La démocratie en Algérie a été sacrifiée sur l'autel du socialisme, a déclaré Abdelhamid Mehri, ex-secrétaire général du FLN. « Les choix politiques adoptés en 1962, tendant à réaliser l'égalité sociale à travers le socialisme, ont empêché la mise en place d'une véritable démocratie dans le pays », a affirmé Abdelhamid Mehri dans son intervention à l'ouverture du séminaire sur le thème « Vers une vision globale pour la consolidation de la démocratie en Algérie ». Un séminaire organisé par le Centre des études de démocratie dans les pays arabes, basé à Londres, en partenariat avec le quotidien arabophone El Djazair News et dont les travaux se sont déroulés, hier, à la Bibliothèque nationale du Hamma, à Alger. Pour le conférencier, les bases de la démocratie jetées par la déclaration du 1er Novembre 1954 et le congrès de la Soummam ont été galvaudées après l'indépendance. « Je témoigne que durant la révolution il y a eu un débat franc entre les différents courants politiques existants. La révolution a mis en place les bases de la démocratie dès le congrès de la Soummam en 1956 », a-t-il indiqué. Le parti unique, selon lui, a laissé tombé les principes du congrès de la Soummam, appelant à consacrer l'unité nationale et a ouvert les portes de l'exclusion. Abdelhamid Mehri révèle, dans la foulée, la grande dérive survenue après le congrès de Tripoli (Libye). « Nous avons décidé durant le congrès de Tripoli d'appeler la charte qui a sanctionné ce rendez-vous, projet provisoire du FLN. Nous nous sommes entendus à cette époque à traiter toutes les questions posées lors de cette rencontre dans un autre congrès devant se tenir après l'indépendance. Le titre du document en question a été changé pour qu'il soit appelé charte de Tripoli », a-t-il ajouté. Mais il n'est pas la seule entrave à l'instauration de la démocratie dans le pays. A chaque étape de l'histoire algérienne, de l'après révolution jusqu'à 1988, des excuses ont été trouvées pour retarder l'instauration de la démocratie. Après l'excuse de l'égalité sociale en 1962, le processus démocratique, a-t-il souligné, a été de nouveau interrompu durant les années 1990 en avançant la raison de la menace islamiste. L'important pour le moment, a attesté encore l'orateur, est de bannir l'exclusion. Abdelhamid Mehri a tenu dans le même sens à expliquer la référence faite par la déclaration du 1er Novembre et la charte de la Soummam aux principes de l'Islam. La référence à l'Islam dans ces deux documents ne signifie pas, selon M. Mehri, l'instauration d'un Etat théocratique en Algérie. L'Alliance présidentielle , « Une entrave » S'exprimant sur la réconciliation nationale, l'ex-patron du FLN s'est montré en désaccord avec la manière avec laquelle on a préparé ce projet. Le régime, a-t-il enchaîné, n'abandonne pas ses vieux réflexes tendant à orienter la classe politique et la dynamique sociale par des décisions venant du sommet vers la base. Ceci au lieu d'emprunter un sens inverse permettant, selon lui, de définir les projets sociaux par la base (la société). « La falsification des résultats ne donne pas les vraies solutions, comme une démocratie de façade ne mène pas à la véritable démocratie », a souligné encore Abdelhamid Mehri en insistant sur l'importance de traiter le problème de l'islamisme par l'engagement d'un débat politique et non par des actes administratifs. Pour leur part, Foudhil Deliou et Salah Filali, chercheurs, ont présenté une étude sur l'avenir de la démocratie en Algérie. L'exercice démocratique en Algérie, selon eux, est parsemé d'embûches. Outre l'absence de démocratie au sein des partis politiques, la faiblesse de l'opposition et le manque de volonté politique, ces chercheurs notent l'influence négative de l'actuelle Alliance présidentielle (MSP, FLN et RND) sur l'exercice politique dans le pays. Cette coalition, ont-ils conclu, a semé le doute même dans la transparence des élections. L'implication de l'administration dans les élections, la marginalisation des assemblées élues et la prolifération de la corruption ont également asséné des coups durs à la pratique politique en Algérie. Cependant, a expliqué Salah Filali, le retrait annoncé de l'ANP de la vie politique, le renforcement de la réconciliation nationale par une réconciliation politique et la réforme de la justice sont en mesure de consolider la démocratie. A noter enfin que beaucoup d'acteurs politiques, des représentants de la société civile et des chercheurs étaient présentsà cette rencontre et des débats importants ont été engagés.