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Débats sur la religion : Quand les extrémismes n'ont pas grand-chose à se dire...
Dr Yacine Benabid. Maître de conférences
Publié dans El Watan le 16 - 06 - 2017

Tel qu'il s'est toujours imposé au quotidien, avec ses variantes évidentes, le débat sur la religion continue de faire l'actualité. Moins par sa pertinence que par le degré de divergence dans laquelle il implique les moins soupçonnés de s'en mêler.
C'est à croire qu'il en fallait autant pour crier à la face du monde qu'il ne reste, de toutes les minauderies, que celle-là même qui consiste à frôler le danger en cultivant ses facteurs tonifiants. Cependant un mérite lui est reconnu. Celui de rappeler, par les faits, un historique dont la sémantique éclaire plus d'une zone d'ombre. Mais avant d'y parvenir, disons que dans la typologie des extrémismes, le retour éternel de perturbateurs et leur mise en avant par un dispositif médiatique des plus dictatoriaux, n'est pas vraiment de trop. Il est évident que chaque contexte se voue à ses textures spatio-temporelles.
Là n'est pas la nouveauté intrigante de ce dont on a envie de parler ici. Ce qui se cristallise dans les nouvelles dispositions, peu surprenantes de par le chaos qui les a enfantées, c'est cette façon d'outrepasser les constantes qui ont réussi un moment donné à rapprocher des visions qui avaient pourtant certaines raisons historiques de se démarquer les unes des autres. C'est aussi cette façon de se chercher, dans la déraison du fanatisme religieux et anti-religieux, une raison de se faire admettre comme partisan indélébile d'une vérité absolue. Or, qui en détiendrait, même en adepte d'une universalité, souvent maladroitement perçue et non moins gauchement recherchée ?
C'est, en troisième lieu, cet entêtement à partir d'idées reçues sur des questions autour desquelles ont de tous temps gravité les rapports humains, avec comme fond ontologique le problème religieux et, en accessoire, le débat interreligieux dont les frasques sont alimentées par les moyens médiatiques mis en usage – on a tendance à le croire – pour donner en crédible la guerre au vivre-ensemble, et pourquoi pas en paix, qui manque tant à la nouvelle humanité ! Dans un contexte pareil, les voix les plus équilibrées ne semblent pas les plus écoutées, sinon pourquoi devoir faire face à des phénomènes de rupture alors que tout invite à la proximité sinon à la jonction ?
Paradoxale elle l'est cette scission entre l'impératif d'écoute, facilitée normalement par des mesures de communication plus souples et moins complexes, et entre la possibilité de produire des discours en accord avec le statut de civilisé. Le recours au religieux, en pratique et en discours, devrait avoir d'autres finalités que celles visées par le polémisme et la spéculation ; le cas échéant l'on ne saurait sortir de l'embarras de la subjectivité et de l'arbitraire, ce qui n'est pas fait pour promouvoir une entreprise de rapprochement, ni encourager les compréhensions mutuelles.
Cadre de référence
L'avanie comme culture et le passéisme comme doctrine poussent cette réflexion à son extrême, c'est-à-dire à formuler les choses dans le sens d'affadir toute idée de parti pris. On assiste malgré nous à des pratiques bien parties pour nous décaler de ce qui devrait être un intérêt commun, propre à tout être conscient des dangers qui nous guettent, et caractéristique d'une conscience à l'écoute des situations qui l'interpellent.
Cette dynamique intrinsèque de l'écrit d'opinion ne relève ni de l'anonymat d'idées, ni de l'exclusivité de choix dont personne ne pourrait réclamer les droits d'auteur. C'est le contexte diachronique des idées nées dans la confusion qui a fait que s'enchaînent des séries de lectures venant de sujets individuels à forts taux d'influence.
Et prises dans leur contexte synchronique, elles manifestent continuellement la dépendance à un système de réflexion cloué aux méandres de son archaïsme, sans autre repère que la loyauté au déjà établi par d'autres sujets, tenus par la même doctrine d'aliénation et de suivisme. Que n'avons-nous pas fait pour nous en tenir aux seules ambitions fantasques et dépravées qui nous vissent dans l'éculé et nous condamnent à y rester ?
