C'est la déception chez le Front des forces socialistes (FFS). Le plus vieux parti de l'opposition n'a malheureusement pas amélioré son score. Bien au contraire, il a reculé. Aux législatives de 2012, le parti de Hocine Aït Ahmed avait raflé 27 sièges à l'Assemblée populaire nationale (APN), en 2017 il n'en a obtenus que 14. La première déception du parti est venue de la ville de Constantine, puis des régions où il est pourtant bien implanté : Tizi Ouzou et Béjaïa. A Constantine, le FFS a mis la barre en peu haut en désignant le premier secrétaire du parti, Abdelmalek Bouchafa, tête de liste, suivi de la nièce de Mouloud Hamrouche. C'est la désillusion, le parti n'a eu aucun siège. Le FFS n'a pas fait mieux à Tizi Ouzou (4 sièges) et Béjaïa. Ces résultats sont inférieurs à ses attentes et à son potentiel traditionnel en Kabylie. A titre de rappel, en 2012, il avait obtenu 6 sièges à Béjaïa et 7 à Tizi Ouzou. La direction du parti espérait faire mieux, mais elle avait également des appréhensions quant aux desseins malsains du pouvoir. Jeudi, jour du vote, une ambiance bon enfant régnait au siège du parti. Tout le monde suivait le déroulement du scrutin et était attentif aux informations qui parvenaient des différentes wilayas. L'équipe chargée de coordonner le travail dresse une liste des dépassements enregistrés dans plusieurs régions du pays. Des dépassements allant de l'observateur qui s'est vu interdire l'accès au centre de vote, au bulletin raturé pour qu'il soit, bien sûr, par la suite annulé et, enfin, à la coupure de l'électricité au moment du dépouillement. Toutes ces irrégularités ont été portées sur un PV que le FFS a remis à la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE). Dans leurs discussions à bâtons rompus, les militants et aussi candidats à la députation ont dénoncé le comportement «indécent» des pouvoirs publics qui n'ont pas lésiné sur les moyens pour pousser la population à s'abstenir d'aller voter. L'abstention sert le pouvoir Pour le FFS, les déclarations du Premier ministre à Sétif ne sont pas faites pour sensibiliser les citoyens quant à l'acte de voter. Au contraire, selon eux, l'abstention sert en premier lieu le pouvoir et la vidéo «Mansotich» du youtubeur Joker DZ, qui a bouleversé le pays et qui appelle à boycotter les législatives, n'a nullement inquiété les autorités et ne leur a pas fait mal, elle leur a rendu service. «Il est d'une naïveté extrême de croire que cette vidéo a dérangé en haut lieu. Non. L'abstention n'est pas l'ennemie du pouvoir, c'est son alliée. Pourquoi ? Parce qu'un vote massif renforcera notre présence à l'Assemblée et donnera probablement un groupe d'opposition important qui va peser sur les décisions. C'est ce qui fait peur au pouvoir qui fait de son mieux pour affaiblir le Parlement», pense Ferli Hacene qui estime que le citoyen rejette tout ce qui vient du gouvernement. Un avis qu'a défendu le premier secrétaire tout en insistant sur l'importance de la participation à ce scrutin pour permettre le changement radical espéré, et ce, de manière organisée et sereine. D'après lui, le boycott ouvre la voie à des pratiques frauduleuses. «La pratique politique avait été dénaturée, d'où la nécessité de l'implication du peuple pour une moralisation de la scène politique», nous explique M. Bouchafa qui met en garde contre toute pratique «illégale». M. Nebbou, ancien premier secrétaire, s'est montré un peu pessimiste. Pour lui, ce rendez-vous électoral ne s'est pas déroulé dans un contexte normal ; il y a, dit-il, trop d'irrégularités. Un sentiment partagé par plusieurs militants. Ces derniers estiment que ce n'est pas «fair-play» qu'un Premier ministre profite de la campagne électorale pour mener sa propre campagne, comme il est anomal de voir sur les panneaux d'affichage la photo du président Bouteflika qui est aussi le président d'honneur du FLN. L'ombre d'Aït Ahmed «Au FFS, nous aurions aimé voir la photo de Hocine Aït Ahmed sur ces mêmes panneaux d'affichage. Eh oui, pourquoi pas ! Moi, je suis persuadé que le contexte ne permet pas d'avoir un scrutin normal, mais l'essentiel ce sont les résultats», observe Ferli. Hier, après la diffusion des résultats de ce scrutin, le parti de Hocine Aït Ahmed a exprimé sa première réaction. «Ces élections législatives approfondissent la faiblesse et la fragilité de l'Algérie plus qu'auparavant. Elles ont renforcé les positions de ceux qui sont responsables de cette crise multidimensionnelle que nous vivons», écrit le parti dans un communiqué. Le FFS estime qu'aujourd'hui, il faudrait reconnaître que le vainqueur de ces élections est en premier lieu l'abstention politique dans toutes ses formes. Vient par la suite le parti des bulletins nuls dont le nombre n'a pas été révélé par le ministre de l'Intérieur. A ce sujet, le FFS ne comprend pas pourquoi il n'a pas livré le chiffre des bulletins nuls, ni ceux par wilayas et encore moins le nombre des voix exprimées.