La tension est montée d'un cran entre les Etats-Unis et l'Iran lors des travaux de l'Assemblée générale des Nations unies. Alors que le président américain a accusé l'Iran d'être un «Etat voyou», son secrétaire d'Etat réclame des «changements» dans l'accord nucléaire. Un retour des sanctions, casus belli pour Téhéran, risque de faire voler en éclats un pacte bâti sur leur levée progressive en échange de l'engagement iranien de ne pas se doter de l'arme atomique. Il était prévu hier que l'Iran défende sa cause à l'ONU face aux Etats-Unis, tentés par une mise en cause de l'accord nucléaire conclu avec Téhéran, au risque d'une nouvelle crise. Cette réunion des pays signataires du texte historique de 2015 devait d'ailleurs donner lieu à la première rencontre entre le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, et son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, depuis le changement d'administration américaine en janvier. Le président iranien, Hassan Rohani, devait quant à lui s'exprimer devant l'Assemblée générale des Nations unies, au lendemain d'un discours très acerbe de Donald Trump à l'égard de Téhéran. L'Iran est un «Etat voyou» qui déstabilise le Moyen-Orient en exportant «la violence, le bain de sang et le chaos», a fustigé le président américain. Un «discours haineux et ignorant», a répliqué le chef de la diplomatie iranienne. Au-delà des attaques verbales entre deux pays qui ont rompu leurs relations diplomatiques en 1980, c'est le sort de l'accord conclu par les grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Allemagne) avec Téhéran, au bout d'années de tractations difficiles, qui est en jeu. Le président Trump doit en effet «certifier» d'ici à mi-octobre auprès du Congrès que Téhéran respecte bien ses engagements censés garantir la nature exclusivement pacifique de son programme nucléaire. Une non-certification ouvrirait une période de flottement de deux mois au cours de laquelle les parlementaires américains pourraient réimposer des sanctions pourtant levées dans le cadre de l'accord. Son discours à l'ONU laisse penser qu'il est tenté de «déchirer» ce texte, comme il l'avait promis durant sa campagne pour la Maison-Blanche. L'accord est l'un des «pires» jamais conclus par Washington, c'est «un embarras», a-t-il lancé devant les dirigeants du monde entier. «Je ne pense pas que vous ayez fini d'en entendre parler», a-t-il ajouté, sibyllin. Les Etats-Unis ne resteront dans l'accord que si des «changements» sont «introduits», car le texte «doit vraiment être revisité», a même déclaré le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson. Les Américains pensent en effet que «le défaut le plus flagrant» du texte est qu'il «ne fait que remettre le problème à plus tard», selon Rex Tillerson. Hormis le soutien d'Israël, les Etats-Unis sont isolés, d'autant que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), chargée de vérifier le respect des engagements iraniens, a sans cesse validé leur attitude depuis la conclusion de l'accord en juillet 2015. L'Iran défend bec et ongles ce texte et refuse toute renégociation. L'Iran est soutenu en cela par les Européens et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Le vice-président du Parlement iranien, Ali Motahari, estime que les Américains cherchent à pousser l'Iran à ne pas respecter ce texte, afin qu'eux-mêmes puissent obtenir un prétexte pour violer l'accord sur le nucléaire. «Mais soyez sûr que l'Iran ne tombera pas dans ce piège et ne sera jamais le premier pays à violer le JCPOA (accord sur le nucléaire iranien, ndlr). Nous ferons tout pour que celui-ci puisse perdurer. Ce que nous souhaitons, c'est que les pays de l'Union européenne, et en particulier ceux qui ont conclu l'accord nucléaire avec l'Iran (France, Royaume-Uni et Allemagne), montrent leur indépendance, respectent ce texte et ne suivent pas la voie américaine», a-t-il indiqué. Les Européens essaient justement de convaincre Washington de ne pas mélanger la politique nucléaire iranienne avec ses autres griefs à l'égard de l'Iran, comme son programme balistique et la «déstabilisation» de la région (en Syrie, au Liban, au Yémen). Tout le monde attend donc de voir ce que fera le président Trump, qui a habitué depuis son arrivée à la Maison-Blanche à faire une chose et son contraire.