Le tribunal civil maritime de Port Elizabeth a donné l'ordre de retenir le cargo NM Cherry Blossom, battant pavillon des îles Marshall, pour vérifier si son chargement de 54 000 tonnes de roches phosphatées, acheté au Sahara occidental occupé, par une société néo-zélandaise de fertilisants, contrevient à la légalité sud-africaine et internationale. Une première. Mohamed Khaddad, le coordinateur de la RASD avec la Minurso, explique comment cette rétention a été rendue possible. - Les autorités sud-africaines viennent de saisir une cargaison de roches phosphatées exportée illégalement du Sahara occidental occupé. Comment cela a-t-il été possible ? Quelles sont les mesures juridiques prises par le gouvernement sahraoui pour arriver à ce résultat ? Le gouvernement de la RASD a obtenu l'exécution d'une ordonnance de la Cour suprême en Afrique du Sud permettant la détention d'une cargaison de phosphates du Sahara occidental qui est entrée dans ce pays le 1er mai. Le volume de la cargaison détenue à la suite de l'ordonnance du tribunal est d'environ 54 000 tonnes de roches minérales phosphatées. Elles avaient été extraites de Bu Craa au Sahara occidental occupé. Le nom du navire est NM Cherry Blossom, un gros porteur homologué des îles Marshall avec une capacité de 60 000 tonnes. Sa cargaison a une valeur de marché estimée à un peu plus de 5 millions de dollars. - Quelle est la destination de la cargaison et quel était son port de livraison ? La cargaison était à l'ordre d'une société néo-zélandaise, Ballance Agri-Nutrients. Nous croyons que le navire était en route vers les ports de South Port et Tauranga en Nouvelle-Zélande. - Quelle a été la base juridique ou la justification pour la saisie de la cargaison ? La roche de phosphate sur le navire NM Cherry Blossom appartient au peuple du Sahara occidental. Le peuple sahraoui, par l'intermédiaire de son gouvernement et des organisations de la société civile, a protesté durant plusieurs années contre le pillage, l'exportation et la vente de ses ressources naturelles sur lesquelles il a un droit souverain. La Cour européenne de justice vient d'ailleurs de le confirmer dans son arrêt du 21 décembre 2016. - Le gouvernement de la RASD a-t-il été en contact avec la société destinataire ? Oui. Le gouvernement de la RASD a régulièrement communiqué, par lettres de protestation et par communications informelles, avec Ballance Agri-Nutrients pour lui rappeler que ses agissements violent le droit international, donc le droit souverain du peuple sahraoui sur les ressources naturelles de son territoire. - Pourquoi l'Afrique du Sud a-t-elle été choisie pour cette procédure juridique particulière ? Le gouvernement de la RASD cherche à interdire l'exploitation des ressources sahraouies volées à l'échelle mondiale. Dans ce cas, les autorités de la RASD avaient une grande confiance dans le système juridique sud-africain. - Qu'adviendra-t-il de la cargaison à bord du NM Cherry Blossom ? L'ordonnance provisoire prévoit que la cargaison doit rester en Afrique du Sud en attendant la détermination de la demande de livraison, à moins que la sécurité de la créance ne soit établie, auquel cas le navire sera libre de naviguer vers sa destination avec sa cargaison à bord. - Quelle est la prochaine étape de la procédure du litige en Afrique du Sud ? Nous attendons la réponse de la société concernée pour savoir si le navire et sa cargaison resteront en Afrique du Sud ou si, en laissant sa cargaison sur place, le navire sera autorisé à partir. On attend également que certains documents détaillant la cargaison soient mis à la disposition de l'équipe juridique du gouvernement de la RASD, y compris la preuve de la vente de la cargaison et de son montant effectivement chargé selon un connaissement. - Pourquoi les étrangers sont demandeurs de la roche phosphatée du Sahara occidental ? La pierre phosphatée du site minier de Bu Craa est d'une qualité très élevée. Ces dernières années, jusqu'à deux millions de tonnes ont été extraites et exportées annuellement, acheminées aux acheteurs dans quelque 10 pays avec environ 40 envois par an. Beaucoup d'acheteurs ont prétendu qu'ils n'avaient aucune offre alternative. Le prix actuel des phosphates du Sahara occidental est d'environ 110 dollars américains la tonne. Le phosphate est le principal constituant des engrais agricoles. - Il existe une mission de l'ONU au Sahara occidental pour organiser un référendum pour l'autodétermination du peuple sahraoui. Cette mission fait-elle quelque chose pour empêcher l'extraction et l'exportation du phosphate sahraoui ? La mission de l'ONU, la Minurso, comme pour les droits de l'homme, ne fait rien pour surveiller ou gouverner les ressources naturelles au Sahara occidental, même si le secrétaire général de l'ONU, dans plusieurs de ses rapports, a rappelé que dans le cas du Sahara occidental, c'est l'article 73 de la Charte (primauté des intérêts du peuple du territoire) qui est la référence. Cette attitude face au pillage de nos ressources naturelles contraste évidemment avec celle observée par l'ONU vis-à-vis de la Namibie au cours des années 1970 et 1980. - Quelles sont les autres procédures judiciaires que le gouvernement de la RASD a engagées pour éviter le pillage des ressources naturelles du peuple sahraoui ? Le gouvernement de la RASD continue à s'opposer devant la Cour de justice de l'Union européenne à l'accord de pêche entre l'UE et le Maroc permettant aux navires européens de pêcher dans les eaux côtières du Sahara occidental. L'arrêt de la Cour européenne du 21 décembre qui a précisé que «le Sahara occidental et le Maroc sont deux territoires distincts et séparés» et qu'aucun accord sur les ressources naturelles du Sahara occidental ne peut se faire «sans le consentement du peuple sahraoui» ouvre de nouvelles perspectives dans ce domaine. Sur cette base, nous avons établi un plan d'action et nous travaillons pour son exécution.