Pour leur 20e anniversaire, les Journées cinématographiques de Carthage (du 1er au 9 octobre) ont troqué la mythique salle du Colisée contre l'immense palais des sports d'El Minzah, équipé de haute technologie pour les projections de films, pour lancer devant une foule d'invités et de cinéphiles tunisois très nombreux la grande cérémonie de l'inauguration. Onze salles de Tunis vont être littéralement envahies d'images, fiction et documentaires, venues du Maghreb, d'Afrique, du Moyen-Orient, mais aussi d'Iran, d'Allemagne, de France... 250 films au total seront à l'affiche. 22 longs métrages fiction pour la section officielle en course pour le Tanit d'or qui sera décerné le 9 octobre par le jury présidé par le cinéaste syrien Mohamed Malas. El Manara, long métrage de Belkacem Hadjadj, fait partie de la compétition, alors que dans la section Panorama, on retrouve les films de Nadir Moknèche et Kamel Dehane. Au moment même où Israël fait preuve d'une rare bestialité meurtrière contre le peuple palestinien, le Festival de Carthage a regroupé une vingtaine de films en hommage à ce pays qui vit une immense tragédie et qui fait face à un mur de silence à l'échelle internationale. Des films de Hani Abu Assad, Michel Khleifi, Fayçal Hassaïri, Ali Nasser... A la soirée d'ouverture, Leïla Chahid a parlé avec une rare émotion des événements tragiques qui caractérisent la vie quotidienne de son peuple. Par une tendance exceptionnelle (de cinéphilie), le Festival de Carthage s'est associé cette année au Gœthe Institut pour présenter une remarquable rétrospective des œuvres de grands cinéastes allemands : Fritz Lang, Georg Willhelm Pabst, Rainer Werner Fassbinder, Werner Herzog, avec une poignée d'œuvres qui continuent d'habiter la mémoire des cinéphiles. On citera Les Trois lumières (F. Lang), L'opération de quatre sous (Pabst), Aguiri, la Colère de Dieu (Herzog), Le marchand des quatre saisons (Fassbinder). Les Egyptiens ont aussi fait le voyage à Carthage : hommage à Yousra (reine de la soirée d'ouverture), présence de Youcef Chahine et de Omar Sharif, qui a rappelé ses fructueux premiers pas comme acteur avec le tournage de Joha en Tunisie. Le Festival de Carthage a beaucoup évolué depuis sa création en 1966 (hommage a été rendu à Tahar Chériaâ au cours de la fête d'ouverture). Il y a plusieurs sections à présent, y compris la vidéo. La vieille nonchalance de l'organisation a laissé la place à une volonté de trop bien faire, sous la houlette de la directrice Nadia Attia. De fait, le catalogue est luxueusement imprimé, l'accueil et l'hébergement de grande classe, le travail de la presse, des producteurs et des distributeurs (un marché a été créé) est facilité. Et le festival s'intègre aujourd'hui avec douceur dans la vie quotidienne de Tunis, sans tension, sans remous, sans bousculade devant les salles.