Si les idées, tel que le pense Todorov, ne sont pas un pur effet passif, il y a toutes les raisons de croire que l'on a affaire à une intelligence de nos contextes qui passe à côté des signes avant-coureurs d'une mésintelligence sans pareil, qu'elle révèle. N'est-il pas temps d'opter pour un choix intellectuel intermédiaire qui sache s'aligner sur la réflexion pure et simple, au lieu de sombrer dans le subjectif débordant des manipulateurs ? Il est temps de le faire. Ce qui explique le choix, dans la ferveur et la sérénité à la fois, de ce positionnement !
L'intellectualisme faussaire
Faisant dans le mélange des genres, certains milieux assimilent la liberté d'expression dans son entendement le plus ridicule à une démarche de diatribe déstabilisante qui prend source dans leur psychologie du «moi» démesuré. Seul détenteur du droit à la différence. Et seul souffleur de vie au commun des mortels. Certains écrits auxquels il faut certainement rappeler le principe d›honnêteté intellectuelle, dont la comparution est souvent accompagnée d›un élan de solidarité hexagonal réfractaire à ce qu›est réellement une liberté d›opinion, n›en font pas exception.
Ils reprennent, malheureusement, le son de cloche des Bernard-Henri Lévy, Alain Finkelkrant, Eric Zemmour, Caroline Fourest, Philippe Tesson, Jean-Charles Brisard, Paul Quiles et le reste. On a affaire, me semble-t-il, à une génération d'auteurs gênés par ce que Alain Houziaux appelle «le renouveau religieux», en ce sens qu'ils manifestent à l'égard du «phénomène» une allergie manifestement pathologique. Cette attitude est, dans notre histoire culturelle et religieuse, ancienne.
Depuis tôt déjà, des noms récalcitrants au système d'idées musulman ont commencé à se faire connaître à titre individuel, tels les Ibn Râwandî et Râzî. D'autres passaient distillés dans des courants de pensée mis en relief par les turbulences de leurs époques, tel le mu'tazilisme. Le fait n'a jamais manqué à ses traditions. Toutes les phases d'après l'ont pratiquement connu. Et s'il est vrai que la phraséologie diffère d'une époque à une autre, et d'une école à une autre le tout selon l'impact reçu, les facteurs et les arguments restent dans leur ensemble identiques.
Ce qui a fait que des auteurs contemporains comme l'Iranien Alî Dechtî, les Egyptiens Sadeq Jalâl Al ‘Adm et Nasr Hâmed Abû Zaid, le Bengladais Humayun Azad, le Tunisien Abdelmadjid Charfi, le Franco-Tunisien Abdelwahab Meddeb, le Franco-Algérien Mohamed Arkoun, le Franco-Syrien Adonis et à un degré moindre le Soudanais Hâj Hamad se spécialisent dans ce que l'Occident a commencé à appeler, depuis la française André Léo (m. 1900)1 dans son célèbre Coupons le câble 2: critique de la pensée religieuse. Ceci est la mineure d'un syllogisme dont la majeure est : toute religion est couveuse de désaccord et de déficience.
La conclusion du syllogisme sera forcément la suivante : on ne peut se faire accepter, en religieux, dans un contexte évolutionniste qui prône la tolérance, le progrès et tout ce qui peut en découler. Ainsi posée, la problématique du rapport de la religion aux configurations des époques ne trouve pas toujours une issue certaine, car c'est toujours selon les tendances et les méthodologies des approches qu'elle est appréhendée, véhiculant plus le doute que la certitude ; et moins la sérénité que les tensions dans les rapports humains. Autrement débattue, c'est-à-dire à partir de l'intérieur, cette question pourrait mieux éclairer l'esprit qui s'en fait une raison pour se soustraire aux angoisses existentielles qui hantent plus d'un esprit.
