A l'occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, l'ONG Amnesty International a organisé, hier à Alger, une conférence-débat sur le thème «Les souffrances et atrocités engendrées par la peine de mort, des couloirs de la mort à l'exécution». Les autorités algériennes sont invitées, à nouveau, à franchir un nouveau cap pour aller vers l'abolition de la peine de mort. «L'Algérie pourrait entrer dans l'histoire en étant le premier pays du Maghreb à supprimer de sa législation cette condamnation infamante», indiquent les participants à la conférence-débat sur le thème «Les souffrances et atrocités engendrées par la peine de mort, des couloirs de la mort à l'exécution», organisée, hier à Alger, par l'ONG Amnesty International. Coïncidant avec la Journée mondiale contre la peine de mort, célébrée le 10 octobre, cette rencontre a été une occasion pour rappeler la nécessité de mettre un terme à cette pratique inhumaine. Cela a donné aussi l'occasion aux participants pour démonter l'argumentaire des récalcitrants et des islamo-conservateurs qui surfent sur les émotions des gens pour imposer leurs fantasmes religieux. En effet, pendant près de deux heures, les avocats Miloud Brahimi, Mohamed-Seghir Lakhdari, Mokhtar Bensaïd, président de la LADH, et l'ancien procureur général, Abdelkader Benhenni, ont cerné cette problématique, devenue, selon eux, un problème politique lourd. Le premier à intervenir est Me Miloud Brahimi pour rappeler que l'Algérie avait raté l'occasion d'entrer dans l'histoire au lendemain de l'indépendance. «L'Algérie aurait pu être un des premiers pays au monde à avoir supprimé la peine de mort. En 1964, Ali Haroun avait présenté un projet de loi dans ce sens à l'APN. Mais le président de la République de l'époque, Ahmed Ben Bella, est intervenu personnellement pour inciter les députés à ne pas voter le texte. On sait pourquoi. La peine de mort est devenue une arme entre les mains des politiques», regrette-t-il, en précisant qu'il est encore temps pour que l'Algérie passe à l'action afin de mettre un terme à cette atrocité. «La peine de mort était une arme utilisée par le colonialisme contre le révolutionnaire algérien. L'Algérie indépendante devrait l'abolir pour marquer sa différence et se démarquer du régime colonial. On aurait pu le faire bien avant la France de François Mitterrand», ajoute, de son côté, Me Abdelkader Benhenni. Près de 500 condamnés à mort en Algérie Les intervenants appellent à la mobilisation de tous pour «faire évoluer les mentalités et démonter l'argument religieux mis toujours en avant afin de s'opposer à la suppression de la loi du Talion». Poursuivant, Miloud Brahimi cite aussi les textes de loi pénitentiaire qui appliquent les mêmes mesures de détention aux personnes condamnées définitivement et celles dont la condamnation n'est pas encore définitive. Pour sa part, Me Mohamed-Seghir Lakhdari, avocat, membre fondateur d'Amnesty International Algérie, relève «l'existence de l'erreur judiciaire et l'irréversibilité de la peine de mort». C'est ce qui fait dire à Me Mokhtar Bensaïd, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), que cette sanction «est plus qu'absurde». Ce dernier fait part, à cette occasion, de ses témoignages sur les exécutions de la peine capitale à la prison de Tazoult, à Batna, entre 1982 et 1985. «J'ai assisté cinq fois à des exécutions. Et à chaque fois, je me sentais très mal pendant de longs mois», rappelle-t-il. Les intervenants estiment aussi que «ceux qui appellent à l'application de la peine au nom de la charia ‘ne connaissent pas le Coran' qui n'encourage pas les exécutions de la personne humaine». A ceux qui appellent à l'activation de la peine de mort pour les assassins des enfants, Miloud Brahimi répond que «ceux-là jouent plus sur les sentiments des gens». «C'est une réaction émotionnelle. Il faut savoir que le fait de ne pas appliquer cette peine sur celui qui kidnappe et tue un enfant n'est pas synonyme du pardon», souligne-t-il. «L'exécution des peines n'a jamais fait baisser le nombre de crimes», explique Mokhtar Bensaïd, appelant à remplacer la peine de mort par une autre peine bien lourde, mais sans aller jusqu'à tuer l'homme. Afin de préparer l'opinion à accepter l'abolition de la peine de mort, les conférenciers appellent à la sensibilisation permanente. Et c'est ce que propose de faire AI qui lancera aujourd'hui une vidéo pour appeler à l'abolition de la peine de mort sur les réseaux sociaux. Selon Hassana Ousseddik, première responsable de l'ONG en Algérie, il y a actuellement environ 500 condamnés à mort qui attendent leur sort dans les prisons algériennes. «Cette attente est cruelle. L'Algérie a encore raté l'occasion de la révision de la Constitution en 2016 pour passer de l'étape du moratoire à celle de l'abolition. Nous devons lutter en permanence sur le terrain pour faire évoluer les mentalités», soutient-elle.