Les ouvriers chinois ont manifesté en décembre 2016 pour non-paiement de salaire. Le projet, lui, devait être réceptionné en entier avant la fin de l'année 2016. Le projet de la pénétrante autoroutière de Béjaïa n'est pas près de connaître son épilogue. Après l'inauguration, en grande pompe, le 2 mars dernier, du bout s'arrêtant à Akbou, le chantier s'est ralenti très nettement. Non encore payés, les Chinois de la CRCC se sont mis au service minimum. Ils manquent de finances et ont mis au repos une partie de leurs effectifs et leur matériel. Très loin de sa cadence insufflée sous la pression exercée par les attentes d'une population au bout du désespoir, du temps de l'embellie financière déjà, la pénétrante souffre actuellement des restrictions budgétaires qui ne l'épargnent pas. Si l'entreprise nationale SAPTA, en charge de la réalisation des ouvrages d'art, semble moins prompte à la réclamation et se résigne à la politique nationale d'austérité, ce n'est pas tout à fait le cas des Chinois. La CRCC n'a pas arrêté de réclamer son dû depuis de longs mois. Notre source, souhaitant l'anonymat, affirme qu'au moins trois situations de payement ne sont toujours pas honorées. Elles datent du mois d'octobre 2016. Le groupement d'entreprises sino-algérien CRCC-SAPTA n'est pas payé depuis plus de sept mois. «C'est la conjoncture nationale qui impose ce retard». En temps ordinaire, les situations sont payées mensuellement, mais l'austérité a allongé les délais et créé de sérieuses difficultés de payement des crédits. «Le payement se fait au ralenti et les Chinois trouvent des difficultés financières pour leurs approvisionnements mensuels dont ceux concernant les matériaux pour leur chantier», révèle notre source. Les difficultés concernent aussi le payement des salaires des ouvriers, dont une partie des 3000 Algériens recrutés aurait été libérée. «La procédure de payement est lente. Il faut d'abord que le ministère des Finances notifie la décision pour que le fonds national de l'investissement libère le payement pour le compte de l'entreprise réalisatrice», explique une autre source auprès de la DTP, qui a désigné un chargé du projet de la pénétrante, qui s'occupe de la «constatation visuelle sur chantier et des déplacements des différents réseaux». Justement, où en est-on dans la libération de l'emprise ? Désertion Si l'on rassure que l'emprise est totalement libérée sur le tronçon allant jusqu'à Takriets, il reste une dizaine de kilomètres à libérer au-delà de la localité d'Amizour, là où le terrain est difficile, en plus l'étude a exigé la surélévation d'un viaduc. «A ce niveau, je ne suis pas très content du rythme», avoue un cadre très au fait de l'avancement du projet. Quel taux d'avancement donc pour ce qui reste du chantier, pour le tronçon Akbou-port de Béjaïa ? «Très difficile à dire, les travaux ne sont pas homogènes», dit-il. Les moyens réduits des entreprises réalisatrices ont dicté leur dissémination dans plusieurs points, ce qui les rend presqu'invisibles aux yeux des automobilistes qui constatent, avec déception et désillusion, l'arrêt du chantier. Ce fut le cas, par exemple, au tunnel de Sidi Aïch déserté par les ouvriers qui y effectuaient le creusement. «Ils ont repris, il y a une vingtaine de jours», assure-t-il, en exigeant l'anonymat. Long d'un peu plus d'un kilomètre, ce double tunnel en bitube n'a pas encore dépassé la zone fragile du sol argileux. Le creusement se fait à une cadence d'à peine 60 centimètres par jour. Conjuguée à la désertion des équipes d'ouvriers, la difficulté du creusement repousse encore le délai de sa livraison. Il va sans dire que sans la réception de cette pièce maîtresse, le chantier de la pénétrante ne saurait être livrable. Le défaut de payement qui impacte ainsi lourdement la cadence des travaux s'est déjà manifesté, en décembre 2016, lorsque les sous-traitants ont observé une grève pour dénoncer leurs impayés de neuf mois. Le même mois des ouvriers chinois ont exposé le même problème en bloquant l'accès au wali. Le projet devait être réceptionné en entier avant la fin de l'année 2016. La population s'est consolée avec l'inauguration, par le ministre des Travaux publics et des Transports, du tronçon de 42 kilomètres allant d'Akbou jusqu'à Ahnif, où se fait la jonction avec l'autoroute Est-Ouest. Mais la désillusion est là : la totalité n'est pas livrable avant 2018. C'est Boudjema Talai, le fraîchement élu député, qui l'avait annoncé en informant, en guise encore de consolation, l'ouverture d'un petit tronçon de 10 km, qui ira jusqu'à la localité de Takriets, le mois de juillet prochain. «Juillet ? Inchallah» Serait-on donc au rendez-vous ? «Je ne sais pas», répond, honnêtement, notre source à la DTP. «Inchallah, sauf cas majeur», préfère rétorquer, prudent, notre source de l'ANA qui assure que des couches d'enrobé y sont posées. En tout, il en faut quatre et la CRCC, qui semble racler le fond de ses caisses n'a, pour le moment, pas de quoi en acheter. «Si on arrive à avoir le noir (le bitume, ndlr), ce sera un grand acquis», espère notre interlocuteur à la DTP. L'heure est fatalement à la dèche. «Les ouvrages d'art sont réalisés à 85%», avance notre source de l'ANA. Le projet comprend 61 ouvrages d'art. «SAPTA les a entamés presque tous, mais pas à la cadence des Chinois», avoue notre interlocuteur. Dans la région de Takriets où passe la RN75, un échangeur provisoire y sera réalisé, un peu comme cela a été fait du côté de Aftis, sous pression des habitants. Il le sera en attendant que soit construit l'échangeur de la région de Sidi Aïch. Mais, on ne s'est pas encore décidé sur la variante. «Ce sera entre Sidi Aïch et Ighzer Amokrane. Il y a des contraintes techniques et géographiques», explique notre source. A ce niveau, l'ANA devra faire en sorte aussi d'éviter un chevauchement avec le chantier du rail, où l'entreprise Cosider s'est déjà installée. Au-delà de ce tronçon, d'autres contraintes, têtues, sont attendues. Il reste encore à verser 680 millions de dinars pour 2150 personnes à indemniser. «Il y a toujours des modifications et des oppositions existeront encore sur la partie libérée, soit pour traverser un terrain ou même en plaçant un panneau», rapporte notre interlocuteur de la DTP. Des «imprévus» qui viendront allonger une succession de retards et accompagner cette conjoncture d'austérité où les payements se font très timides jusqu'à casser la dynamique des Chinois. Quant au soixante kilomètres restants, jusqu'au port de Béjaïa ? C'est une autre histoire.