Les organisateurs du SILA, qui fait figure du plus important événement culturel algérien de l'année, ont décidé d'annuler, sans arguments assumés, la participation de deux universitaires, à savoir Daho Djerbal et Aïssa Kadri. A quelques semaines de son lancement, le Salon international du livre d'Alger (SILA) suscite déjà la controverse. Les organisateurs de ce rendez-vous, qui fait figure du plus important événement culturel algérien de l'année, ont décidé d'annuler, sans arguments assumés, la participation de deux universitaires, à savoir Daho Djerbal et Aïssa Kadri, à une table ronde qui sera consacrée, le 1er novembre, aux luttes des peuples durant la colonisation. L'historien Daho Djerbal devant même donner une conférence sur la lutte du peuple algérien. Tout allait donc pour le mieux. Le commissariat du SILA a adressé, par mail, des invitations aux deux universitaires. Rendez-vous est pris. Mais à quelques jours de l'événement, Aïssa Kadri et Daho Djerbal ont appris que leurs noms ne figureront pas parmi les invités de la table ronde. Ils «viennent d'être informés par un appel téléphonique de la part d'un membre officiel du comité d'organisation de l'annulation de leur participation», indique un communiqué signé par les deux universitaires, en compagnie de 4 autres intellectuels. «Cette décision non transmise par le même canal que l'invitation officielle relève, à notre sens, et si elle est avérée, au-delà d'une censure intellectuelle, d'une vengeance de bas étage contre des signataires d'un appel à une sortie de la crise ‘existentielle' que vit le pays à travers la mise en place d'une transition consensuelle», ajoute le document. Si aucun argument n'est fourni par le commissariat du SILA, ce groupe d'intellectuels a sa petite idée : les autorités n'auraient pas apprécié l'appel qu'ils ont lancé le 7 septembre dernier. Dans cet appel, (signé également par les universitaires Mohammed Hennad et Ratiba Hadj-Moussa, ainsi que par les journalistes Cherif Rezki et Mustapha Benfodil), avaient appelé à la tenue d'une élection présidentielle anticipée. Un geste qui s'apparente à une «atteinte aux libertés» qui s'inscrit, ajoute le document, dans «le processus ininterrompu amorcé durant ces dernières années». Car, rappellent-ils, cette interdiction «fait suite à d'autres interdictions». Elle «témoigne de l'approfondissement de la dérive d'une autorité gouvernementale aux abois, autiste, qui n'a comme réponse aux demandes sociales de participation que l'exclusion ou la répression». Des interdictions en série Contactés, les responsables du SILA ne donnent aucun argument. Le commissaire du Salon, Hamidou Messaoudi, a d'abord nié les faits. Mais dès que nous lui avons rappelé que les deux universitaires ont signé un «appel politique», il a temporisé. Il nous a renvoyés vers Youcef Sayeh, critique littéraire et figure médiatique bien connue dans les milieux du livre. Il est également membre du SILA. Contacté par téléphone, l'animateur confirme l'annulation de la participation des deux intellectuels. Pressé de répondre quant au pourquoi de la décision, Youcef Sayah a refusé de s'exprimer tant qu'il n'a pas «encore lu» le communiqué de ces intellectuels. «Je répondrai à la lecture de votre article», a-t-il promis. Comme rappelé dans le communiqué de ce groupe d'intellectuels, l'interdiction signifiée aux deux universitaires de participer au SILA n'est pas nouvelle. Depuis quelques mois, plusieurs conférences sont interdites, notamment en Kabylie. Il a fallu des mois de mobilisations et de manifestations publiques pour que le Café littéraire d'Aokas (Béjaïa) puisse avoir lieu. Le Café littéraire de Béjaïa a failli être interrompu par une interdiction des services de cette wilaya d'autoriser une conférence que devait donner Saïd Sadi autour de son dernier livre consacré au musicien et chanteur Chérif Kheddam. Des conférences, des débats et des rencontres ont également dû être annulés dans d'autres villes faute d'autorisation ou suite à d'autres motifs. C'est le cas du festival des couleurs qui devait se tenir à Béjaïa et qui a été annulé pour des «raisons de sécurité». A Tizi Ouzou, des conférences que devaient animer Kamel Daoud et Karim Akouche ont été empêchées. Un rassemblement que devait organiser le syndicat national des personnels des administrations publiques (Snapap) a également été interdit en mai dernier à Oran. Les autorités centrales ne se sont jamais exprimées sur le sujet, préférant rappeler que la Constitution garantit «les libertés». Cela est en effet bien mentionné dans les textes.