéa, Chlef, Aïn Defla, Tiaret, Tissemsilt et Relizane enregistrent des taux d'analphabétisme qui dépassent les 40%. Actuellement, s'agissant de la stratégie nationale d'alphabétisation, celle-ci s'intègre, selon les animateurs de la rencontre, dans les objectifs fixés par la communauté internationale lors du lancement de la décennie des Nations unies pour l'alphabétisation et qui vise la réduction de 50% du nombre actuel des analphabètes d'ici à 2012. « En ce qui nous concerne, nous ambitionnons d'éradiquer l'analphabétisme et nous comptons mobiliser les ressources matérielles, financières et humaines nécessaires pour venir à bout de ce fléau, d'ici à l'horizon 2016 », dira le premier responsable du secteur de l'éducation. D'après les projections effectuées par l'ONS, explique M. Benbouzid, pour atteindre l'objectif de réduire de 50% le nombre actuel d'analphabètes (7 millions), tel que fixé par la communauté internationale, il y a lieu d'alphabétiser 3 100 000 personnes d'ici 2012. C'est le score minimum à concrétiser pour l'Algérie. Pour mener à bien une entreprise aussi vaste que l'éradication de l'analphabétisme en Algérie, l'implication de partenaires de différents statuts revêt une importance capitale. « La stratégie nationale d'alphabétisation retient comme principale tâche l'élargissement de la responsabilité de la lutte contre l'analphabétisme à tous les secteurs concernés de l'Etat et à la société civile et la consécration du recours à toutes les structures d'accueil relevant de l'Etat et susceptibles d'abriter des activités d'alphabétisation », dira M. Benbouzid. Notons que la durée globale du programme d'alphabétisation est de 18 mois, répartis sur deux années scolaires, les actions cibleront en priorité les 28 wilayas qui se situent en dessous du taux national. Un intérêt particulier sera accordé aux populations les plus touchées, c'est-à-dire les femmes et les populations des zones rurales qui bénéficieront de programmes appropriés adaptés à leurs conditions sociales et culturelles. Un plan de communication sera élaboré et mis en œuvre en vue d'informer et de convaincre les personnes sans instruction des avantages de l'alphabétisation, y compris à travers la mobilisation des enfants scolarisés pour convaincre leurs parents.