On s'est vu obligés de chercher réponse à une problématique mal posée, tout simplement parce que le problème du fanatisme religieux s'est ardemment posé, de la manière que l'on sait. Sans vraiment se demander si c'est l'argument qu'il faut pour un tel débat, l'on est allé chercher les attirails d'une religion aux yeux des individus ou des groupes sociaux qui s'en imprègnent. Là les partisans des recherches multidisciplinaires pourraient trouver raison à établir un discours religieux multidimensionnel, en mesure d'extraire un esprit religieux de son mystère et de le livrer aux méthodes de l'exploration et aux techniques de l'explication.
L'intérêt du particulier et des collectivités ne suspend pas l'importance et la pertinence de l'implication dans le phénomène religieux aux façades physiques, aux visions attenantes à des personnes, aux problèmes d'interprétation qui s'y rattachent, qu'une telle démarche pourrait charrier. Il les suspend plus à une pratique dictée par une culture impactant les comportements du moment. Et c'est à cela qu'il faut s'attacher, dans ce qui pourrait s'appeler une lecture de fond !
On ne peut prétendre à aucun enseignement fiable si l'on évite d'interroger les strates du phénomène religieux, dont les représentations physiques ayant la vocation et les moyens d'en discourir. Je parle des personnes érigées, de par leurs formations, leurs discours et leurs outillages, en autorités auxquelles le droit d'écoute est accordé. Il est même attaché au système de référence qu'ils représentent. Dans notre culture orientale, la nouvelle je veux dire, le dernier rempart à l'autodestruction est bien cette représentation physique qu'il a fallu évincer – et le mot est tendre – pour satisfaire un égotisme qui se veut savant sans en avoir les moyens.
De là a découlé une tradition chaotique encouragée par l'absence de référence et favorisée par une perte de repères pourtant indispensables au maintien d'une culture, et dont le corollaire néfaste est palpable dans les pratiques en vogue aujourd'hui. Cette tendance à fustiger la religion dont le noyau critiquable serait son caractère ambivalent, est à l'origine de la naissance d'autres auteurs dont la tonalité libertaire a amené à continuer, sans couvert de mots, ceux déjà mentionnés.
On citera à titre d'exemple, parmi les hommes de lettres surtout, le Syrien Haider Haider, la Marocaine Fatima Mernissi, l'Hindou-Britannique Salman Rushdie, l'Egyptienne Fatima Noot, la Bengladaise Taslima Nasreen et bien d'autres. Il est difficile, au demeurant, de ne pas remarquer qu'ils optent pour une vision gauchisante sous couvert de modernisme, et que tous, toutes spécialités confondues, font profession de féminisme.
La condition féminine, dans ce que Olivier Roy relève dans La sainte ignorance comme étant un modernisme païen, sert à beaucoup d'entre eux de socle pour asseoir leur discours anti-religieux, présentant la religion comme écueil à la promotion de cette partie de l'humanité. Cette manière trop sûre d'elle est pourtant loin de trancher définitivement avec le religieux. Qui, des scientifiques les plus influents de notre époque, était souscrit à l'athéisme que l'Anglais Anthony Flew ? Il a fini par changer de pensée, à 81 ans, en se rendant compte que la science ne répond pas à tout. Et que rien n'empêche qu'elle trouve son complément ailleurs.
Son œuvre magistrale There is a god (Il y a un Dieu), élaborée dans le cadre de ce qu'il a appelé un pèlerinage de la raison et non de la foi, n'en finit pas d'attester d'un besoin naturel d'aller au-delà de la physique. Car, tel que développé par Todorov ailleurs, «Non seulement la science n'est pas toujours parfaite, on a envie de dire qu'au contraire, elle ne l'est jamais : il est dans la nature même de la connaissance scientifique qu'aucun de ses résultats ne doit être tenu pour définitif.»
