«Lorsque je reçois une gifle sur une joue, je n'ai pas pour habitude de tendre l'autre pour en recevoir une autre. Je riposte». C'est ainsi que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a justifié, jeudi en conférence de presse, sa charge violente contre l'opposition, lors de ses réponses aux interrogations des députés à l'occasion des débats sur le plan d'action du gouvernement. En entamant son intervention, Ouyahia a surpris plus d'un en annonçant dès le début la couleur de ce qui sera «une mise à nu» en règle de l'opposition qualifiée tantôt d'apprentis, tantôt d'extrémiste et tantôt de radicale. Dans le viseur du Premier ministre, les islamistes et le RCD et…Noureddine Boukrouh. «Nous avons entendu une opposition qui est venue avec un discours des plus durs. Pour elle, le système est maffieux, l'Etat est voyou. Alors, dans le cadre de la démocratie, moi aussi je vais m'exprimer», a-t-il avertit d'emblée, avant de lâcher : «Le peuple vous regarde en spectateur. Il nous suffit de voir comment vos militants vous désertent». Ici, c'est le RCD qui est ciblé. Durcissant le ton, l'orateur passe au MSP avec une rare violence, l'accusant d'avoir perdu son chemin et dévoyé le combat de son fondateur, le défunt Mahfoud Nahnah. «Aujourd'hui, certains de cette famille ne savent pas s'ils demandent une révolution, un dialogue ou la participation. Je dis ça parce que ces gens nous ont dis : vous avez échoué. Ils nous ont demandé de dégager». «Qu'ils nous permettent alors au moins de donner notre avis avant de dégager. Le peuple les regarde. Le peuple voit que d'un côté, ils pleurent sur son sort à la veille des élections et de l'autre côté, ils font tout pour priver l'Etat des moyens à même de prendre en charge les besoins du peuple», a-t-il accusé. Cela avant de passer aux «apprentis» de l'opposition qui sont parfois une seule personne. Et c'est Noureddine Boukrouh qui est désigné, sans le citer nommément. «On les a suivis depuis un an ou deux. Ils se félicitaient que le système n'avait plus d'argent, qu'il ne pouvait plus acheter la paix sociale. Qu'il va tomber. Ils ont adopté la position du loup qui est resté sous un figuier attendant que la figue tombe», a souligné le Premier ministre. Il poursuivra : «Mais malheureusement pour eux, le système est venu avec une solution et cette solution les a inquiétés. Ils se mettent alors à critiquer la solution et redoublent de furie contre le système». Et de cibler directement Noureddine Boukrouh. «L'un d'eux, qu'on voit d'une époque à une autre, comme l'éclipse solaire, est revenu ces derniers temps, appelant à une révolution populaire. Il sait que le peuple ne l'écoute pas car il n'a pas oublié lorsqu'il le qualifiait de ghachi. Mais il attend que le système le sanctionne pour en faire un zaïm. Or, le système l'ignore complètement», affirmera Ouyahia. On parlant de la situation financière du pays, Ahmed Ouyahia a eu un accrochage avec une députée du RCD qui l'a interrompu. «Où sont partis les 1000 milliards de dollars ?», interpelle la députée. «Nous avons dit au peuple où ils sont partis. L'ère de l'hypocrisie politique est révolue», a répliqué Ouyahia, répondant à ceux qui concluent à l'échec du président par certaines réalisations. L'orateur a ménagé une autre opposition qualifiée de civilisée, précisant que ses interrogations et propositions seront prises en compte par le gouvernement. Il a également rendu un vibrant hommage aux partis de la majorité présidentielle. Avec ses attaques virulentes, Ouyahia ouvre peut-être une nouvelle page dans les relations entre le pouvoir et l'opposition. Il défend la planche à billets Dans ses réponses, le Premier ministre a répliqué également aux députés qui ont dénoncé le recours aux financements non conventionnels et mis en garde contre ses conséquences «dangereuses» et les dérives inflationnistes qu'il ne manquera pas, selon eux, d'engendrer. Ces députés ont plaidé pour d'autres sources de financement de l'économie nationale, comme le recouvrement des impôts non payés, le remboursement des crédits bancaires, le recyclage de l'argent de l'informel, etc. «Ces solutions sont des utopies», a pesté Ouyahia après avoir donné des détails concernant les dettes des banques non remboursées et les impôts non recouvrés. Concernant la valeur de la fiscalité non recouvrée et les amendes, il a affirmé que la vraie valeur de la fiscalité non recouvrée était de 2500 milliards de dinars, contrairement au chiffre avancé de 12 000 milliards de dinars qui représente la valeur de la fiscalité qui devait être payée par les entreprises dissoutes, estimée à 1900 milliards de dinars et 700 milliards de dinars d'amendes prononcées par les tribunaux tout au long des années précédentes. Le Premier ministre a assuré que le recouvrement du montant de cette fiscalité était en cours à travers les démarches menées par les services du ministère des Finances. Quant au total des crédits octroyés par les banques, le ministre a dit qu'il s'élève à 8467 milliards de dinars dont 4000 milliards aux entreprises publiques et 700 milliards aux petites entreprises, le reste chez le privé. Les crédits bancaires non recouvrés représentent 11% du montant total des crédits alloués par l'Etat, soit 800 milliards de dinars dont 100 milliards de crédits Ansej, a-t-il précisé. Pour ce qui est du marché informel, il a indiqué que l'Algérie disposait d'une masse monétaire jusqu'à juillet 2017 de 14 500 milliards de dinars dont 2 700 mds de dinars en circulation sur le marché parallèle. Quant à l'inflation prévue et la dégradation de la valeur du dinar à cause des financements non conventionnels, M. Ouyahia a indiqué que cette option ne produira pas une lourde inflation, soulignant que «le temps prouvera si le gouvernement avait eu raison ou non d'adopter cette mesure». Il a expliqué que le recours du gouvernement au financement non conventionnel évitera à l'Algérie une crise financière accablante. Il ajoutera que la valeur du dinar est liée aux réserves de change et l'évolution des autres devises. A la fin de sa conférence de presse, Ouyahia a lancé : «Le match est terminé. Le vainqueur a vaincu».