Désormais, la DGSN se dote d'un bureau des droits de l'homme. L'annonce a été faite par le général-major, Abdelghani Hamel, quelques jours avant la célébration de la Fête nationale de la police, le 20 juillet dernier. Pour quels objectifs ce bureau a-t-il été créé ? La DGSN n'a pas souhaité répondre. Des personnes ayant vécu des «atteintes» de la part de policiers témoignent. «La Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a rappelé que son processus visant à promouvoir les principes des droits de l'homme au sein de la police nécessitait la modernisation de la formation en assurant la mise en œuvre des lois de la République (…) pour préserver la dignité de l'homme, sa liberté et ses droits, en tant que base pouvant édifier l'Etat et instaurer la démocratie», rapporte l'APS, qui dit s'être basée sur un communiqué de la DGSN. L'annonce a été faite par le directeur général de la Sûreté nationale, le général-major Abdelghani Hamel, le 17 juillet dernier, soit trois jours avant la célébration de la Fête de la police nationale. Désormais, la DGSN se dote d'un bureau des droits de l'homme qui a pour objectif, selon l'APS, de «sensibiliser les éléments de la police et les former sur la question des droits de l'homme». Le fait que la DGSN aborde la question des droits de l'homme, peut-il être expliqué comme une reconnaissance de cette dernière de «certaines dérives» de ses éléments, isolées ou pas, en la matière ? La DGSN a-t-elle des choses à se reprocher, ou veut-elle tout simplement améliorer ses services et sa qualité d'intervention auprès du citoyen ? Certaines personnes, militants ou pas, tiennent à souligner certains comportements de la police qu'ils qualifient «d'atteinte aux droits humains». Ces derniers parlent de «machisme, de sexisme, de conservatisme, d'indifférence dans certains cas, d'intimidation et de non- respect parfois des lois de la République». Hidjab En juillet dernier, à Alger-Centre, pas loin de la Grande-Poste, deux trentenaires s'apprêtant à emprunter la rue Larbi Ben M'hidi(ex-d'Isly) assistent à une scène, selon leur témoignage, en présence d'un policier en uniforme. «Nous étions de passage pas loin de la Grande-Poste et nous avons vu une fille se faisant harceler sexuellement par un garçon. Ce dernier a même osé lui toucher le corps devant le regard indifférent d'un policier en uniforme, qui n'a pas bougé le doigt pour lui venir en aide. Quand nous lui avons demandé d'intervenir, il s'est contenté de dire que la victime devrait porter un hidjab, si elle veut réellement éviter des ennuis !» témoignent-elles. Les deux jeunes filles racontent encore la scène avec beaucoup de consternation. «Nous avons beaucoup entendu parler de ce genre de comportements de la part de la police, mais c'est la première fois que nous y faisons face. Le policier était conservateur et macho. Il nous faisait la morale au lieu de faire son boulot. Il est policier et pas imam. Il ne doit prendre comme référence que la loi de la République et non son idéologie ou sa manière de réfléchir. De plus, les filles subissent le harcèlement avec ou sans hidjab. Sommes-nous dans une République ou dans un Etat islamiste ?» s'interrogent-elles. Une autre jeune fille, une psychologue qui travaille dans l'un des hôpitaux de la capitale, raconte presque la même histoire. «Quand je me suis présentée à un commissariat pour me plaindre d'un garçon qui a passé plus d'une heure à me harceler et à me tripoter dans la rue, le policier qui m'avait reçue m'avait conseillé de couvrir plutôt mon corps. ‘‘Estri rouhek'', c'est ce qu'il m'a dit. En d'autres termes, je devais mettre une burqa, selon lui», s'indigne-t-elle. Gifler Autres situations. Les images du jeune, se trouvant dans un état d'inconscience, tiré par terre par les forces de l'ordre lors de la manifestation du 20 avril 2014 à Tizi Ouzou ont choqué plus d'un. La vidéo montrant la scène a suscité l'indignation générale sur les réseaux sociaux. L'autre vidéo qui a obligé le ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, à s'exprimer est celle où l'on a vu un policier gifler un étudiant en pharmacie, lors de la grève des étudiants de cette spécialité en février et mars derniers. L'autre intervention musclée des policiers est celle où lors de laquelle ces derniers devaient contrer l'action que devait organiser le Mouvement d'autonomie de la Kabylie dans la daïra d'Azazga, en juin dernier. Dans une vidéo amateur, diffusée sur les réseaux sociaux, on pouvait voir des éléments de la police tabasser une femme faisant partie de ce mouvement avant de l'embraquer. Les personnes que nous avons rencontrées ne parlent pas que des