Que l'on se déplace à l'est, au sud ou à l'ouest de la capitale, le constat est quasi identique : d'énormes amoncellements de matériaux hétéroclites provenant de la démolition ou de la construction de bâtisses gisent sur le bas-côté des chemins communaux et de wilaya, quand parfois ce n'est pas à l'intérieur des exploitations agricoles. Les coupables de ce crime contre l'environnement sont connus : les transporteurs qui, pour ne pas payer la taxe d'enfouissement dans les lieux réservés à cet effet, et souvent pour écourter le trajet y menant, préfèrent se débarrasser de leur cargaison pas très loin de l'endroit où ils l'ont chargée, de préférence là où ils ne risquent pas d'être pris en flagrant délit par la police ou la gendarmerie. C'est-à-dire le long des chemins et des nombreuses pistes qui parcourent les communes limitrophes d'Alger, en particulier ceux bordés d'une forte végétation. Ainsi, à l'abri des regards, ces pollueurs qui ont pourtant conscience de la gravité de leur geste, y jettent quantités de détritus de toute nature, voire des matières hautement toxiques sans se soucier de leurs conséquences désastreuses sur l'environnement et la santé des citoyens. L'impunité aidant, tout le monde semble s'être mis de la partie pour polluer les belles contrées boisées du Sahel algérois qui, en l'espace de quelques années seulement, se sont transformées en véritables dépotoirs à ciel ouvert. A Souidania, Ouled Fayet, Chéraga, Douéra, Saoula, Baba Hassen et Birkhadem, ce phénomène a atteint le degré d'alerte. Il en est de même aux Eucalyptus, Cherarba, Réghaïa et Dergana pour ne citer que ces localités. Les autorités locales, dépassées par l'ampleur de cette forme nouvelle de pollution, la combattent comme elles le peuvent : « Nous sommes contraints à chaque fois de mobiliser de gros moyens et d'affecter des équipes de l'APC pour enlever ces saletés qui enlaidissent l'environnement de notre commune », nous dit le P/APC de Souidania qui estime que « si l'on veut préserver le cadre de vie, l'Etat se doit de réagir de façon sévère et se donner les moyens de combattre un fléau qui commence à inquiéter sérieusement ». Un élu de la même APC rappelle que le phénomène était marginal à une certaine époque, mais qu'il a pris de l'ampleur à la faveur de la dégradation de la situation sécuritaire, qui a permis ce genre de comportement incivique. « Et cela se poursuit malheureusement faute de moyens de contrôle et de moyens d'action des APC ». Très remonté contre cette forme insidieuse de pollution, le vice-président de l'APC de Souidania, Redouane Tefahi, estime qu'il faut prendre au sérieux cette véritable menace à la fois contre le cadre de vie et l'activité agricole dans sa région : « Il faut appliquer le principe du pollueur payeur en infligeant de lourdes amendes aux contrevenants, les traduire devant les juridictions compétentes et saisir automatiquement leurs véhicules. Il faut frapper fort pour arrêter le massacre. » Si du côté des communes de l'ouest d'Alger, les autorités arrivent, malgré tout, à contrôler la situation, il n'en est pas de même ailleurs. A Saoula, l'on ne se gêne plus de déverser les décombres des chantiers de construction directement sur la chaussée, causant parfois de mortels accidents. Du côté de Cherarba, c'est le drame au quotidien pour les agriculteurs de la région qui constatent, impuissants, le dépérissement programmé de leurs vergers. « C'est comme si c'était voulu ; tout le monde se croit libre de déverser ses décombres là cela les arrange », nous dit, désabusé, un vieil agriculteur qui a vu une grande partie de sa parcelle carrément enfouie sous des tas d'immondices. Plus prévenant, un autre a érigé une coûteuse clôture pour s'éviter ce genre de désagréments ; ce qui n'est pas le cas pour d'autres, moins fortunés, qui n'ont pour unique recours que de signaler aux services de sécurité le numéro d'immatriculation des camions pollueurs, sans grand succès, car les rondes incessantes de la police de l'environnement n'ont pas découragé les pollueurs qui agissent surtout très tard dans la nuit, pour ne pas être dérangés dans leur triste besogne. Les responsables d'une association locale de défense de l'environnement et de préservation du cadre de vie, l'APCE en l'occurrence, considèrent que cette pratique est un crime abject qui ne doit pas rester impuni. « Lutter pour une vie meilleure, nous dit le président de l'APCE, ce n'est pas seulement assurer son confort matériel, c'est aussi et surtout préserver notre milieu et notre cadre de vie, pour nous et nos enfants. »