Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a défendu ce jeudi devant les députés l'option de la planche à billets. La solution extrême, de son avis, pour pallier l'urgence. Pour le chef de l'Exécutif, ni l'argent de l'informel ni l'impôt sur la fortune et encore moins le recouvrement des impôts et des taxes ne sont une solution pour sortir le pays de la crise financière aiguë qui le frappe et qui risque de durer dans le temps. Ahmed Ouyahia estime qu'il est de son devoir de dire la vérité aux Algériens. Il a révélé qu'il avait, effectivement, dit aux partis de l'Alliance présidentielle que l'Etat pourrait ne pas payer les salaires du mois de novembre. «Nous sommes dans une situation infernale. Je vous ai dit que l'Etat pourrait ne pas payer les salaires de novembre. Je n'ai rien à cacher. Au 31 août 2017, il n'y avait que 50 milliards de dinars dans les caisses publiques. Pas plus. Le pays a besoin de 200 milliards de dinars par mois.» Donc, pour pouvoir payer les salaires des fonctionnaires, le pouvoir a pensé au financement non conventionnel. Ce choix, selon Ouyahia, a été retenu, loin de tous calculs politiciens, allusion aux prochaines joutes électorales. «La fixation de durée de cinq ans pour la mise en place du plan des réformes n'a aucun lien avec un quelconque calcul politicien ayant trait aux échéances électorales de 2019. Les réformes telles que conçues sont d'ordre administratif, financier et structurel», précise le Premier ministre, qui a également réfuté toutes les rumeurs relayées au sujet des conséquences du recours à la planche à billets, à l'instar de l'augmentation de l'inflation à des niveaux élevés, le recul du pouvoir d'achat du citoyen et la dépréciation de la valeur de la monnaie nationale.
«C'est de la démagogie» D'après lui, la masse monétaire dont dispose le pays n'équivaut pas la valeur des réserves de change qui est estimée à 14 500 milliards de dinars. «Les réserves de change de l'Algérie se sont établies à 103 milliards de dollars à fin août 2017», a rappelé le Premier ministre qui prévoit un recul des réserves de change à 102 milliards de dollars en septembre en cours. «Le temps prouvera si le gouvernement a eu raison ou tort d'adopter cette mesure, d'autant que les experts et les membres du gouvernement procèderont à l'étude de l'efficacité de cette mesure au cours des six prochains mois.» S'agissant de la valeur du dinar, il dira qu'il est tributaire de deux choses : les réserves de change et l'évolution des autres devises. «C'est de la démagogie de dire que la planche à billets conduirait à une baisse du dinar», se défend Ouyahia. Détaillant les données financières en se basant sur les données officielles de la Banque centrale, Ouyahia a révélé que jusqu'au 31 août dernier, la masse monétaire à la Banque centrale était de l'ordre de 50 milliards de dinars, tandis qu'elle a atteint le 14 septembre en cours 360 milliards de dinars, et ce, grâce aux fonds de la fiscalité recouvrée. Concernant la valeur de la fiscalité non recouvrée et les amendes, le Premier ministre a indiqué que la vraie valeur de la fiscalité non recouvrée était de 2500 milliards de dinars, contrairement au chiffre avancé de 12 000 milliards de dinars qui représente la valeur de la fiscalité qui devait être payée par les entreprises dissoutes, estimée à 1900 milliards de dinars et 7000 milliards de dinars d'amendes prononcées par les tribunaux tout au long des années précédentes. Le Premier ministre a assuré que le recouvrement du montant de cette fiscalité était en cours à travers les démarches menées par les services du ministère des Finances.
Pas de nouvelle taxe dans la LF 2018 Quant au total des crédits octroyés par les banques, le ministre a dit qu'il s'élève à 8467 milliards de dinars, dont 4000 milliards aux entreprises publiques et 700 milliards aux petites entreprises, le reste chez le privé. Tandis que les crédits bancaires non recouvrés représentent 11% du montant total des crédits alloués par l'Etat, soit 800 milliards de dinars dont 100 milliards de crédits Ansej. Concernant l'effacement des dettes de certaines micro-entreprises, le Premier ministre a déclaré que «le gouvernement est déterminé à aider les jeunes», soulignant que 27 milliards de dinars de dettes ont été effacées récemment par les banques au profit d'entreprises de l'Ansej tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'un rééchelonnement de leurs dettes. Le chef de l'Exécutif a minimisé la masse de l'argent qui circule dans l'informel estimant qu'il est loin d'être une solution à notre crise. «Beaucoup a été dit sur l'argent de l'informel. Certains l'ont présenté comme un trésor qui va régler tous les problèmes si on le récupère», a-t-il ironisé. «Jusqu'en juillet dernier, la masse monétaire totale était de 14 500 milliards de dinars. L'argent de l'informel représente au mieux 2700 milliards de dinars, soit un peu moins de 17 milliards de dollars. C'est insuffisant pour régler nos problèmes», a affirmé Ouyahia. Maintien des subventions pour les démunis Le gouvernement, rassure le Premier ministre, préservera les acquis sociaux, notamment la politique de subventions actuelle particulièrement pour ce qui est des produits de large consommation subventionnés, qui sera maintenue l'année prochaine, a rassuré M. Ouyahia, qui promet qu'il n'y aura pas de nouvelle taxe dans la loi de finances pour l'exercice 2018. Néanmoins, après l'adoption du projet de loi sur la monnaie et le crédit, le financement des logements AADL de type location-vente devrait être assuré par le Fonds national d'investissement (FNI) à travers l'injection de 250 milliards de dinars sous forme de crédits remboursables sur une durée de 30 ans. Par ailleurs et pour renforcer le tourisme local, Ahmed Ouyahia a évoqué la piste d'une nouvelle taxe sur les voyages. La société algérienne est une «société de consommation». Les Algériens sont également des voyageurs, a-t-il dit, évoquant une taxe pour les voyages dont il n'a pas précisé le montant. Mais cette taxe n'est pas prévue dans la loi de finances 2018, a-t-il promis. Par ailleurs, dans ses réponses aux députés, Ahmed Ouyahia ne s'est pas attardé sur l'option de l'impôt sur la fortune. Mieux, il n'a fait aucun reproche aux opérateurs économiques et les hommes d'affaires. Il a même ajouté que l'Etat va «tout faire» pour les aider à réussir leurs projets en leur créant «un climat d'investissement» !