interventions «musclée» mais aussi d'«intimidation» et de «non-respects des lois» par les éléments de la police nationale, dont ils sont victimes. C'est le cas du leader des chômeurs dans la wilaya de Laghouat et actuel président de ce mouvement, Belkacem Khencha. Joint par téléphone, Khencha dénonce ce qu'il qualifie d'«intimidation» de la part de la police depuis qu'il a exprimé «la volonté de son mouvement d'organiser une assemblée générale dans sa wilaya». Depuis, «il est placé sous contrôle judiciaire, ce qui l'oblige à justifier sa présence à Laghouat en signant un PV chaque fin de semaine». «Les appels des éléments de la sécurité n'ont pas cessé depuis que j'ai demandé une salle pour la constitution officielle de notre association nationale. D'ailleurs, les autorités ne cessent de nous demander de nous organiser en association. J'ai agi, donc, selon la loi et selon ce que nous dicte la République. Mais les services de sécurité ne l'ont pas vu sous cet angle. Ils n'ont pas cessé de me persécuter et de me pourchasser. J'appelle cela du harcèlement et de l'intimidation à mon égard», dénonce-t-il. Metlili L'histoire n'est pas finie, Khencha livre d'autres éléments de son interminable cavale après avoir passé «injustement», en 2015, «six mois de prison ferme» pour avoir organisé une action de soutien à un chômeur devant le palais de la justice de Laghouat. «Profitant d'un mouvement citoyen organisé devant la marie de Laghouat par les protestataires des nouvelles listes de bénéficiaires de logements sociaux et de terrains, des policiers m'ont interpellé loin des yeux et m'ont obligé de les suivre. Au commissariat, les policiers ont tout fait pour me coller sur le dos la manifestation en question, mais j'avoue que leur comportement était respectueux envers moi. Sauf que tout a changé après l'arrivée d'un officier en uniforme. Ce dernier m'a humilié, m'a obligé à m'asseoir par terre et m'a traité de tous les noms. Il a même insulté ma mère», s'emporte le leader du Mouvement des chômeurs. Le calvaire de Belkacem Khencha avec les autorités locales, la justice et les services de sécurité, dont la police de sa wilaya, n'est pas fini. C'est le cas aussi d'un autre chômeur à Ghardaïa. Il s'agit de Abdeslam Hamdane, originaire de la ville de Metlili, qui dénonce, lui aussi, un comportement «contraire aux principes des droits», qu'il dit avoir subi la semaine dernière de la part de la police de son patelin. Diplômé en sciences juridiques et administratives, ce jeune de 35 ans, qui aspire à un emploi depuis 13 ans, a été récemment choisi par l'APC de Metlili comme représentant des chômeurs dans les rencontres qu'elle organise avec les différents partenaires économiques et sociaux de la région. Chien Après plusieurs manifestations organisées devant des entreprises implantées dans la région, telles que Cosider, Enafor ou l'Entp, les chômeurs de Ghardaïa ont décidé d'organiser un sit-in devant l'inspection du travail afin de dénoncer les pratiques de son directeur, qui selon eux, communique de «fausses informations» sur l'emploi au sein de ces entreprises au wali de Ghardaïa. «Le responsable de l'Inspection du travail dit que les entreprises embauchent assez, ce qui est faux. La police a fait une enquête sur lui, mais l'histoire a fini par se retourner contre moi», assure Abdeslam Hamdane, joint par téléphone. Abdeslam a été interpellé par la police qui s'est montrée collaboratrice au début. Elle l'a accusé, selon son témoignage, de «porter atteinte à la sécurité nationale et au symbole de l'Etat et d'avoir menacé la paix sociale». «La police n'a pas arrêté de me harceler par téléphone. Un officier a tenté même de faire de la propagande contre moi, en disant à la population que je suis payé par l'étranger afin de déstabiliser la région ! Ce dernier ne s'est pas seulement contenté de cela, notamment quand j'ai porté plainte contre lui. J'ai reçu un appel de lui et de ses amis m'obligeant à me rendre au commissariat. Ces derniers m'ont présenté devant le procureur de la République et au retour, ils m'ont mis les menottes comme si j'étais un criminel, m'ont tabassé, m'ont insulté de tous les noms dont ‘‘R'khis (vaurien)'', ‘‘chien'' et insulté ma mère», s'indigne Abdeslam. Et d'ajouter : «Pire, un officier a osé demander à ses collègues de m'enlever mon pantalon. Il leur a demandé de me prendre par derrière, si je bouge le petit doigt. Tout ça s'est passé devant le regard indifférent du procureur général.» Accusé d'«attroupement non armé», Abdeslam a été condamné à «six mois de prison avec sursis et 20 000 DA d'amende». Que va faire Abdelghani Hamel face à tous ces comportements ?