Dans un contexte voisin, l'Américain Huston Smith, dans l'ensemble de son œuvre, notamment Why religion matters s'étend, scientifiquement bien entendu, sur les concepts métaphysiques qui doivent continuer à orienter l'existence humaine et à gérer la vie sur terre, en ayant comme moments forts la discussion des visions modernistes dont la principale obsession est l'alternance au religieux ! Même s'ils n'ont pas la même dimension, et la même aura, d'autres scientifiques acquis à l'athéisme, tels que Milan Schultz, Keith L. Moore, Jeffrey Lang, Laurence Brown et bien d'autres ont pris le même chemin, à savoir remettre en question des thèses de rationalisme absolu longtemps et fiévreusement soutenues.
Ce n'est pas dans la continuité des Traditionnalistes qu'ils s'inscrivent, ni dans la lignée des religieux, convertis ou non, qu'ils se casent. C'est une façon d'être caractérisant les mutations logiques de toute conscience évoluante, qu'il s'agit. En d'autres termes, ils ne font pas dans la religiosité propre aux tenants du culte.
C'est plutôt des secousses de la raison que leurs propos relèvent, d'où l'intérêt pour nous de les convoquer ici. Rien ne peut les contredire quand il s'agit de regarder en face la réalité d'un monde auquel ils ne sont pas étrangers. De scientifiques purs et durs à des neutres sans enjeux spécifiques et sans parti pris gênants, ils sont arrivés à expliquer les bouleversements d'un esprit qui a arrêté de se chercher dans l'outrecuidance.
C'est de ceux-là qu'on a besoin pour appréhender ce qui s'affiche comme une nouvelle culture du changement, autre devise d'une communauté humaine ne sachant plus se positionner dans un contexte devenu difficile à comprendre. Difficile à vivre. Ils ne cherchent pas à avoir raison. Ils cherchent une raison à ce qui heurte une partie de l'être dont l'espace le plus important réfute l'obscurité des questionnements confus et douteux. Ce sont ceux-là qui s'invitent dans notre propos parce que porteurs d'un message de renouveau, loin des sentiers battus.
La religion/otage
Dans la forme, les auteurs en question sont aux antipodes d'autres porteurs d'un discours fixiste et fanatique, sans engagement aucun à aller dans le sens d'une herméneutique de la religion conséquente avec ses fondements et en phase avec ses objectifs pratiques et ses idéaux moraux. Mais dans le fond, ils se font écho. Ledit débat sur la religion ne sort pas du contexte de dénaturation qui voit une catégorie de personnes, en mal de prestige pour certains, en proie à une ferveur outre-mesure pour d'autres se livrer à une (conquête de soi, où l'ego surdimensionné est le maître-mot, quitte à faire de la religion un marchepied menant à des fins - le moins qu'on puisse dire - hasardeuses.
C'est à peu près ce qui a fait, avec quelques variantes, que certains perturbateurs grandement choquants émergent, à partir du septième siècle de l'hégire (XIIIe de l'ère chrétienne), ayant pour guide Ibn Taymiyya (m. 1328) à qui l'islamisme doit sa généalogie, pour paraphraser Olivier Roy3. Ses épigones n'ont pas failli à sa ligne de conduite. Il est resté une référence indiscutable pour tous ceux qui ont porté son germe, dont la principale représentation reste le wahhabisme qui hante misérablement l'espace musulman, au grand dame de ce qui est une religion !
Au nom d'un réformisme qui a écorné jusqu'à l'excès d'autres courants dignes de cette dénomination, et qui s'est vu naître et accorder un crédit autant gratuit qu'inique, dans des dispositions historiques allant decrescendo, certains mécontents contrariés par les agitations de leurs époques ont réussi à insuffler des idées de changement à partir d'une lecture pas du tout consensuelle de la religion, s'appuyant sur la réceptivité des masses à tout discours passionnel et par définition fanatique. Toutes les secousses maquillées de volonté de changement que l'Orient a pu connaître ont été accompagnées de cette mentalité d'appui sur le religieux en élaborant un discours égrotant, sans couver de véritables alternatives aux situations désolantes qu'ils prétendaient changer et pour lesquelles ils s'étaient engagés dans des sentiers sinueux.
