La librairie Livres arts et culture d'Oran était bondée, hier après-midi, pour la vente-dédicace de l'écrivain Kamel Daoud, à l'occasion de la sortie en Algérie de son dernier roman Zabor ou les psaumes aux éditions Barzakh. Des centaines d'Oranaises et d'Oranais se sont rendus à cette emblématique librairie de la rue Mohamed Moulay (ex-Lamoricière), en plein centre-ville d'Oran, pour se faire dédicacer un exemplaire de ce dernier cru de l'auteur de Meursault, contre-enquête et de La préface du nègre. D'ailleurs, à la fin de la séance-dédicace, le libraire nous a confié que tout le stock dont disposait la librairie de cet ouvrage a été écoulé en un tour de main. Autrement dit, 237 exemplaires de Zabor ou les psaumes se sont vendus en moins de deux heures, ce qui relève du tour de force. La ville d'Oran était le point d'orgue d'une tournée marathonienne, qui a mené Kamel Daoud, cette semaine, dans plusieurs villes algériennes, à la rencontre de son public, à Constantine notamment, mais aussi à Tizi Ouzou, Béjaïa et Alger. Annoncée aux alentours de 15h, la rencontre a été animée par Hadj Miliani, professeur de littérature à l'université de Mostaganem et chercheur au Crasc. Ceci dit, vu le grand engouement, il était impossible de débattre longuement avec l'auteur de Zabor ou les psaumes, car eu égard à la foultitude de lecteurs, il fallait bien consacrer la plus grande partie de la rencontre à la séance-dédicace. Le roman est donc, pour le résumer succinctement, l'histoire de Zabor, un orphelin d'une mère répudiée et de surcroît rejeté par son père, un jeune homme qui vivote avec sa tante, perdue dans ses rêves, et un grand-père aphasique, jusqu'au jour où il se rend compte qu'il a le don de prolonger les vies, ou tout au moins de faire reculer la mort par le seul acte d'écrire, par le talent d'inventer et de raconter des histoires sorties de son imagination. En présentant l'ouvrage à l'assistance, Hadj Miliani dira qu'après une première lecture, il fait ce constat que «la marque de l'autobiographie est indéniable dans l'ouvrage», -d'ailleurs, le personnage principal a le même âge que Kamel-. Ceci dit, nuance-t-il, pour indéniable qu'il soit, le caractère autobiographique n'en est pas moins partiel, car il s'agit avant tout d'une histoire. Il parlera aussi de la description du village d'Aboukir, érigé au rang d'«antagoniste» dans le roman, et qui sert de décor à l'histoire, ainsi que la relation entre le héros principal, l'écrivant, et sa famille. «Il y a beaucoup de fausses pistes, le texte est découpé en trois parties : le corps, la langue et l'extase, et autant dire que ça tient la route. Il y a une volonté de maîtriser cette prolifération narrative». Hadj Miliani dira aussi que beaucoup de passages de Zabor renvoient à La préface du nègre. En prenant la parole, Kamel Daoud avouera qu'il est très attendu au tournant par ce livre, qu'avec Zabor ou les psaumes il a fait le pari d'écrire un livre de littérature, et que le premier héros de cette histoire est la langue. «En France, un écrivain maghrébin ne sort pas de sa condition d'écrivain maghrébin». Entendre par là : il se doit d'écrire sur des thèmes «classiques», comme le terrorisme, l'intégrisme, etc. Aussi, il a voulu écrire un livre proprement universel, sans les stéréotypes qui collent à la peau de certains des auteurs maghrébins qui se font éditer en France. Zabor ou les psaumes a paru simultanément en Algérie (éditions Barzakh), France (Actes Sud) et Tunisie (Cérès).