C'est la grande mode actuelle : pronostiquer les conséquences futures de la décision du gouvernement de financer le déficit budgétaire par les emprunts auprès de la Banque centrale. Ce débat a remplacé les anciens commentaires sur le football, vu notre élimination en Coupe du monde. Il est devenu aussi populaire. Il faut bien qu'il y ait un hobby de substitution. Et pour le moment, c'est ce débat qui a supplanté tout le reste. Les analystes ont le devoir d'éclairer les citoyens sur les bienfaits, les risques et les opportunités liés à une telle opération. Il faut expliquer, tout en les simplifiant, les mécanismes et les conditions pour que cette opération puisse être bénéfique ou catastrophique. Car c'est de cela qu'il s'agit : comment mener l'opération de sorte à ce qu'il n'y ait pas de dérapage. Avant d'encenser ou de rejeter une alternative, il faut envisager toutes sortes d'options. Il y en a plusieurs. Nous allons évoquer les alternatives avec leurs conséquences potentielles. Mais n'oublions pas la condition temporelle : cinq ans c'est court dans la vie d'une nation. En supposant que l'option nous permette de gagner du temps, de grignoter encore cinq ans sans passer par l'endettement extérieur, va-t-on faire le nécessaire pendant cette durée pour que l'on sorte définitivement de ce marasme ? Je rappelle qu'avec cette option de financement Banque centrale, nous n'avons pas trouvé de solution. Nous avons seulement conçu un moyen pour gagner un peu de temps. Durant cette période de répit, il faut produire des solutions définitives pour juguler la crise. Il faut construire une économie diversifiée compétitive hors hydrocarbures. On en parle depuis plus de cinquante ans et aucun gouvernement n'a su le faire jusqu'à présent. C'est ce plan de développement hors hydrocarbures qui manque. Les options disponibles Pour évaluer la pertinence d'une décision, il faut évaluer les autres options disponibles. Nous en avons plusieurs. La plus commentée a été le recours à l'endettement international. On peut y recourir pour une courte période. Notre capacité d'endettement international est limitée. Si les besoins sont de l'ordre de 20 milliards de dollars par an nous pouvons au maximum prétendre à deux années de répit. Par la suite, on tombera sous les griffes du FMI et ses fameuses décisions d'ajustement structurel. On aura alors à prendre des décisions aux conséquences sociales tragiques. Il n'est pas dit que la population serait prête à faire ces sacrifices. Puis on sait que les interventions du FMI aboutissent rarement au développement. Les décisions permettent surtout de mettre le pays en situation de solvabilité mais pas de développement. C'est-à-dire la consommation et l'investissement seront réduits à des niveaux qui permettent au pays de rembourser ses dettes, pas plus ! Un pays solvable n'est pas forcément prospère. Il y a une très grande différence entre la solvabilité et le développement, aussi bien pour un pays que pour une entreprise. Une autre option consiste à augmenter les impôts de sorte à réduire, puis éliminer le déficit (nous allons considérer l'option des dépenses plus tard). Il faut alors chercher les niches d'impôts non exploitées : impôts sur la fortune, l'immobilier, l'alcool, le tabac, etc., on peut ramasser beaucoup d'argent dans ces créneaux, mais pas suffisamment pour éliminer les déficits. Beaucoup de pays ont exploré ces voies avec quelques succès. Mais il faut moderniser notre appareil fiscal. Malgré les efforts qui peuvent être fournis, y compris dans le domaine de l'intégration des activités informelles, il serait difficile d'imaginer que le niveau actuel des dépenses puisse être équilibré par la simple hausse des taxes. Il faut alors recourir à la réduction des dépenses de l'Etat. Nous avons toutes sortes de dépenses peu utiles ou qui réduisent les incitations au travail : les subventions aux non-nécessiteux, le type de logement social retenu (au coût élevé), le financement d'entreprises publiques déstructurées avec un management si défectueux qui continueront toujours de vivre au crochet de l'Etat. Ces dépenses sont dangereuses économiquement mais permettent d'avoir une stabilité sociale et politique qui devient de plus en plus chère pour l'Etat. Tout le monde sait qu'économiquement ces dépenses, et bien d'autres, sont peu rationnelles, mais que politiquement il est compliqué de s'en débarrasser. Les conditions pour s'en sortir On voit donc qu'à court terme, le système économique politique et social a piégé tout le monde. Il y a des solutions, mais qui ne peuvent être envisagées à court terme. Il faut bien les préparer et réunir le maximum de consensus pour les mettre en œuvre graduellement. En faisant ces analyses objectives, on se rend compte que le gouvernement a très peu de latitude à court terme. L'option de financement par la Banque centrale a un sens. Mais elle n'est pas une solution. Maintenant, cette option semble faire peur aux gens. La communication publique en est responsable. En premier lieu, il y a des idées reçues qui ont la peau dure. Pour le commun des mortels, toute injection de masse monétaire signifie une forte inflation. Cependant, la création monétaire peut signifier accroître la masse monétaire de 10 000 DA, comme de plusieurs milliers de milliards de dinars. Les conséquences ne seront pas les mêmes. Tout dépend comment l'économie va digérer ces ressources supplémentaires. En 2006, la masse monétaire en Algérie s'était accrue de 18,7% suite aux rentrées massives des devises des hydrocarbures. Le taux d'inflation en 2007 fut de 3,9% et de 4,4% en 2008. Comme mentionné précédemment, il y a un grand problème de confiance. La méthode de communication a beaucoup effrayé les acteurs économiques, si bien que beaucoup ont commencé à augmenter les prix avant que la révision de la loi sur la monnaie et le crédit ait lieu. Par ailleurs, si les nouvelles ressources injectées ne sont pas énormes (ne dépassent pas 30% de la masse monétaire) et sont orientées vers les activités productives et compétitives, il y aurait peu à craindre à moyen terme. Si par contre, la croissance serait exorbitante et les ressources orientées vers le financement d'entreprises publiques défaillantes et les programmes sociaux sans contrepartie productive, une forte inflation à deux chiffres est à craindre. Selon les pouvoirs publics, la destination serait vers l'effort productif de diversification. Mais les agents économiques n'ont pas retenu cette optique. Le ciblage des entités bénéficiaires est aussi important. Financer les entreprises publiques déstructurées pour réaliser la diversification économique serait un leurre. Il faut financer les réussites (publiques ou privées) non les échecs et participer à l'effort de création de plus d'un million de PME/PMI qui manque à notre paysage économique. La plupart des analystes ont une idée fixe sur ce qui se passera avec ce nouveau choix, ; alors que les répercussions dépendent grandement de l'utilisation qui sera faite de ces nouvelles ressources.