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Crise économique : Le vrai du faux
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Publié dans El Watan le 06 - 10 - 2017

«L'Algérie vit l'enfer», c'est suite à cette fameuse phrase, lancée par Ouyahia que la panique règne. Depuis, les rumeurs fusent. El Watan weekend a démêlé le vrai du faux.
«A quelques mètres d'ici, il y a la place du square, où se trouve le plus important marché parallèle de la devise. Il y a une augmentation en flèche de la valeur de l'euro face au dinar en raison des rumeurs», dénonçait le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, il y a quelques jours, lors de la présentation du plan d'action du gouvernement devant les membres du Conseil de la nation.
En effet, depuis quelques semaines, et suite au face-à-face députés/Ouyahia, durant lequel ce dernier a annoncé que «l'Algérie vit l'enfer», notamment à cause des réserves de change, estimées à quelque 103 milliards de dollars, qui poursuivaient leur chute, c'est la panique et les nombreuses rumeurs n'ont fait qu'empirer la situation. Mais finalement, doit-on vraiment s'inquiéter ?
Pour Brahim Ben Khalifa, maître de conférences à l'Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSSEA), ces rumeurs sont une anticipation logique au sens économique à la suite des déclarations du Premier ministre au sujet de la planche à billets.
Il explique : «La création monétaire sans contrepartie implique en économie une inflation au niveau national et une dépréciation de la valeur d'échange de la monnaie nationale par rapport aux devises.» Selon lui, ces deux aspects laisseraient naturellement les gens d'une manière générale penser, chacun par rapport à son niveau de vie, à chercher le meilleur moyen pour conserver la valeur réelle de sa richesse. Zoom sur ces bruits de couloirs qui sèment la panique.
Il faut retirer son argent des banques à cause du manque de liquidités. Faux
Pris de panique, nombreux sont ceux qui ont retiré leur argent des banques. Selon eux, le manque de liquidités fait qu'il se pourrait qu'ils ne puissent pas récupérer leur argent. Ont-ils raison d'avoir peur ? «Non, étant donné que le problème de liquidités ne va pas se poser», estime l'économiste Lamiri Abdelhak, qui relève, par ailleurs, une contradiction et non des moindres. L'expert explique qu'étant donné qu'on stipule que la planche à billets va tourner à plein régime, on ne va donc pas manquer de liquidités.
Par ailleurs, ce dernier affirme que les statistiques de la Banque mondiale, en notre possession, montrent que l'Algérie a suffisamment de liquidités pour ne pas subir ces problèmes (la masse monétaire/PIB est égal à 81%). Selon lui, il peut y avoir des problèmes de gestion passagers comme toujours, mais pas des situations alarmantes. Mais alors pourquoi panique-t-on autant et quel est le mode de fonctionnement d'une banque ?
L'expert financier Souhil Meddah explique qu'une banque, comme tout agent économique, est un acteur qui est chargé de collecter les valeurs fiduciaires à travers l'alimentation des comptes de dépôt et d'épargne par ses clients. Ces valeurs sont inscrites dans l'actif du bilan de la banque comme valeurs fiduciaires déposées, contre une autre inscription dans le passif du bilan comme des dettes en valeurs scripturales. Selon lui, ce schéma simplifié peut naturellement s'interpréter par le fait que la banque utilise les dépôts des autres agents pour se financer et pour financer l'économie.
«Or que dans la réalité, les banques primaires des finances engagent des valeurs plus élevées que la valeur de l'épargne à travers un système de création monétaire ex-nihilo tirée à partir de la demande du crédit (un engagement juridique) qui est une technique universelle utilisée dans toutes les banques du monde.» Cette création monétaire se base donc sur le niveau de l'épargne augmenté d'un seuil supplémentaire en passant par la règle de la réserve fractionnaire, tout en respectant le seuil toléré de création.
Le crédit, qui lui-même doit générer des flux et de la fiscalité supplémentaires, qui à leur tour généreront des revenus aux déposants des banques et aussi d'autres crédits par l'effet multiplicateur des crédits, augmente en permanence le volume de la masse monétaire dans une économie donnée.
Ensuite, les crédits une fois remboursés, leur valeur scripturale sera annulée et détruite progressivement au fur et à mesure que les amortissements du crédit se consomment. «Le véritable risque réside dans la surévaluation des crédits, qui entraîne de facto une fuite implicite des valeurs fiduciaires par écart entre le crédit réel et le crédit officiel», craint Souhil Meddah.
Ce dernier conclut : «La création monétaire est une technique qui existe, elle est ordinaire et régulière. Et le fait d'inciter les gens à retirer leur argent des banques est un acte complètement irresponsable qui n'a aucun sens et qui peut aussi entraîner une panne générale du système monétaire à l'échelle nationale.»
Taxe sur les voyages. Faux
Quelques jours après avoir annoncé, à l'Assemblée populaire nationale, la possible instauration d'une taxe sur les voyages à l'étranger, le Premier ministre fait machine arrière. «Le gouvernement ne va pas instaurer de taxe sur les voyages», a annoncé Ahmed Ouyahia, la semaine dernière au Conseil de la nation.