Pour contrer le politique auquel elle collait la même étiquette que celle collée à sa peau, à savoir l'instrumentalisation de la religion pour une finalité temporelle, à défaut de dire matérielle, cette tendance présomptueuse a toujours traité sans aménité d'anti-religieux les pouvoirs qui n'acceptaient pas son activisme. S'appuyant sur des textes pourtant polysémiques à l'évidence, ils se sont adonnés à des jugements de valeur qui ont été à l'origine du contraire de ce qu'ils voulaient.
La littérature de l'Egyptien Sayyid Qotb en témoigne bien. Sa fin aussi. Et le cycle a bien connu sa suite, aussi bien en Egypte qu'en Syrie et au Pakistan, dans le cadre des liquidations physiques des partisans de cette pensée! En filigrane de leur aversion pour tout ce qui contraste avec leurs doctrines, leurs penchants provocateurs ont trouvé leur origine dans la spiritualité comme terrain d'échanges, où la polémique et la controverse ont leur mot à dire.
Ce qui a mis à l'épreuve leurs thèses et a permis de mesurer à sa juste valeur leur projet. Etaient dans leur viseur, et le sont toujours, des références comme Al Hallâj, Al Ghazâlî, Ibn Massarra, Al Halaouî, Ibn Sab'în, al-Sahrawardî, Ibn Al ‘Arabî et le reste…Cela a beaucoup participé de leur chute et de tout le discrédit qui a pu les frapper.
On reconnaît le faux à sa manière de détourner le vrai !
Dans les deux cas, c'est bien une façon de profaniser le sacré et de sacraliser le profane qui stimule ces comportements, auxquels aucun correctif n'a pu remédier, fût-il des plus pertinents. On est toujours allé au-delà des vraies solutions, à savoir se fier à la vocation de ce qu'est réellement une religion, s'en tenir à ses assises et en faire un discours à la dimension de sa quintessence. En dehors de cela, on verse dans l'absolutisme ! Cette dualité qui n'arrive, en aucune façon, à produire un discours à la mesure de ce qui est vérité, avec majuscule, pour laquelle pourtant semblent militer les deux parties, laisse le chemin libre à ce qui est plus qu›une hypothèse de salut : la spiritualité !
Le pari de l'alternance : La spiritualité
C'est la troisième voie – celle que Massignon appelait en politique «voie moyenne»4 – qui est jusque-là léguée au second plan des réflexions dites rationnelles, si l'on excepte celle qui veut en faire – dans un secourisme hâtif et superficiel – un succédané ce à quoi elle s'oppose. C'est justement ce principe de substitution qui nous intéresse ici. Le spiritualisme, dont le regain d'intérêt est tout aussi justifié que certain, doit dépasser le stade provisoire d'une situation intermédiaire aux maux dont souffre la société d'aujourd'hui. On ne doit pas y recourir parce qu'il faut contrer un belligérant, pour s'en défaire juste après.
Mais appel doit lui être fait pour les principes qu'il véhicule, et pour la valeur qu'il renferme. Certains l'ont compris, d'autres non! Répondant à presque un rejet d'exotérisme sec et sans saveur, la spiritualité dispose de bien d'atouts salutaires qui font d'elle un besoin incontournable. C'est cela qui en a fait une entité à part, jalouse de ses potentialités et sujette à des adversités stigmatisantes. Il est normal que les courants figés et sans horizon essayent d'en faire table rase. Comme il est normal qu'elle soit récupérée par la tendance adverse, le temps de régler ses différents et passer à autre chose après !
En communion avec l'essence de la religion, et en harmonie avec son esprit, cette vision ontologique donne issue à tout ce qui peut secouer l'être humain, l'en sortir de ses angoisses existentielles, lui permettre de se transcender et se découvrir une autre vie, avec d'autres facultés morales. C'est cela qu'il faut méditer et non le dessein d'en faire un moyen de dépasser les contrariétés, ou de taire les hostilités à caractère bassement affectif. Ce juste milieu incline à dire qu'il y a problème; mais qu'il n'est pas sans solution. Laquelle se trouve être dans ce recours à la Vérité cherchée pour elle-même.
