L'Etat a décidé de débloquer de l'argent pour construire des centrales et réaliser en cinq années, une capacité égale à celle actuellement installée, selon Ali Hached, Conseiller du ministre de l'Energie. Un effort destiné à répondre à une forte augmentation de la consommation et aussi à combler le déficit en investissement de la dernière décennie. Des experts s'inquiètent néanmoins d'un risque de surdimensionnement des capacités nationales de production d'électricité. Nous livrons, ici, une contribution du Dr B.Mahdi qui critique un «populisme énergétique» dangereux. Les coupures de l'électricité et autres délestages qui ont eu lieu dernièrement dans les différentes régions du pays ont été imputés par Sonelgaz à l'explosion de la demande en pointe largement provoquée par les besoins de climatisation en période estivale. A l'inverse des émeutes du sucre et de l'huile en 2011 qui n'ont couté que quelques milliards de Dinars en subventions et révocables à tout moment, la réponse apportée par le gouvernement aux « émeutes de la climatisation », en sur-dimensionnant les capacités de production de l'électricité n'est pas la plus rationnelle ni en termes financiers ni en efficacité énergétique et risque de coûter beaucoup à l'Algérie dans le futur. La consommation de pointe augmente deux fois plus vite que la consommation de base. Dernièrement, le ministre de l'énergie vient d'annoncer un programme spécial pour la production de l'électricité avec une production supplémentaire de 8.000 MW qui viennent s'ajouter aux 4.000 MW déjà programmés à l'horizon 2016. M. le ministre l'estime nécessaire « ...pour satisfaire la croissance constante de la consommation qui résulte du développement économique et social du pays.. ». Sonelgaz estime pour sa part, la croissance de la demande du secteur industrielle à seulement 2.6 % par an et la demande domestique autour de 3,5 %. Mais il ne s'agit là que de consommation de base ou moyenne. D'autre part, le marché des climatiseurs est estimé à 600.000 unités par an, ce qui doit donner une consommation de pointe supplémentaire d'environ 0,7 MW chaque année. C'est pratiquement une centrale électrique de capacité moyenne à construire chaque année rien que pour faire tourner ces climatiseurs. Le reste de l'année, la consommation de base connait une progression plus « raisonnable » d'environ 0,7 MW par an. Donc pour résumer, à l'horizon 2016, on aurait besoin d'environ 3.500 MW supplémentaires le long de l'année, mais plus de 7.000 MW en été pour couvrir la consommation de pointe engendrée par le fonctionnement des climatiseurs. Avec la consommation de pointe supplémentaire actuelle estimée à environ 2.000 MW, ce sont environ 5.000 MW ou quatre méga-centrales du type Hadjret Enous qu'il faudra construire pour ne fonctionner que l'été à cause des climatiseurs LIMITER LA CONSOMMATION DE POINTE D'ABORD Que faire de l'électricité excédentaire hors jours de pointe. L'exportation vers l'Europe est exclue pour des raisons réglementaires (dumping par les prix domestiques bas du gaz qui représentent moins du dixième des prix mondiaux) et d'interconnexion insuffisante avec les réseaux électriques Européens. Et comme il faut aussi chaud chez nos voisins, leurs profil de consommation est très proche du notre. Faute de débouchés, il serait irrationnel de construire tant de centrales pour ne les faire fonctionner que l'été pour la climatisation. Une planification rationnelle aurait cherché d'abord à réduire cette consommation de pointe et devrait passer par une politique tarifaire plus contraignante, l'ultima ratio regum. Ce n'est certainement pas par les dernières compagnes de communication de Sonelgaz qui tiennent plus du vœu pieux qui puissent y changer quelque chose. Les prix bas de l'énergie ont de plus condamné toute politique d'efficacité énergétique. Des centaines de milliers de logements sont ainsi construits chaque année sans aucun souci d'isolation thermique alors que des protections basiques auraient suffi à diviser par deux ou plus la consommation électrique pour la climatisation. N'ayant aucune motivation pécuniaire, ni les donneurs d'ordre étatiques et surtout pas les simples particuliers ne sont incités à économiser l'énergie. De même, si une politique de tarification différentielle avait été mise en place, la consommation de pointe aurait été moins importante en intensité et surtout plus restreinte dans le temps, un nombre de jours limité dans l'année. En France par exemple, EDF propose des tarifications avec des prix assez bas le long de l'année mais prohibitifs les jours de pointe (de l'ordre de dix fois plus). Elle peut déconnecter carrément du réseau des industriels les jours de forte demande. Tout le monde est gagnant, EDF n'a pas à construire des centrales supplémentaires et les industriels programment mieux leurs production le long de l'année. Sonelgaz avait dans le temps un système de tarification heures pleines/heures creuses mais on ne sait pour quelle raison a décidé d'enlever tous les compteurs double tarification POUR QUEL COUT ET QUID DU PLAN ENERGIES RENOUVELABLES ? Le cout de construction de ces 8.000 MW supplémentaires est estimé à 15 Mds de Dollars si on y inclut les gazoducs pour amener le gaz et les lignes de haute tension pour évacuer la production (ce qui est déjà une belle somme alors que le benchmark actuel est plutôt de l'ordre de 1 Mds de Dollars les 1.000 MW installés). S'y ajoute le gaz consommé par ces centrales qui peut être estimé à environ 16 Mds de mètres cubes en supposant que les trois quarts de ces centrales soient à cycle combiné, soit le quart de la quantité de gaz exportée annuellement par l'Algérie. Même avec la déprime actuelle des prix des gaz sur le marché mondial, c'est quand même environ 6 à 7 Milliards de Dollars de manque à gagner chaque année. Il va sans dire qu'avec le niveau d'investissement requis pour ce plan de rattrapage, il ne va pas rester grand-chose pour le plan énergies renouvelables. Déjà qu'il n'était pas très crédible tant au niveau d'investissement requis (50 à 60 Mds de Dollars exclusivement sur les deniers publics), qu'au niveau des objectifs de production largement exagérés quand on sait que l'on part d'une production quasi nulle. Les surcapacités de production à partir du gaz et surtout aux prix de cession actuels laisseront peu de place aux énergies renouvelables plus onéreuses à produire. On voit que le populisme énergétique coûte de l'argent, ampute nos exportations énergétiques et condamne les énergies renouvelables en Algérie. A long terme (et même à court terme), ce n'est vraiment pas un service que le gouvernement rend à ses citoyens.