Mais si cette taxe ne sera pas introduite pour le moment, rien ne garantit qu'elle ne le sera pas dans quelque temps, surtout avec la crise que traverse le pays, d'autant plus que son application est d'une facilité déconcertante. Abdelhak Lamiri explique : «On peut aisément mettre des taxes sur les voyages. On les met sur les billets de transports internationaux et créer une vignette valable pour sortie à l'étranger.
Ceci est facile, si on le veut». De son côté, Souhil Meddah éloigne la possibilité de son application pour le moment. Il confie : «Je ne crois pas que cette option soit envisageable dans l'immédiat, néanmoins, elle peut quand même s'appliquer sur un gisement très important composé de voyageurs sortants qui font des déplacements à l'extérieur du pays pour des raisons de tourisme, loisirs, omra répétitives, en excluant bien sûr les missionnaires, les étudiants, et les voyages pour des raison de santé, etc.»
Augmentation des prix des carburants. Vrai
C'est la troisième fois consécutive que les prix des carburants augmentent. En effet, le projet de loi de finances adopté mercredi par le Conseil des ministres prévoit une augmentation sensible des prix des carburants en raison de la révision à la hausse de la Taxe sur les produits pétroliers (TPP). Ainsi, le prix du litre d'essence normal sera de 38,64 DA au lieu de 32,69 DA.
Le prix du litre d'essence super atteindra 41,67 DA, contre 35,77 DA actuellement. Même chose pour l'essence sans plomb qui augmentera de 35,95 DA à 41,28 DA. Concernant le gasoil, vendu à 20,80 DA le litre, il atteindra 22,80 DA. Pour l'économiste Mohamed Achir, il s'agit d'une nécessité pour réduire les importations du carburant et modérer la consommation.
De son côté, Souhil Meddah affirme : «En analysant le comportement individuel des consommateurs, une telle augmentation se traduira de facto par la capacité de chaque usager de consommer une quantité de carburant nécessaire pour lui pendant une certaine période.» Ainsi, son influence se mesure dans le fait que les usagers veulent maintenir leur rythme de consommation à moindre coût tout en excluant les autres moyens de substitution possible (transport en commun).
Cette hausse du carburant n'exclut pas une hausse des tarifs des transports publics, étant donné que la fraction liée au coût moyen du carburant pour un transporteur sur un tronçon de 60 km à 100 km par exemple varie entre 12% à 18% du coût global de la rotation. Selon l'expert, sur un plan macro-économique, une telle augmentation permet de réduire les quantités consommées, mais aussi l'écart négatif entre coût et prix de vente.
Application de l'impôt sur la fortune. Vrai
Depuis l'annonce de la crise, des rumeurs sur l'application de l'impôt sur la fortune fusent. Et le Conseil des ministres, qui s'est tenu mercredi dernier, a apporté les réponses à toutes les interrogations, ou presque. Ainsi, le projet d'impôt sur la fortune, introduit par le projet de loi de finances 2018, concerne toute fortune nette dépassant les 50 millions de dinars, tout véhicule touristique dont le prix dépasse les 10 millions de dinars et même les œuvres et tableaux artistiques dont le coût dépasse les 500 000 DA. Le projet de loi de finances 2018 stipule que cette mesure sera appliquée à «toute personne dont le domicile fiscal est l'Algérie», que ses biens soient au pays ou à l'étranger. A cet effet, Abedlhak Lamiri affirme que l'impôt sur la fortune existe dans tous les pays développés et émergents.
Selon lui, il s'agit de déterminer un seuil et plusieurs approches sont possibles (approche revenu ou approche patrimoine ou une combinaison). «A titre d'exemple, on peut dire celui qui a un patrimoine supérieur à 50 millions de dinars et qui a un revenu supérieur à 5 millions DA par an paye 10% de ses revenus annuels comme impôt sur la fortune. Il y a des milliers de formules possibles», propose-t-il. Mais concrètement, peut-on réellement l'appliquer, étant donné que de nombreux richards ne déclarent pas leurs patrimoines ?
Pour Souhil Meddah, la mise en œuvre de l'impôt sur la fortune est un peu compliquée, «en attendant de pouvoir déterminer sur quels critères vont se baser de telles identifications dans une sphère où même les transferts sociaux profitent aux plus riches et où les soutiens à quelques catégories sociales de la société, comme le logement, basculent dans l'informel et alimentent progressivement les effets spéculatifs sur les biens obtenus grâce à l'aide de l'Etat avec des prix administrées et soutenus et vendus ensuite au prix du marché».
Pour Abdelhak Lamiri, vu l'ampleur de la crise, il faut que les citoyens aisés contribuent plus pour l'alléger. «Mais l'Etat doit changer en profondeur ses méthodes de travail. Une hausse de tout genre d'impôts ne suffira pas, si l'Etat continue à être géré comme actuellement. Il faut plutôt taxer lourdement les terres agricoles qui ne sont pas utilisées», conclut-il.
