La société mauritanienne est essentiellement bédouine, peu instruite. Le taux d'analphabétisme dépasse les 70%, nous affirme Mohamed Ould Saleck Ould Beheite, directeur de publication du quotidien Le Méhariste. Une telle réalité fait que les électeurs succombent aujourd'hui facilement au discours régionaliste, tribaliste ou religieux. Mohamed Ould Saleck, qui a étudié le comportement électoral des Mauritaniens, tranche : « Il y a trois facteurs qui influencent le choix des électeurs. Il s'agit des chefs de tribu, des chefs religieux et des richissimes hommes d'affaires. » Selon lui, les partis politiques tiennent compte de cette réalité dans le choix de leurs candidats. La Mauritanie a plus de 450 tribus. Parmi les plus grandes, nous indique Hindou Mint Ainina, rédactrice en chef du quotidien francophone Le Calame, il y a Ahl Sidi Mahmoud, Machdhouf et Kounta. Les régimes politiques mauritaniens ont toujours associé les tribus à la prise du pouvoir, ce qui fait que maintenant celles-ci sont devenues presque incontournables dans les compétitions électorales. Outre les tribus, les chefs religieux ont une certaine emprise, même limitée, sur le choix des électeurs. Cela a été perceptible à travers les résultats enregistrés par les islamistes qui se sont présentés en grande majorité sous l'étiquette de listes indépendantes. Aussi, la population mauritanienne est une proie facile des hommes riches qui réussissent, grâce à leurs fortunes, à s'offrir des voix et à se placer dans l'échiquier politique du pays. « La situation économique du pays, difficile pour la grande majorité de la population, a fait de notre pays un cas d'école pour les tenants de la politique du ventre », affirme Mohamed Ould Abba Tolba, ancien haut fonctionnaire de l'Etat. L'idée d'une culture politique déficiente est également partagée par d'autres observateurs et analystes de la scène politique mauritanienne. Abdelkader Ould Mohamed, juriste et ancien secrétaire d'Etat, voit en le premier tour des élections législatives et municipales « l'émergence d'une forte tendance régionaliste favorisée par des démocrates qui se réclament d'une ambition nationale porteuse d'un projet de société ». Partant de ce constat, cheikh Horma Ould Babana, président du Rassemblement pour la Mauritanie, dira qu'il faudra encore une à deux décennies pour qu'il y ait une démocratie en Mauritanie, arguant que le peuple mauritanien, qui reste apolitique et sensible au discours tribal, n'a pas manifesté une demande de démocratie.