De Ghardaïa où il a présidé une rencontre régionale des DE, le secrétaire général du MEN a donné le chiffre de 10 000 élèves exclus du système scolaire chaque année. C'était là une réponse au président de la Forem dont l'évaluation est totalement différente. Au cours d'une journée d'étude organisée en collaboration avec l'Observatoire des droits de l'enfant, le professeur Mostefa Khiati a déclaré : « Au cours de ces cinq dernières années, près de 2,2 millions d'enfants âgés de 13 à 18 ans ont eu non seulement la malchance d'être éjectés de l'école mais n'ont pu bénéficier d'aucune formation professionnelle. » Une simple division en calcul mental nous donne un total de déperdition annuelle de 444 000 élèves exclus. Le pire, c'est que – selon le conférencier – « ces jeunes sont à peine alphabétisés et sont victimes d'une paupérisation endémique. ». Dans cette guerre des chiffres où est la vérité ? A mi-chemin répond certains. D'autres diront que le concept de déperdition est beaucoup plus large que les simples chiffres d'exclus comptabilisés. La déperdition doit aussi englober tous ceux auréolés de la réussite scolaire mais qui sont loin de répondre aux critères exigés par les études universitaires ou l'exercice d'un emploi. Que dire d'un universitaire ou d'un simple bachelier incapable de rédiger une demande d'emploi ou de disserter convenablement, voire de comprendre le mode d'emploi d'une notice de médicament ? Les capacités d'analyse, de synthèse et d'observation scientifique sont à la base de tout apprentissage scolaire. Ce sont les pré-requis de la réussite au sens plein du terme. Et ce n'est pas au collège ou au lycée qu'ils se construisent. A ce stade, il est déjà trop tard. Que dire alors lorsque ces élèves démunis d'un tel profil arrivent à l'université ? Agir sur la déperdition scolaire, c'est avant toute chose transformer l'école primaire en pôle d'excellence avec les moyens indispensables à une telle mission. Au-delà, il importe de diversifier par une orientation intelligente les parcours des élèves à partir de la fin de l'enseignement de base (fin du collège). Cela passe inévitablement par un processus de renforcement / modernisation des établissements d'enseignement tant général que technique et professionnel. La rupture épistémologique est à ce niveau. Elle ne peut se concevoir en dehors d'une redéfinition de la philosophie de l'éducation. Les principes de cette philosophie doivent servir de base à l'organisation de l'architecture du système éducatif dans son ensemble, et surtout alimenter toute la stratégie pédagogique mise en place pour asseoir les apprentissages scolaires (contenu des programmes, méthode, évaluation, formation.) Mais une objection saute aux yeux : de quelle conception de l'éducation nous faudrait-il s'inspirer ? Ce débat existentiel et vital n'a jamais eu lieu en Algérie. Il est temps d'y penser avant que la mondialisation ne se transforme pour nos générations futures en… tsunami.