Depuis plus de deux ans, les compagnies pétrolières étrangères n'ont pu, pour cause de mutation du cadre juridique, accéder au domaine minier algérien pour rechercher du pétrole et du gaz. Cette pause, que le gouvernement feint d'être volontaire, risque de se poursuivre loin en 2007, peut-être au-delà. C'est ce qui ressort de la première journée de la conférence du secteur de l'énergie et des mines à Oran. La session inaugurale du matin était bien engagée, hier, lorsque le conseiller à la Présidence, ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, dont c'était le retour en grâce en public, lâchait, du haut de son siège de président de séance, la question que toute la salle attendait après les exposés des deux directeurs des nouvelles agences du secteur des hydrocarbures, Alnaft et ARH. La question s'adresse plus directement à Sid Ali Betata, le directeur d'Alnaft, l'agence en charge de la valorisation des hydrocarbures, qui a présenté un bilan d'étape sur son institution installée depuis une année : « A quand le démarrage effectif de l'activité d'Alnaft ? » Traduit dans le jargon des représentants des très nombreuses compagnies pétrolières présentes, il s'agissait d'avoir une indication sur la date du premier appel d'offres pour la recherche-exploitation de pétrole et de gaz en Algérie, sous le régime de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. C'est le moment fort de la première journée de la 3e conférence stratégique sur les opportunités d'investissement dans le secteur de l'énergie et des mines, qui se tient dimanche et lundi à l'hôtel Sheraton d'Oran. La réponse de M. Betata ne sera pas à la hauteur des attentes. « Nous pensons que l'année 2007 sera celle du démarrage de nos activités », a-t-il répondu, non sans avoir insisté, auparavant, sur les délais « incompressibles » de mise en œuvre de la loi et de la construction de ses instruments. En fait, le calendrier de la relance des rounds d'appels d'offres pour la recherche et l'exploitation de pétrole et de gaz en Algérie, interrompue depuis plus de deux ans, n'est toujours pas fixé. Le cadre de cette conférence stratégique sur les opportunités de l'investissement, qui a drainé, à Oran, les staffs des investisseurs internationaux de l'énergie et des mines, semblait, pourtant, approprié pour « cadrer » une date de reprise de l'attribution par appels d'offres de permis de recherche — devenant des contrats de recherche dans la nouvelle loi —, contrats de recherche longtemps présentés par le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, comme l'instrument de mesure de l'attractivité du pays dans le domaine de l'amont pétrolier. « Il faut retenir, à la décharge d'Alnaft et de son directeur, qu'il a fallu faire face, durant cette première année d'existence, au chantier de sa mise en place, et en même temps, à la survenance des amendements de la loi d'avril 2005 », explique un cadre du ministère de l'Energie et des Mines, qui considère qu'il « est normal de concéder un certain délai afin que s'installe le nouveau cadre institutionnel », défini par la réforme sur les hydrocarbures et dont la principale nouveauté est l'exercice des prérogatives de puissance publique par les deux agences Alnaft et Arh. Une pause vraiment voulue par les autorités ? Cette installation dans la durée de la « fermeture temporaire » du domaine minier algérien aux investisseurs étrangers n'a, bien sûr, pas semblé réjouir leurs représentants à l'hôtel Sheraton. Pour les managers d'une importante compagnie pétrolière du sud de l'Europe, installée en Algérie, la suspension de la recherche-exploration, si elle devait se poursuivre une troisième année — ce qui n'est plus exclu compte tenu du niveau d'impréparation d'Alnaft pour lancer un round d'appels d'offres dans les six prochains mois — poserait un problème de courbe de production dans le moyen terme : « Il faut, aux termes de la loi, cinq années pour un investisseur pour rendre son permis de recherche ou démarrer le développement d'un gisement, auxquels il convient d'ajouter environ trois ans pour atteindre un seuil de production commerciale. Sonatrach poursuit, certes, seule son programme de recherche, mais en l'absence de nouvelles découvertes pour les compagnies étrangères, il y aura dans la production de pétrole et de gaz un creux dans six à huit ans qui correspondra au creux actuel dans la recherche exploration. » La pause dans les appels d'offres pour la recherche et exploitation dans les blocs du domaine minier algérien paraissait comme un « dégât collatéral » de la chaotique valse-hésitation autour de la loi sur les hydrocarbures qui a été adoptée en avril 2005 sans bénéficier des textes d'application, 14 mois plus tard, avant d'être amendée, en octobre dernier, sur le point essentiel de la part de Sonatrach dans les nouvelles découvertes. Cela était vrai jusqu'à une surprenante déclaration de Chakib Khelil, l'été dernier, sur l'intention de l'Algérie de baisser l'intensité de l'exploitation de son domaine minier, laissant par la même entendre que la pause dans les rounds d'appels d'offres pour la recherche de pétrole et de gaz n'était pas considérée comme un contretemps par le gouvernement. Le caractère surprenant de cette déclaration venait de ce que la stratégie du ministre de l'Energie et des Mines était, depuis son intronisation, en 1999, résolument productiviste. Si l'amont pétrolier devra attendre un nouveau départ dans la recherche-exploitation, les investisseurs ont pu se consoler, durant cette première journée, de très importantes perspectives d'affaires dans les domaines de l'industrie pétrochimique, du raffinage, des projets de gazoducs, de la production d'électricité, en attendant sa distribution, et l'exploitation des mines.