Dans l'élaboration d'un discours intelligent et souple, menant vers la paix avec soi, s'il n'y a que cela à chercher dans une voie de foi. Mettre le chaos social et les mauvaises prestations politiques sur le dos de la religion ne peut être ni juste ni logique, en ce sens que les nouveaux contextes de la société humaine font état d'entrelacements pressants qui rendent difficile toute catégorisation des faits. Au contraire, c'est la religion qui souffre de tous ces usagers mélangeurs qui ne l'épargnent pas de leurs pratiques d'incultes aux origines obscures et aux destins conjecturaux.
La religion populaire – j'emprunte à Jean-Pierre Lintanf – n'est pas un territoire de médiocrité au vu du cadre humain qui la contient, et l'expose dans ses facettes les moins lumineuses, à la foudre de la critique. Tous les mouvements de masse ont connu la tare d'être mal représentés, pourquoi la religion en échapperait-elle ? Si une certaine idée de l'évolution, en tournant en dérision les principes d'appartenance religieuse, et en apostrophant ses partisans, sur fond d'intellectualisme zélé auquel vient s'ajouter la satire comme ingrédient de base, ses dépositaires ont du mal à convaincre qu'il s'agit, chez eux, plus de choix idéologiques délibérés que de simple problème d'interprétation !
De même, si une certaine idée de la religiosité qui, par ailleurs, n'a rien de scientifique, érige en gardiens des valeurs ceux dont la seule vocation est de confectionner des ordres de tuer afin de récupérer une crédibilité incertaine, elle va forcément dans le sens contraire de ses aspirations. De par sa rhétorique de déconstruction, assidue et agissante, et sa hargne à dénoncer tout ce qui ronge le quotidien, la première s'obstine à présenter l'intégrisme comme seule manifestation du religieux.
Et de par un discours réducteur et surtout confiscatoire, venant d'une conception de la religion limitée dans son approche et ses outillages épistémologiques, la seconde, de laquelle on ne peut attendre mieux, fait dans l'opportunisme cher aux nouveaux prophètes. Voilà une approche du fait religieux bien drôle. De par la distanciation vis-à-vis du fond, et de par l'entêtement à en faire une actualité facile à mâcher d'un côté, et simplement récupérable pour en faire un fond de commerce d'un autre côté, elle ne finit pas de s'éterniser.
Moins qu'un semblant de «penseurs» rebelles et de «fous aficionados», il s'agit bien de personnes se mouvant dans une cartographie faite d'idéologies indigestes et d'exhibitionnisme apocryphe. Ce qu'il ne faudrait pas oublier, justement, c'est que là où il y a provocation une réaction est attendue.
Et là où il y a extrémisme un autre le guette à chaque coin de rue ! Ce qui est vraiment préoccupant, dangereux même, pour moi au moins, c'est cet élan infatigable à vitupérer, sans état d'âme, contre tout ce qui est afférant à l'islam, genre «une mosquée en contrepartie d'un hôpital, des rangs de fidèles ravissant l'espace à des armées de danseurs de tango ou de samba», ou prendre ouvertement fait et cause pour de vulgaires désœuvrés qui transgressent les rites sans respect pour l'ensemble des communs qui les observent, etc.
En conclusion
A la question : comment s'y prendre avec l'extrémisme de tous bords, il ne faut pas être diplômé des grandes écoles pour comprendre qu'en faisant dans la bravade, on ne fait qu'enfoncer le clou. A entendre renforcer l'intégrisme. Ainsi on s'offre l'argument pour dire que la religion peut bien se mettre au diapason de la modernité. Dommage que certains s'en détournent !
Dans un contexte mondial qui pousse aux questionnements, de plus en plus insistants sur les problèmes ontologiques et tout ce qui s'y réfère ; dans un semblant de confusion où le charlatanisme le dispute à l'arriération, seul un esprit forgé, averti et doué de la juste intelligence peut avancer sur le terrain glissant d'une telle problématique !


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