S e déplaçant entre le détail cinématographique et la déconstruction-reconstruction de l'histoire de la Révolution, Derrais a estimé qu'il s'agit d'une première, -après 54 ans d'indépendance-, qu'un réalisateur algérien ose lever le voile sur la genèse, les conflits des clans, les profils des initiateurs de la guerre d'indépendance, dans un long métrage de plus de deux heures. Pour lui, il est temps d'expliquer aux Algériens certaines choses, occultées jusqu'à aujourd'hui par la version officielle de l'histoire. «D'abord, ce film n'est pas un produit fait sur commande, ou un film d'occasion. Il a été réalisé minutieusement en se basant sur des faits historiques et des témoignages crédibles. Je n'ai pas fait un film de fiction ou une version officielle, et je ne sais pas les faire», a-t-il déclaré. Et de se relâcher dans la discussion : «Je me suis basé aussi dans ce film sur l'aspect politique de la Révolution. Car, j'ai constaté que les films sur cette partie de l'histoire d'Algérie étaient injustes, l'on a occulté l'aspect politique de la guerre, de sa genèse et de ces initiateurs. Je veux dire l'élite politique.» Le scénario du film a été construit sur la vie et le parcours de Larbi Ben M'hidi. A l'aide de la famille du martyr, les témoignages des proches et la participation d'historiens algériens et étrangers, le réalisateur relate le parcours particulier de Ben M'hidi. «Après 54 ans d'indépendance, nous n'avons rien sur nos martyrs. C'était voulu de ne pas parler de ces hommes, en inculquant aux Algériens l'idée que la Révolution a été menée par le peuple. Certes, le peuple a joué un grand rôle dans la guerre, mais il ne faut pas omettre que c'est grâce à ces héros que la Révolution a eu lieu», a-t-il souligné. Et de renchérir que c'est une manière de découvrir l'homme avant et durant la guerre. Grâce aux recherches qu'il a menées, selon Derrais, il a pu avoir des anecdotes sur Larbi Ben M'hidi, qui n'ont jamais été dévoilées publiquement. Faisant plaisir à l'assistance, le réalisateur a montré quelques minutes d'une scène qui montre les débats, très serrés, de l'une des réunions du Congrès de la Soummam, où l'on découvre un Ben M'hidi sage et convaincant. Passionné et usant d'un franc-parler qui ne laisse pas indiffèrent, Derrais a developpé toute une thèse sur son personnage, qui ne devrait pas plaire aux esprits rigides. «Nous avons le devoir de dire plus sur nos martyrs et de respecter leur mémoire», a-t-il expliqué. Et de rassurer que ce film a été réalisé, selon les normes internationales pour attirer la nouvelle génération et corriger leur vision sur la guerre d'Algérie. Le conférencier a annoncé, à la fin, qu'il prépare un nouveau film sur Maâtoub Lounes, sans donner plus de détails. A noter, par ailleurs, que «Houna Qassantina» est un événement culturel organisé par l'association Numidi-Arts et les éditions du champ libre depuis le Ramadhan dernier. Cet événement culturel a connu un tel succès à Constantine que les initiateurs n'ont pas hésité à poursuivre l'aventure. Le premier numéro, tenu samedi, devait être abrité par le palais de la culture Mohamed Laïd El Khalifa. Malheureusement, à la dernière minute, la direction de la culture a changé d'avis et refusé d'ouvrir les salles sans l'autorisation de la DOPS. Les initiateurs, qui ont déplacé l'événement au Café Riche, ont qualifié ce comportement d'«inadmissible» et de «décevant». Pour sa part, Derrais a jugé que la décision du directeur de la culture est un «crime» au moins pour la simple raison que sa tutelle cofinance le film.