L'homme fort de l'Est libyen, Khalifa Haftar, et le président du Conseil présidentiel, Fayez Al Sarraj, vont se rencontrer aujourd'hui à Paris. L'ordre du jour est de s'entendre sur les amendements à introduire à l'accord de Skhirat de décembre 2015. La France a multiplié les consultations avant cette rencontre. Près de trois mois après leur rencontre à Abu Dhabi, le 2 mai dernier, Haftar et Al Sarraj se rencontreront aujourd'hui à Paris pour avancer davantage sur la voie de la réconciliation libyenne, en essayant notamment de s'entendre sur une feuille de route de la phase transitoire en Libye, qui mettra fin aux tensions avant les élections. Sur le terrain, Haftar vient de finaliser sa mainmise sur l'Est et le Sud libyens, en plus du fait qu'il contrôle déjà la quasi-totalité des champs et des terminaux pétroliers, ainsi que les bases aériennes. Al Sarraj est le chef du Conseil présidentiel, l'autorité internationalement reconnue. Une source proche de la diplomatie française a indiqué que la rencontre entre Haftar et Al Sarraj se tiendra à l'Elysée sous la présidence d'Emmanuel Macron et que l'envoyé spécial de l'ONU en Libye, Ghassen Salama, assistera à une partie de cette rencontre. Haftar et Al Sarraj ont déjà exposé à Abu Dhabi les grandes lignes d'une feuille de route de transition en Libye, s'articulant autour de l'amendement de l'accord de Skhirat de décembre 2015, qui n'est jamais entré en application, parce qu'il n'a pas été validé par le Parlement libyen. Les deux principaux points concernent, d'une part, l'autorité de nomination de la hiérarchie militaire de l'Armée nationale libyenne et, d'autre part, la composition et le rôle du Conseil de la Présidence. Sur la première question, la proposition est d'intégrer le maréchal Khalifa Haftar à un Conseil restreint de la Présidence, réduit à trois membres (au lieu de neuf), qui assurera le sommet de la hiérarchie militaire. Concernant les tâches de ce Conseil, il est question de les limiter strictement à veiller sur l'application de la feuille de route de la transition. Un gouvernement de technocrates sera formé, indépendamment du Conseil de la Présidence et veillera sur la gestion des affaires courantes du pays. Compromis recherché Par ailleurs, Al Sarraj a déjà commencé à centraliser les pouvoirs du Conseil de la Présidence entre ses mains. Il vient de publier un communiqué où il ordonne à aux instances administratives de refuser toutes les instructions qui n'émanent pas directement du président du Conseil. Laquelle décision ne respecte toutefois pas l'accord de Skhirat qui stipule l'aval unanime des instructions, par tous les membres du Conseil, avant leur publication, comme l'a rappelé le vice-président Ahmed Myitigue dans un communiqué indépendant. Un différend traduisant les difficultés de gestion de ce Conseil de la Présidence. Pour le reste, des élections seront tenues dans un délai raisonnable. Février 2018 n'étant plus une date plausible, l'accord porterait sur une date oscillant entre huit et vingt mois à partir de la signature des amendements et leur approbation par le Parlement. La rencontre de Paris veillera à finaliser les derniers points en suspens, concernant notamment la Constitution de référence pour la gouvernance du pays et l'autorité de gestion des Fonds souverains libyens. Préparatifs En prévision de cette rencontre, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a appelé jeudi son collègue algérien, Abdelkader Messahel, pour discuter avec lui d'une nouvelle initiative en Libye, qui pourrait servir de plateforme de départ à la rencontre de Paris entre Haftar et Al Sarraj. Cet appel sert à prévenir des réactions négatives de la partie algérienne, qui a régulièrement critiqué la multiplication des initiatives internationales en Libye et qui ne prennent pas en considération les réalités du terrain. Alger a l'avantage de posséder de fortes liaisons avec plusieurs groupes libyens, dont le président du Conseil, Fayez Al Sarraj. Dans cet ordre des choses, le ministre algérien a appelé le président du Conseil d'Etat, Abderrahmane Souihli, pour discuter des amendements à introduire à l'accord de Skhirat. M. Messahel compte également se déplacer de nouveau dans les prochains jours au Caire et à Abu Dhabi pour parler des suites à donner à cette initiative internationale en Libye. Pour sa part, Jean-Yves Le Drian compte également se rendre aujourd'hui à Rome afin d'étudier avec les Italiens la proposition que la France compte faire demain aux deux leaders libyens. L'Italie est considérée comme le principal coordinateur des efforts diplomatiques dans la région avec les Etats-Unis. La France n'a toutefois pas associé les Italiens ni les Nations unies aux préparatifs de la réunion de Paris, malgré les tentatives des Italiens d'y prendre part. La France s'est limitée à les informer, tout comme la Grande-Bretagne, de sa démarche en Libye. Le ministre français des Affaires étrangères s'était, lui aussi, déjà rendu, courant juin, en Egypte, aux Emirats arabes unis, au Qatar, en Arabie Saoudite, en Tunisie et en Algérie pour discuter de la stratégie antiterroriste, notamment le dossier libyen. Sur le terrain, le retour à la normale se poursuit à Benghazi. A ce titre, la délégation de l'ONU en Libye a décidé de rouvrir cette semaine ses bureaux dans la ville, qui a été complètement libérée des membres de Daech et de leurs alliés.