Le secteur du BTPH, frappé de plein fouet par la crise financière, vit ses heures les plus sombres. Depuis janvier 2017, 922 entreprises s'acheminent vers une faillite certaine, outre les 350 sociétés qui ont déjà soit mis la clé sous la porte ou changé d'activité durant l'année précédente, selon le président de l'Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA), Khelloufi Mouloud. «Ce que nous redoutions en 2016 lors de la tripartie commence à se réaliser. Toutes nos propositions n'ont pas été appliquées par le ministère de l'Habitat. A l'époque, on s'était mis d'accord pour rallonger les délais de réalisation et ne pas dresser des pénalités pour les entreprises. Or, le ministère a préféré mettre la pression sur les entreprises depuis 2016. C'est pour cette raison que le secteur vit actuellement cette crise qui asphyxie les entreprises», a dénoncé hier le président de l'AGEA lors d'un point de presse organisé à Alger en marge d'une assemblée générale ordinaire de l'association patronale. Actuellement, le niveau des créances impayées des sociétés affilées à l'AGEA détenues auprès du Trésor public s'élèvent à 750 milliards de centimes. Et la colère monte parmi les entrepreneurs les plus vulnérables. «Avant-hier à Batna, on a arrêté une grève. On est devenus des pompiers», a fait savoir l'orateur. Face à la gravité de la situation, l'assemblée générale de l'AGEA revendique la tenue urgente d'une tripartie dédiée exclusivement au secteur du bâtiment. «Je solliciterai le Premier ministre ce soir ou demain en vue de tenir une tripartite dédiée au secteur du BTPH. Tous les problèmes et les propositions seront posés sur la table de discussion afin de trouver des solutions aux problèmes en suspens depuis une année et demie du secteur du bâtiment», a expliqué Khelloufi Mouloud, en espérant que cette réunion soit tenue au plus tard la semaine prochaine. Son association réclame aussi l'annulation des poursuites judiciaires lancées à l'encontre des entrepreneurs, liées soit à l'émission de chèques sans provision ou des difficultés de remboursement. L'AGEA a recensé 58 entrepreneurs qui ont maille à partir avec la justice. Par esprit de solidarité, l'association patronale va ouvrir cette semaine un compte bancaire doté de 15 milliards de centimes pour apporter son soutien aux entrepreneurs qui sont en difficulté. L'AGEA revendique en outre l'application des onze propositions soumises au Premier ministre lors d'une réunion d'avril dernier. Pour l'instant, le gouvernement a décidé d'accorder un échéancier pour le paiement des arriérés fiscaux et des cotisations sociales, ainsi que l'annulation des pénalités de retard des projets. «Le Premier ministre a pris des mesures, mais les ministères du Travail et des Finances n'ont pas appliqué ces mesures. C'est une honte !» a fustigé le président de l'AGEA. Interrogé sur le virement (12 milliards de dinars) affecté par le CPA au profit de la Caisse nationale du logement, le conférencier a jugé ce montant dérisoire. «Le niveau des créances impayées détenues auprès Trésor public s'élèvent à 700 milliards de centimes par wilaya rien que pour le secteur du bâtiment. Nous nous attendions à un montant de 100 milliards de dinars», a précisé Khelloufi Mouloud. Celui-ci a vertement critiqué le ministre de l'Habitat qui accusait récemment le CPA et le ministère des Finances d'être à l'origine du retard dans le paiement des créances. «Le ministre de l'Habitat doit assumer ses responsabilités, car les entrepreneurs ont signé avec les directeurs des OPGI du ministère de l'Habitat. Depuis 2014, le ministre n'a pas tenu une seule réunion avec le patronat et n'a pas voulu voir les problèmes du patronat. Le ministère de l'Habitat passe son temps à faire des déclarations fictives. Le ministère dit qu'il n'y a pas de problèmes. Or, il y a des entrepreneurs qui se sont suicidés, certains ont des problèmes avec la justice, d'autres n'ont pas de quoi faire face au mois de Ramadhan», a-t-il précisé, en rappelant que les prédécesseurs de l'actuel ministre de l'Habitat étaient des adeptes du dialogue et avaient pu régler des problèmes posés par le passé par les entrepreneurs.