Le président américain Donald Trump a exhorté hier la Russie à «contenir» le régime syrien et l'Iran et à collaborer pour mettre fin à la guerre, dans un climat tendu entre les deux grandes puissances. Donald Trump a reçu à la Maison-Blanche le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, une première rencontre pour le président américain avec un haut responsable russe, venu chercher le soutien de Washington à un projet de Moscou destiné à faire baisser le niveau de violences en Syrie. Après une «très, très bonne rencontre» dans le bureau oval, selon Donald Trump, ce dernier a pressé son invité de faire en sorte que Moscou «contienne» ses alliés : les forces du président syrien Bachar Al Assad, Téhéran et tous les groupes qu'il soutient. Le président américain, qui milite depuis longtemps pour un rapprochement avec la Russie, a «souligné la nécessité de travailler ensemble pour mettre un terme au conflit en Syrie», selon l'Exécutif américain. Le 4 mai à Astana, la Russie, la Turquie et l'Iran ont paraphé une proposition russe, entrée en vigueur samedi en Syrie, qui prévoit quatre «zones de désescalade», doublées de «zones de sécurité» avec postes de contrôle et centres de surveillance tenus par les forces de pays garants et éventuellement par «d'autres parties». Les Etats-Unis, qui n'étaient qu'observateurs dans la capitale kazakhe, avaient accueilli ce projet avec la plus grande prudence. Après avoir vu Donald Trump et le secrétaire d'Etat Rex Tillerson, «nous sommes prêts à coopérer (sur la question des zones de désescalade) et nous avons abordé des voies concrètes que nous pouvons gérer ensemble», s'est félicité S. Lavrov devant la presse. Il a vanté une «compréhension commune» entre «acteurs du processus de règlement syrien». De son côté, M. Tillerson a salué «la poursuite de notre dialogue et de nos échanges». Les deux ministres de puissances nucléaires aux relations exécrables depuis 2012 ont «discuté de l'importance de vaincre (le groupe) Etat islamique, de la désescalade de la violence en Syrie et de s'assurer que l'aide humanitaire parvienne à des centaines de milliers de civils dans le pays», selon le département d'Etat. MM. Tillerson et Lavrov ont également «réaffirmé leur soutien au processus de Genève conduit par l'ONU», des négociations politiques indirectes entre le régime syrien et l'opposition. Le chef de la diplomatie russe, qui avait déjà vu deux fois en trois mois son nouvel homologue américain, n'était pas revenu à Washington depuis août 2013. A l'époque, il s'agissait déjà, avec le secrétaire d'Etat d'alors, John Kerry, de tenter d'arrêter la guerre en Syrie. A la fin de la présidence de Barack Obama (2009-2017), les Etats-Unis s'étaient même progressivement mis en retrait du processus diplomatique et ont laissé la Russie prendre la main. Tous les accords de cessez-le-feu en Syrie ont périclité, notamment les derniers négociés par MM. Kerry et Lavrov et consacrés par des résolutions de l'ONU. Depuis six ans, Moscou et Washington ont eu de multiples désaccords à propos de la Syrie, la principale pierre d'achoppement demeurant le sort du président Al Assad. L'arrivée de Donald Trump au pouvoir le 20 janvier n'avait pas permis, jusqu'ici, de rapprocher les positions, les Etats-Unis bombardant même début avril une base aérienne du régime syrien en représailles à une attaque chimique qui lui a été imputée. Les anciens adversaires de la guerre froide, aux liens particulièrement tendus sous l'ère Obama, avaient reconnu récemment que sous l'administration Trump, les relations n'ont jamais été aussi mauvaises. Sergueï Lavrov a de nouveau déploré qu'elles soient tombées à un «niveau bas», tout en se félicitant que D. Trump soit favorable à des relations «pragmatiques» et «mutuellement bénéfiques». Les deux ministres ont aussi évoqué l'Ukraine, un conflit qui empoisonne également les relations depuis 2014, Rex Tillerson insistant «sur la nécessité d'avancer pour l'application complète des accords de Minsk». «Les sanctions contre la Russie resteront en vigueur jusqu'à ce que Moscou revienne sur les actions qui les ont déclenchées», a déclaré le département d'Etat, en allusion au conflit dans l'est de l'Ukraine et à l'annexion de la Crimée. L'ire de la Turquie Par ailleurs, le président turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté, hier, les Etats-Unis à revenir «sans délai» sur leur décision d'envoyer des armes aux milices kurdes YPG dans le nord de la Syrie. «Mon vœu le plus cher est que (les Etats-Unis) reviennent sur cette erreur sans délai», a déclaré le président Erdogan lors d'une conférence de presse à Ankara, ajoutant qu'il ferait part «en détail» de ses «inquiétudes» au président américain Donald Trump lors d'un déplacement le 16 mai à Washington. La décision annoncée mardi de la Maison-Blanche d'approuver l'envoi d'armes aux YPG a suscité la colère d'Ankara, un partenaire important de Washington au sein de l'Otan et de la coalition internationale qui combat l'EI. Les Etats-Unis considèrent les YPG comme la meilleure force pour affronter les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) dans le nord de la Syrie. Mais pour la Turquie, les YPG ne sont rien d'autre que l'extension en Syrie des séparatistes kurdes turcs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée «terroriste» par Ankara et ses alliés occidentaux. «Nous voulons croire que nos alliés choisiront de se tenir à nos côtés, et non aux côtés des organisations terroristes», a déclaré R. T. Erdogan, ajoutant que «combattre un groupe terroriste à l'aide d'un autre groupe terroriste est une erreur». Leur divergence de positions sur la question des milices kurdes empoisonne les relations entre la Turquie et les Etats-Unis depuis l'année dernière. Le mois dernier, l'aviation turque a bombardé des membres des YPG dans le nord-est de la Syrie, suscitant la colère de Washington.