Le président français, Emmanuel Macron, est parvenu, mardi à Paris, à arracher un communiqué de dix points aux deux leaders libyens, Fayez Al Sarraj, le président du Conseil de la présidence, et Khalifa Haftar, le chef de l'Armée nationale libyenne. La France et la Grande-Bretagne essaient de faire entériner cet accord par le Conseil de sécurité de l'ONU. Pour la première fois depuis l'accord de Skhirat du 17 décembre 2011, un communiqué commun de dix points a été publié suite à une réunion des belligérants libyens. Le communiqué a été qualifié de feuille de route par le président français, Emmanuel Macron. Il traite de réconciliation nationale, retour des déportés, mise en marche de la justice transitionnelle, amnistie générale et application des dispositifs sécuritaires de l'accord politique libyen (Skhirat). Haftar et Al Sarraj ont également mis l'accent sur la nécessité d'appliquer l'article 34 de l'accord politique (Skhirat), qui concerne le redéploiement des groupes armés en dehors des concentrations urbaines et l'établissement d'un calendrier pour la collecte des armes et des munitions à travers la Libye. D'autres parties du communiqué parlent de cessez-le-feu et d'éviter de recourir aux armes, sauf pour combattre le terrorisme. L'article 3 insiste sur l'Etat de droit, civil et démocratique, d'institutions souveraines uniques (Banque centrale, Entreprise nationale du pétrole et Fonds national d'investissement) pour garantir la sécurité des citoyens et l'autorité de l'Etat. Le communiqué fait pratiquement foi de feuille de route que les parties libyennes et internationales vont essayer de travailler davantage pour la mettre à exécution. Réactions Emmanuel Macron considère que Haftar et Al Sarraj disposent de la légitimité et de la force nécessaires pour installer la paix en Libye et réaliser la réconciliation nationale, à travers la feuille de route adoptée. Macron avertit : «Si la Libye échoue, elle contaminera toute la région, notamment les pays du voisinage.» Des démarches diplomatiques britano-françaises sont en cours pour que le Conseil de sécurité de l'ONU soutienne le communiqué de Paris, signé par Al Sarraj et Haftar. Un communiqué du ministère des Affaires étrangères algériennes, publié hier, a indiqué que le ministre Abdelkader Messahel, aux Emirats actuellement, a reçu un appel téléphonique de son collègue français, Jean-Yves Le Drian, pour l'informer de la teneur des discussions avec Al Sarraj et Haftar. Le communiqué a mentionné que Messahel a également eu une communication téléphonique avec le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Tahar Siala. Le ministre algérien a affirmé à son collègue libyen que l'Algérie poursuit ses efforts pour trouver une issue concertée à la crise libyenne, basée sur le dialogue et la réconciliation nationale. Par ailleurs, l'Egypte a salué l'accord obtenu à Paris, le considérant comme un pas en avant vers une solution en Libye. Un communiqué du ministère égyptien des Affaires étrangères a accueilli avec satisfaction le contenu de l'accord qui met l'accent sur l'impératif d'une solution politique en Libye, l'attachement à l'unité de ce pays, la sécurité de ses terres et la lutte contre le terrorisme. Continuité Sur le chemin du retour de Paris vers Tripoli, Al Sarraj a fait une escale imprévue à Rome, où il a rencontré le chef du gouvernement italien, Paolo Gentiloni. Ce dernier a déclaré, après la rencontre avec Al Sarraj, que l'Italie espère des retombées positives de l'accord de Paris dans les semaines et les mois à venir. «Si des pas positifs voient le jour en Libye, l'Italie sera le premier pays à s'en réjouir», a dit Gentiloni. De tels propos italiens tranquillisent, vu que les observateurs internationaux avaient souligné ces derniers jours que l'Italie s'est énervée à cause de la démarche isolée française, à laquelle Paris n'a pas associé Rome. La venue de Jean-Yves Le Drian lundi à Rome et celle d'Al Sarraj, hier, sont destinées à calmer la colère italienne. L'Italie étant un acteur incontournable dans la crise libyenne. Dans un entretien accordé, avant-hier au soir, à France 24, Al Sarraj a déclaré que l'accord de Paris va être débattu avec les autres formations, notamment le Parlement et le Conseil de l'Etat. Il a également souligné avoir évoqué à Paris le retour des entreprises françaises en Libye, dont les contrats s'élèvent à près de trois milliards de dollars. Parlant de ce qui continue à bloquer cet accord, le politologue libyen Ezzeddine Aguil considère que cette feuille de route est «très générale et conceptuelle». Les débats ne sont pas parvenus aux détails et comme dit le proverbe : «Le diable se cache dans les détails», selon Aguil. La question de l'autorité de nomination de la haute hiérarchie militaire continue à poser problème, remarque le politologue. Comme on le sait tous, le maréchal Haftar refuse que Fayez Al Sarraj dispose de cette autorité. Il s'agit, en gros, des amendements à introduire à l'accord de Skhirat pour le rendre opérationnel. Or, cela n'a pas été explicitement abordé, selon Ezzeddine Aguil, bien que tout le monde parle d'un Conseil de la présidence réduit à trois personnes (dont Haftar !), et d'un gouvernement indépendant du Conseil de la présidence qui sert à gérer les affaires courantes du pays. Il reste beaucoup à faire.