L'aventure aura vécu. A peine 3 années d'émission sous haute pression. Lancée fin 2014, dans le feu follet de l'ouverture bancale de l'audiovisuel, KBC, la chaîne de télévision du groupe El Khabar, cessera sous peu et définitivement d'émettre. C'est officiel. L'annonce a été faite samedi par Zahr-Eddine Smati, le président du conseil d'administration du groupe, non sans rassurer le personnel et les téléspectateurs. «La chaîne ne disparaîtra pas totalement. Elle sera transformée en El Khabar TV News», promet Smati. Une chaîne thématique donc, dédiée à l'information en continu, sera lancée d'ici «deux à trois mois» en place et lieu d'une chaîne généraliste affreusement boulimique en moyens financiers. La décision de ne plus recapitaliser KBC TV, société de droit étranger et celle de la dissolution de son interface londonienne, World-vision ont été prises à l'issue du dernier conseil des actionnaires du groupe. Depuis trois ans, en effet, World-vision collectionne les bilans déficitaires. Un gap de trésorerie dépassant de loin les 70 milliards de centimes, avait-on confirmé. Au sein du collectif El Khabar TV, en cette veille de départ en vacances, c'est l'incompréhension. L'inquiétude surtout quant à la préservation des emplois. Une centaine de postes créés au moment fort de l'aventure KBC avant de voir son effectif péricliter pour cause de soucis majeurs de trésorerie. «On ne nous a rien dit, affirme un reporter de KBC. La nouvelle nous l'avons apprise comme vous, par les journaux.» Pour l'heure, l'écran noir n'est pas au menu. La chaîne émet toujours, mais son fonctionnement est réduit au strict minimum cathodique en vigueur déjà depuis plusieurs semaines. «Beaucoup de nos camarades sont déjà en vacances. Certains étaient déjà au chômage technique depuis des mois et on est à se demander maintenant si l'annonce du lancement d'El Khabar TV News tient du projet sérieux ou bien du simple calmant.» «Il n'y aura pas de plan de licenciement», tient à rassurer le président du conseil d'administration du groupe. Pour Smati, il n'est pas question de brader la ressource humaine dans laquelle le groupe avait investi, surtout en formations. «Nous ferons le maximum pour garder le capital humain (les employés), ajoute-t-il. Car, il y va du succès de notre projet de chaîne d'info» qui sera lancée dès que les conditions d'agrément et les statuts auront été satisfaits. KBC est morte, vive El Khabar TV News ! Lancée en autofinancement, l'aventure KBC a consommé les bons grains et l'ivraie. En tout, l'odyssée aura coûté plus d'un milliard de dinars (100 milliards de centimes) à l'entreprise El Khabar, dont le titre, arabophone, fait partie des fleurons de la presse indépendante ayant vu le jour au tout début des années 1990, conséquemment à la parenthèse de l'ouverture démocratique. En juillet 2016, alors que KBC était déjà à un stade avancé de suffocation financière, le gouvernement Sellal fera annuler, par décision de justice, la transaction portant vente de KBC au groupe Cevital du magnat Issad Rebrab. Les actionnaires du groupe El Khabar se devaient de rembourser plus de 400 milliards à l'industriel algérien. Le feuilleton rocambolesque de l'été 2016 a accentué les difficultés financières de la chaîne, suscité la désaffection des annonceurs et quasiment engagé le pronostic vital de KBC, le canal. En proie à l'instabilité chronique de son top-management, à la vive concurrence de ses alter ego d'Ennahar et Echorouk TV, et à la contraction sévère des ressources et marchés publicitaires, KBC meurt de sa belle mort. Non sans idée de résurrection. Smati mise sur l'avenir et sur les professions de foi du gouvernement Tebboune généreuses en promesses d'aide et d'ouverture aux médias. Le PDG du groupe se dit ainsi confiant quant au succès futur du projet de chaîne d'information «véhiculant les valeurs de professionnalisme, de liberté et de crédibilité qui sont les valeurs de El Khabar». Si tant est que le pouvoir soit animé de «bonnes intentions». «Stratégiquement, le pouvoir politique a tout intérêt, surtout dans la conjoncture et circonstances actuelles, à s'ouvrir davantage, à promouvoir la liberté d'expression, de presse et à jouer le jeu de la démocratie. Il y va de son intérêt stratégique», conclut Smati.