L'allocation touristique baisse à 100 euros. Vrai
Contrairement à nos voisins tunisiens et marocains qui ont droit à 4000 euros d'allocation touristique, les Algériens, eux, doivent se contenter de 105 euros. Mais ça, c'était sans compter sur la crise qui vient une nouvelle fois tout chambouler. «D'ici la fin d'année, les Algériens ne toucheront que 100 euros», affirme un employé de banque.
Mais pourquoi donc une nouvelle baisse ? Abdelhak Lamiri explique : «Il n'y a pas eu de baisse de l'allocation de 5 euros. Le seul problème qui se pose est que les banques se plaignent du manque de billets de 5 euros.» Selon lui, c'est d'ailleurs pour cette raison que les citoyens accusent les agents de les prendre, alors que dans la plupart des cas ces billets viennent à manquer.
Mais alors pourquoi l'Etat ne veut pas augmenter cette allocation ? Mohamed Achir explique : «Les recettes en devise de l'Algérie proviennent d'une seule source d'exportation : le pétrole. C'est pour ça le gouvernement ne veut pas libérer le taux de change, ni augmenter l'allocation touristique.»
Effondrement des prix de l'immobilier. Faux
Le scénario espagnol va-t-il se reproduire en Algérie ? Suite à cette crise, le prix de l'immobilier va-t-il réellement chuter, comme le prédisent les rumeurs ? Il semblerait que cette hypothèse est à éloigner. Brahim Ben Khalifa confie qu'avec cette tension inflationniste, les prix de l'immobilier ne vont qu'augmenter pour deux raisons. La première est liée à l'augmentation des prix sur les marchés (matériaux de construction).
La seconde est l'intérêt qu'accordent les Algériens à ce secteur pour conserver la richesse. Un avis largement partagé par Abdelhak Lamiri qui rassure les citoyens : «L'immobilier va demeurer un refuge pour de nombreuses années encore. Il y a quelques mois, la situation était plus mauvaise qu'actuellement et ces questions ne se posaient pas. C'est suite à une mauvaise communication du gouvernement qu'on a toutes ces rumeurs.
L'immobilier restera un bon refuge.» Mais pourquoi donc les prix de l'immobilier restent élevés malgré la crise ? Souhil Meddah soutient qu'en dehors des promotions libres, le secteur de l'immobilier enregistre un déséquilibre et un écart important entre le prix officiel initial soutenu par l'Etat pour le compte des particuliers et le prix réel de cession entre particuliers à cause d'une demande élevée.
Il poursuit : «Ce marché a durant des années affiché une bulle spéculative progressiste et expansive, presque illimitée et même surévaluée, du fait que l'offre ne pouvait pas satisfaire la demande.» Selon l'expert, actuellement, et malgré le fait que le parc immobilier reste insuffisant, la tendance de la pression sur la demande est en train de basculer vers le bas. Sauf dans le cas où le manque de liquidités provoquera le blocage de ce marché,
Plafonnement des distributeurs. Faux
Nombreux citoyens se sont plaints du fait qu'ils n'ont pas pu retirer plus de 5000 DA au distributeur. Mais il semblerait que cela soit juste un bug et non un plafonnement. Mohamed Achir assure : «Ce n'est pas possible, on n'est pas en faillite générale.» Un avis partagé par Abdelhak Lamiri qui assure au contraire qu'il y aura plus de liquidités bancaires suite à l'intervention de la Banque centrale.
L'or, une valeur sûre. Vrai
«L'or a toujours été une valeur refuge sûre et le restera dans le futur», soutiennent les experts. Depuis l'annonce de la crise, et la probable dévaluation du dinar, tout le monde cherche à convertir ce qu'il a en sa possession. Certains achètent la devise, d'autres achètent de l'or et les plus riches investissent dans les biens immobiliers. Pour Brahim Ben Khalifa, «les trois moyens susceptibles et en l'absence d'une culture boursière ou d'autres mécanismes qui existent dans d'autres pays, demeurent l'or, l'immobilier et la devise pour ainsi conserver le pouvoir d'achat des gens ou plutôt constituer un support d'épargne».
L'or est ainsi considéré mais à un degré moins important que la devise et l'immobilier. Cependant, il faut quand même faire attention. Mohamed Achir assure : «L'or est coté en Bourse, donc sa valeur n'est pas vraiment sûre, mais il reste un métal précieux qui n'est pas volatil dans ses fluctuation boursière.» Mais finalement, est-ce une bonne idée ? Souhil Meddah avoue que le recours à des valeurs refuge influera négativement sur la collectivité.
Si la demande sur l'or progresse rapidement, il est certain qu'elle chutera brusquement et rapidement. «Garder des valeurs statiques en dehors de l'épargne ne produit aucune utilité économique pour l'individu ou pour la société, dans la mesure où les agents économiques qui se dirigent vers ce gisement seront contraints de vendre ou d'acheter à chaque fois que le besoin se manifeste, provoquant au passage des variations négatives sur les coûts et les profits de chaque opération. Il est important d'éviter les cas de panique», conclut-il.


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