En ce mois du Patrimoine propice à une culture de la célébration de la mémoire collective et de l'histoire, La Casbah d'El Djazaïr se souvient encore et toujours des repères symboliques d'une glorieuse épopée de la guerre de Libération nationale. Pour une mémoire fertile qui constitue un legs générationnel en direction de la jeunesse et de la postérité des dates s'érigent en repères d'éveil pour nous rappeler dans la symbolique des noms, des actes et des lieux scellés à l'histoire de la guerre de libération nationale. Ainsi et dans cette rotation cyclique du temps, la date du Lundi 8 Avril 1957, nous revient avec son cortège de souvenirs et d'émotion à la pieuse pensée de Louni Arezki, ce héros de légende barbarement guillotiné à la prison de Serkadji «ex-Barberousse» dans un élan d'élévation d'âme, de courage, de foi et de dignité qui ont indélébilement marqué à jamais une étape charnière de l'histoire, où ses bourreaux immondes ont été humiliés et la France colonialiste honnie pour une pratique d'ensauvagement de déni d'humanité froidement accomplie à la face du monde. Cette cruauté d'épouvantes d'un autre âge a été vécue par la génération d'adolescents qui était la nôtre et qui porte durablement les stigmates des interminables veillées macabres célébrées à l'unisson par l'ensemble de la population de La Casbah et de l'ex-Rampe Vallée (présentement Louni Arezki), bretelle de proximité attenante à la Vieille Cité. Ceci afin d'accompagner dans une effervescence de déchirements atroces rythmée de chants patriotiques, de youyous stridents et de refrains collectifs des «Tahia El djazaïr – Allah Akbar» les suppliciés jusqu'à leur dernier souffle ponctué à l'aube funeste par le couperet de la lugubre guillotine. Natif du village de Makouda, dans la wilaya de Tizi Ouzou, le jeune Louni Arezki a quitté son bercail à l'âge de 6 ans avec sa famille pour regagner la capitale sous la contrainte des conditions de précarité sociale qui était le sort des populations de l'Algérie profonde, soumise de force à l'inique et infâme code de l'indigénat raciste et ségrégationniste. C'est lors de cette prime enfance qu'il a connu dans sa chair l'injustice et l'oppression de la colonisation française féroce, bestiale et cruelle de par son essence même de colonisation de peuplement. Ainsi, l'esprit révolutionnaire du jeune Louni Arezki se cimenta dans cette trame historique où, sorti à peine de l'adolescence de ses 20 ans, il rejoignait la Zone Autonome d'Alger historique. Doté d'un courage surnaturel, il fut un intrépide fidaï qui se portait toujours volontaire pour les actions armées les plus périlleuses et agissait pour être désigné seul à leur accomplissement. C'est ainsi que sont ancrés en mémoire de ses compagnons d'actions armées plusieurs attentats spectaculaires qu'il a exécutés dans des conditions surréalistes contre des policiers ciblés pour leurs exactions meurtrières sadiquement perpétrées sur d'innocentes victimes civiles. A la retentissante embuscade tendue en plein cœur de la capitale à un convoi militaire au lieudit Pont de fer au Frais Vallon sur les hauteurs de Bab El Oued, Louni Arezki qui était le chef du commando spécial des fidaïne et en première ligne de combat a réussi l'exploit de l'élimination des soldats du convoi au nombre de 4 et la récupération de leurs armes. Cette spectaculaire et surprenante action armée a eu un impact d'émoi extraordinaire auprès de l'opinion publique et de la population des quartiers européens qui a enfin compris que la résistance de guérilla pouvait atteindre les cibles de son choix, à l'inverse de la communauté algérienne fière de ses moudjahidine, stimulée et revigorée par l'éclatante démonstration d'une action dont l'effet psychologique fut mobilisateur pour la persévérance de la lutte. Ce courage indomptable lui a valu le sobriquet affectif de «Zinzar» «l'éclair, l'intrépide» dont il fut auréolé par ses frères d'armes et qui pour les rares survivants de la Zone Autonome d'Alger historique dont son chef, Yacef Saadi, et la célèbre moudjahida, Djamila Bouhired, continuent de l'évoquer avec orgueil par cette symbolique de bravoure, d'ardeur et de vaillance qui suscitent à ce jour l'admiration à l'endroit du héros de légende qu'il fut et qui indélébilement a marqué de son empreinte l'épopée algéroise du combat libérateur au sein de la capitale. A ce propos, nous rappellerons aussi le poignant témoignage de Yacef Saadi lors d'une conférence organisée par l'Association culturelle Louni Arezki au palais El Menzah à La Casbah d'Alger le 8 avril 2010 où il a, avec émotion, évoqué son fidèle compagnon d'armes en jurant solennellement selon le rituel par Allah à trois reprises de n'avoir pas eu les 40% du courage de Louni Arezki. Cet héroïque chahid est triomphalement entré au panthéon de l'histoire et de la mythologie du martyrologue d'hommes, de femmes et d'enfants incarné dans la symbolique par Petit Omar aux valeurs patriotiques de courage et d'abnégation au combat hors du commun Pour la légende de la postérité, ces repères de l'histoire ont ainsi consenti au sacrifice suprême par le don de soi en offrande à une Algérie libre et souveraine dans la dignité enfin reconquise après la longue nuit coloniale pour la descendance de ses enfants et des générations montantes. A dessein du raffermissement et de la pérennisation des liens et des lieux de mémoire, de La Casbah et de Makouda, un jumelage a été initié le 8 avril 2011 entre ces communes natale et d'adoption du héros Louni Arezki dont la maison où il a vu le jour à Makouda sera aménagé en mémorial du souvenir et à la gloire des martyrs, chouhada d'immortalité qui furent inhumainement hachés par la dévoreuse guillotine dans les prisons de Serkadji à Alger, d'El Koudia à Constantine et en France.