Le Syndicat national autonome des travailleurs de l'électricité et du gaz (Snategs) a été empêché de marcher, hier matin à Béjaïa, par la police qui a été déployée en grand nombre sur l'esplanade de la maison de la culture Taos Amrouche, point de départ de la marche vers le siège de Sonelgaz, sis devant le tribunal de Béjaïa. Au moins 40 personnes ont été arrêtées, dont plusieurs ont été interpellées au niveau des barrages filtrants de la police, avant-même qu'elles ne foulent le sol de Béjaïa, a indiqué à El Watan Abdelkader Kouafi, secrétaire général du Snategs. L'esplanade de la maison de la culture a été littéralement assiégée dès les premières heures de la matinée. Postés sur le trottoir faisant face à la maison de la culture, des policiers en tenue civile demandaient l'identité de tout passant soupçonné d'être venu rallier la marche, prévue à 10h. Plusieurs personnes ont été arrêtées sur place, puis conduites dans un fourgon antiémeute stationné non loin de là, avant d'être transférées vers le commissariat central. Au moment où nous écrivions ces lignes, les personnes arrêtées devaient être relâchées, selon un accord conclu entre l'adjoint-chef de sûreté de wilaya, Tahar Azzoug, et le SG du Snategs, Abdelkader Kouafi, par l'intermédiaire des députés Khaled Tazaghart du Front El Moustakbel et Noura Ouali du RCD, avons-nous appris sur place. Le syndicat devait renoncer à observer son action et ses représentants être accompagnés par les deux députés pour aller à la rencontre du wali afin de lui remettre une lettre de revendications. La police allait, de son côté, relâcher les personnes arrêtées. C'est la deuxième fois qu'une action du Snategs est réprimée à Béjaïa. Pour justifier cette répression, voici ce que Tahar Azzoug a signifié à Abdelkader Kouafi : «On vous a laissés marcher le 1er mai ici à Béjaïa. Mais là, c'est trop. Il n'y pas que Béjaïa. Sur Facebook, les gens d'ici disent que c'est trop et nous accusent (la police ndlr), en vous laissant marcher à chaque fois, d'être vos complices». L'officier de police a, par ailleurs, affirmé que les 6 travailleurs du Snategs suspendus par la direction de Sonlegaz pour leurs activités syndicales ont été réintégrés et la marche n'avait donc, à ses yeux, pas lieu d'être. Mais selon Abdelkader Kouafi, il est vrai que les six travailleurs de Béjaïa ont été réintégrés, mais non sans être dégradés de deux échelons dans leurs postes respectifs, en plus d'être affectés à des agences sises loin de chez eux en guise de sanction. Les députés en pompiers ? Les députés Khaled Tazaghart et Nora Ouali ont tout fait pour convaincre Abdelkader Kouafi de renoncer à la marche que les militants qui ont échappé au coup de filet de la police ont tenu à observer à 11h30, avons-nous observé sur place. Même si tous les deux ont condamné l'empêchement de l'action, «la volonté de verrouiller Béjaïa comme on l'a fait avec Alger et les autres régions» et «l'entrave à la liberté syndicale et d'organisation», on comprend mal comment des élus peuvent-ils se résigner, accepter un empêchement et convaincre un syndicaliste sous pression de jeter l'éponge pour une action pourtant pacifique. On est en droit de se demander si les deux députés n'ont pas joué le rôle de pompiers sur ce coup. Ou s'ils voulaient tout simplement éviter aux syndicalistes une répression encore plus musclée ? La question mérite d'être posée, d'autant que c'est à Béjaïa, plaque tournante des mouvements sociaux ces dernières années, que cela se passe. A rappeler que le Snategs, qui revendique 35 000 adhérents sur les 86 000 que compte Sonelgaz, d'après ses représentants, est dans un bras de fer de plusieurs mois avec la direction de l'entreprise. Syndicat légal, ses revendications socioprofessionnelles sont foulées aux pieds par l'administration, tandis que ses adhérents font l'objet de harcèlement judiciaire et en tout genre de la part de l'administration. La marche empêchée est organisée parallèlement à une grève nationale qui devait commencer hier. Elle devait réunir des syndicalistes de plusieurs wilayas pour demander, entre autres, l'arrêt des intimidations à l'encontre des syndiqués du Snategs, la réintégration des travailleurs suspendus, l'ouverture du dialogue avec la direction du groupe et la tutelle et une longue liste de revendications socioprofessionnelles (39).