C'était dans l'air, mais désormais la chose revêt un cachet officiel et passe même à l'étape technique. La politique des subventions sera revue et les experts pointilleux de la Banque mondiale planchent actuellement sur le sujet. L'annonce faite par le ministre des Finances précise encore que ce sera le dispositif d'aide qui soutient la consommation des produits énergétiques qui sera démantelé et refait en premier. Le terrain pour cela a été préparé, ces derniers temps, moyennant des séminaires thématiques et déclarations publiques de responsables s'alarmant des manies «énergivores» des Algériens. On a ainsi appris tout récemment, de la bouche du PDG de Sonelgaz, que l'Algérien consommait dix fois plus d'électricité que le citoyen européen. On a, bien entendu, du mal à concevoir ce rapport, tant il est difficile de se convaincre que l'Algérien peut valablement se targuer du confort que procure la disponibilité de l'énergie dans les variantes et proportions qui font la norme européenne. La comparaison est trop tordue pour se tenir et se construit sournoisement sur la confusion entre consommation et gaspillage ou déperdition, qui eux sont imputables aux institutions. Les autorités vont se défausser donc comme elles peuvent s'agissant des subventions, comme on les a vu culpabiliser le citoyen sur sa prétendue boulimie concernant les importations. Des ministres se sont ainsi outrés du fait qu'on ait consacré des dizaines de millions de dollars, durant plusieurs exercices, à importer du chewing-gum et bien plus à se goinfrer de conteneurs de mayonnaise et de ketch-up… Comme si la gestion des importations et leur structure n'étaient pas du ressort exclusif des institutions de l'Etat. Les temps ont donc dramatiquement changé. L'électricité, le gaz et les carburants seront plus chers. Si l'on ne s'en tenait qu'à l'esprit de l'illustration donnée par le PDG de Sonelgaz, il faudra grossièrement diviser par au moins dix la consommation actuelle de l'Algérien, en lui faisant payer dix fois plus sa facture actuelle d'électricité. Ceci, juste pour qu'il «descende» au niveau du standard européen. Que dire alors si l'objectif est de satisfaire le plus possible aux exigences de cette ère de néo-taqachouf dans laquelle s'engouffre le pays ? La brutalité avec laquelle on passe du faste — qui a permis donc entre autres excès de griller des millions de dollars à des bulles de chewing gum — au tutorat de la Banque mondiale pour faire de l'ordre dans nos dépenses énergétiques, offre une autre illustration de la formidable duperie par laquelle le pays a été gouverné toutes ces années, où on a presque réussi à faire croire que le pétrole à 120 dollars était l'une des «indjazate» de nos dirigeants. Tout porte à penser que le côté doux de la transition sera consommé cette année, où l'on jure, en guise de réalisation phare, que l'on économisera 15 milliards de dollars sur les importations. Une fois les importations réduites à leur plus simple expression, il faudra encore trouver de l'argent à économiser ailleurs. Et on s'apprête à le trouver dans les subventions. La chasse est ouverte à toutes les poches artificielles de bien-être économique et social sur lesquelles on a construit une apparence tapageuse de développement durant toutes ces années de cigales écervelées.